A l’occasion de son assemblée générale et de la présentation du budget de l’Etat à la Chambre des députés, la Fédération des industriels du Luxembourg (FEDIL) s’est exprimée, le 22 avril 2014, sur la situation économique du pays et sur les moyens de l’améliorer.
"Il n’y a rien de très nouveau", a souligné le directeur de la Fedil, Nicolas Soisson, lors d'une conférence de presse. "Les indicateurs macroéconomiques ne sont pas bons. Nous ne partageons pas l’optimisme que nous entendons dehors et estimons qu’il existe des problèmes structurels profonds", a-t-il expliqué.
Autrement dit, pour la FEDIL, la situation ne s’est pas améliorée au point où on pourrait parler d’une reprise de l’économie, comme d’autres le font. La croissance, relevée par le STATEC pour 2013, égale à 2 %, reste au-dessous de la moyenne de 4,2 % de croissance que le pays a connu durant la période 1985-2012. "Tout au plus, peut-on affirmer qu’il s’agit d’une reprise technique", a affirmé le président, Robert Dennewald, durant son discours face à l’assemblée générale.
Par ailleurs, pour ce qui est des prévisions, la FEDIL est plutôt de l’avis de la Commission européenne que de celui des experts luxembourgeois. Or, la Commission prévoit une croissance du PIB de 1,8 % en 2014, puis n’augmenterait que de 1,1 % en 2015, soit un niveau inférieur en-dessous de la moyenne de l’UE, alors que le STATEC prévoit une croissance de 2,7 % en 2014.
L’évolution de la croissance économique est liée à l’emploi, dont la croissance stagne autour de 2 % depuis quelques années, et ce, à la faveur de la création d’emplois dans certains secteurs marchands particulièrement dynamiques, comme les services aux entreprises et les Technologies de l’information et la communication (TIC), et dans le secteur non marchand. Au sujet de la création d'emplois dans ce secteur, Nicolas Soisson a précisé qu'ils étaient créés au sein de l'administration publique, dans les secteurs de la petite enfance et de la vieillesse, et qu’ils constituent donc "une création de richesses avec de l’argent qui n’existe pas".
La situation économique n’est pas non plus apte à endiguer la hausse constante du chômage observée, malgré la croissance de l’économie et celle de l’emploi, depuis le début de la crise de 2008. Le taux de chômage atteint désormais atteint la barre des 7 % en janvier 2014. Pour la FEDIL, c’est parce que "les problèmes structurels du chômage demeurent".
Au chapitre "Marché du travail" de son catalogue de revendications, la FEDIL estime d’ailleurs qu’il y a lieu de "revoir le niveau des revenus de remplacement (chômage, reclassement…) afin de valoriser le travail par rapport à l’inactivité".
Pour ce qui est des finances publiques, la FEDIL rappelle leur évolution en ciseaux "qui n’arrivent pas à se refermer". Depuis 2008, les dépenses ont été constamment supérieures aux recettes, avec "une solide différence" entre les deux, d’un demi-milliard d’euros chaque année, de telle sorte que la dette publique a augmenté à partir de 2007 pour atteindre, sept ans plus tard, 25 % du PIB. Le Luxembourg consacrera ainsi, en 2014, 220 millions d’euros au titre d’intérêts échus sur la dette publique. Certes, "c’est peu en comparaison avec la moyenne européenne, mais beaucoup dans une perspective historique du Luxembourg", estime Nicolas Soissons, en rappelant le taux stationnaire de 5 % d’endettement enregistré entre 2000 et 2007.
Pour ce qui est des secteurs d'activité de ses 538 membres, la FEDIL fait savoir que l’industrie est confrontée à de grands problèmes. La production industrielle luxembourgeoise est, comme celle de la zone euro, sous le niveau de 2007, tout en figurant en moins bonne position que l’industrie de la zone euro. En raison de son recul de 2,7 % en 2013 par rapport à 2012, année qui avait déjà connu une baisse de la production de 5 % par rapport à la précédente, l’industrie connaît "une faible utilisation de ses capacités, ce qui réduit la productivité et la rentabilité des entreprises", souligne son directeur.
Soulignant la nécessité d’une industrie performante, y compris dans la lutte contre le chômage, Robert Dennewald s’est dit satisfait que le gouvernement souhaite entendre les recommandations du Haut Comité pour le soutien, le développement et la promotion de l’industrie au Luxembourg créé en avril 2013.
Le secteur de la construction affiche lui aussi une tendance à la baisse depuis janvier 2007. En 2013, il a enregistré un recul de 4,3 %, due un hiver 2012-13 dur et long.
Par contre, le secteur des services aux entreprises s’est constamment développé depuis juillet 2009 et représente désormais près de la moitié de la valeur ajoutée créée dans le pays. C’est "une évolution structurelle", explique Nicolas Soisson, dû "en partie au fait que que les entreprises des secteurs classiques, de l’industrie, de la finance, ont davantage recours aux services par l’externalisation".
Les TIC et les activités juridiques, font partie des sous-secteurs qui connaissent un "redressement sensible".
La hausse du coût salarial unitaire, plus forte que dans les pays voisins, est "une des causes de la mauvaise performance de l’économie", a souligné Nicolas Soisson. Elle entraînerait une baisse de la compétitivité. Le Luxembourg affiche la 4e place dans l’UE avec un coût horaire de la main d’œuvre de 35,7 euros, tandis que ce coût est d’un peu plus de 30 euros seulement en Allemagne, ce qui constitue un "handicap salarial" pour les entreprises luxembourgeoises par rapport aux entreprises allemandes.
Soulignant que, du côté allemand, le coût salarial a augmenté entre 2002 et 2012 de 19,9 %, soit dix moins de pourcents de moins qu’au Luxembourg, et que plus de 90 000 emplois y ont été "gagnés", "les chiffres allemands montrent que la maîtrise des coûts salariaux est un levier de la création d’emplois", aura souligné Robert Dennewald dans son discours à l’assemblée générale.
Robert Dennewald a par ailleurs fait savoir que la FEDIL se félicitait de la déclaration sur l’Etat de la nation, tenue le 2 avril 2014 par le Premier ministre, Xavier Bettel, par laquelle le gouvernement "reconnaît la situation", tout en formant le vœu qu’elle ne se révèle pas à l'avenir être "des mots vides". Robert Dennewald a notamment cité les mots suivants : "Nous devons réorganiser l’Etat, renforcer l’efficacité des administrations, soutenir et aider le secteur privé, permettre aux entreprises de saisir les opportunités qui se présentent." Il a aussi fait savoir qu’il avait aimé les déclarations sur la diversification économique (vers la logistique les TIC, les écotechnologies et les biotechnologies) et l’accélération de la simplification administrative.
En conférence de presse, le président de la FEDIL a estimé que le gouvernement était sur la bonne voie pour le volet du rééquilibrage des dépenses publiques, tout en regrettant qu’il s’opèrera, en 2014, à 60 % par une réduction des investissements (de 137 millions d’euros), plutôt que par une réduction des dépenses courantes. "C’est d ‘autant plus regrettable que ce sont ces derniers qui permettent de renforcer la compétitivité hors coût et de doter le pays en infrastructures indispensables à son développement futur", a-t-il précisé devant l’assemblée générale.
Par contre, le ministre d’Etat a le tort de ne pas avoir évoqué la question du coût salarial et de la flexibilisation du travail, deux volets sur lesquels il y aurait, selon la FEDIL, une urgence à agir. Face à la presse, Nicolas Soisson a émis le vœu que le pays se dote d’une stratégie nationale courageuse pour redresser la compétitivité, en citant à la fois les exemples de l’Agenda 2010 mis en œuvre par l’ex-chancelier allemand, Gerhard Schröder, qu’il qualifie de "grand succès", le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi en France et la stratégie européenne Europe 2020.
Pour lutter contre le chômage, il y aurait ainsi lieu d’opérer à la flexibilisation du droit du travail, qui serait "un des plus rigides d’Europe". La FEDIL pense en particulier à une flexibilisation de l’organisation du travail, à atteindre, en premier lieu, par un allongement de la période de référence.
La FEDIL a aussi tenu à préciser qu’elle acceptait l’offre du ministre d’Etat de discuter entre partenaires sociaux du futur de l’indexation automatique des salaires mais qu’elle doutait fortement des chances de succès d’une telle initiative. L’une des deux raisons avancées tient dans le fait que "les syndicats ne partagent pas l’analyse de la situation économique et sociale telle qu’elle est faite par le gouvernement, mais aussi par les organisations internationales". En l’absence d’accord avec les syndicats, le gouvernement doit prendre ses responsabilités, a déclaré Robert Dennewald à l’assemblée générale.
Parmi ses revendications, la FEDIL compte d’ailleurs l’abolition de "l’immixtion étatique dans la formation des salaires, autant pour le salaire social minimum que pour l’indexation automatique des salaires", et l’alignement des salaires sur la productivié.
La FEDIL souhaite aussi faciliter l’investissement des entreprises, alors que ces dernières peinent désormais à accéder à l’emprunt, au vu du changement des règles qui prévalent en la matière.
Robert Dennewald a consacré la fin de son discours devant l’assemblée générale à la perspective des élections européennes du 25 mai 2014.
"Pour une économie ouverte comme le Luxembourg, le processus d’intégration européenne est fondamental", a-t-il estimé. Or, le marché intérieur constitue "l’essence" de cette dernière. Il convient donc "d’éviter à tout prix tout risque de fragmentation du marché intérieur".
"L’Europe constitue également un élément important de la solution à de nombreux défis qui nécessitent une approche européenne : réindustrialisation, marché de l’énergie, problématique du climat, simplification administrative, chômage des jeunes…", a-t-il tenu à souligner.
Robert Dennewald a aussi critiqué "la nécessité de mieux surveiller la mise en œuvre effective et homogène de la législation européenne dans les Etats membres".
Par ailleurs, plusieurs revendications de la FEDIL ont trait directement à la politique européenne. Au chapitre de l’énergie et du climat, elle estime qu’il faut influencer les coûts énergétiques au profit des objectifs de politique industrielle et notamment réformer le système européen de négoce des droits d’émission (ETS) "pour abolir l’incitation à la réduction de la production et pour compenser le surcoût que le système ETS provoque au niveau de la facture électrique des consommateurs industriels d’électricité".
La FEDIL place, par ailleurs, parmi les mesures œuvrant au renforcement de la simplification administrative, l’application à la transposition des directives européennes du principe "la directive et rien que la directive".