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Traités et Affaires institutionnelles
Suite au référendum sur l’immigration, la Suisse envisage d’établir des contingents d'immigration, y compris pour les citoyens de l’UE et fait monter le risque d’une confrontation avec l’UE
24-06-2014


suisse-logoLe Conseil fédéral, autrement dit le gouvernement suisse, a rendu publique le 20 juin 2014 son intention d’établir à partir de février 2017 des contingents d'immigration pour les courts séjours des étrangers, les frontaliers et les personnes qui veulent s'installer définitivement en Suisse. Cette initiative s’inscrit dans la suite du référendum ou de la votation du 9 février 2014, lorsque les électeurs suisses ont voté, à une très courte majorité de 50,3 %, des suffrages exprimés, en faveur d’une initiative populaire intitulée "Contre l'immigration de masse", qui exige le retour à une politique autonome de migration, comme celle qui avait cours en Suisse avant l’entrée en vigueur, en 2002, de l’Accord de libre circulation des personnes avec l’UE.

C’est Simonetta Sommaruga, ministre chargée du dossier, qui a annoncée des mesures qui "ont pour objectif la mise en œuvre du référendum du 9 février, une obligation selon le système de démocratie directe suisse, en tant que résultat d'une décision du peuple souverain". Dans le communiqué du gouvernement suisse on lit : "Seront contingentés tous les types d’autorisation à partir d’une durée de séjour de quatre mois. Afin que les besoins du marché du travail puissent être couverts, il conviendra d'encourager et de mieux exploiter le potentiel offert par la main-d'œuvre indigène." Le système des contingents concernera aussi les travailleurs frontaliers. Les cantons pourront prendre des mesures supplémentaires, pour protéger leur marché du travail et la "préférence nationale" sera toujours prise en considération. Il faut savoir qu’actuellement, il n'y a aucun quota pour les frontaliers qui disposent d'un contrat d'embauche, ni pour les travailleurs saisonniers.

La Suisse veut néanmoins ménager les ressortissants de l’UE, et l’on lit dans cet esprit que   "l'admission des ressortissants des Etats membres de l'UE et de l'AELE doit être réglementée de manière moins restrictive que celle des ressortissants d'Etats tiers". Ils "doivent pouvoir être admis même s'il ne s'agit pas de spécialistes". Par ailleurs, "le Conseil fédéral s'oppose à des limitations du regroupement familial".

En automne, la Suisse disposera aussi d’un mandat de négociation pour que l’Accord de libre circulation des personnes (ALCP) qui le lie à l’UE soit "adapté", et ce en fonction du "modèle d'admission" basé sur le contingentement des étrangers qu’elle envisage et de "l’analyse des scénarios possibles, pour la politique intérieure et pour la politique extérieure", autrement dit la possibilité que l’UE refuse de négocier une telle adaptation.

L’on est en effet très conscient à Berne qu’un différend risque d'éclater avec l’UE, et l’on sait que la voie choisie des contingentements n’est pas compatible avec le principe de la libre circulation des personnes. Des membres et des porte-parole de la Commission européenne ont quant à eux déjà indiqué à plusieurs reprises que l’ALCP n'est pas négociable, car les quotas d’immigration et les préférences nationales ne sont pas compatibles avec les autres traités signés entre la Suisse et l'UE ni avec le principe de libre circulation. Il s’en suit au niveau de la politique intérieure suisse qu’un nouveau référendum pourrait être proposé aux électeurs suisses pour qu'ils décident ou non de dénoncer les accords bilatéraux avec l'UE. Selon le Handelsblatt du 23 juin, un tel référendum pourrait conduire à la dénonciation d’autres accords bilatéraux entre la Suisse et l’UE.

La Neue Zürcher Zeitung parle en tout cas dans son édition du 23 juin 2014 d’un choix politique qui aboutira à une confrontation avec l’UE. A la Commission européenne, l’on n’a pas voulu se prononcer sur les intentions de la Suisse avant de disposer de l’ensemble des propositions et éléments vers la fin de l’année 2014. Mais l’on a indiqué qu’un message très clair avait été adressé au directeur de l’Office fédéral des migrations, Mario Gattiker, que l’UE n’a aucune intention de renégocier l’ALCP s’il doit s’agir d’introduire des contingents d’étrangers et le principe de préférence nationale. Pour les 28 Etats membres, le libre accès de la Suisse au marché intérieur de l’UE est lié à la libre circulation des personnes, et celle-ci est un des principes fondateurs de l’UE.