Le 22 septembre 2014, en marge d’un déplacement pour un entretien avec le ministre luxembourgeois de la Justice, Félix Braz, en vue du Conseil Justice et Affaires intérieures du 10 octobre 2014, la commissaire européenne par intérim en charge de la Justice et des Droits fondamentaux, Martine Reicherts, s’est entretenue avec la presse luxembourgeoise sur les dossiers qu’elle entend faire avancer avant de quitter ce poste lors de l’entrée en fonctions de la nouvelle Commission européenne le 1er novembre 2014.
Comme elle l’avait déjà évoquée lors d’une interview avec la radio socio-culturelle 100,7 le 1er septembre 2014, elle est parvenue à faire avancer le dossier de la protection des données bloqué depuis plusieurs années. Elle signale en effet que les autorités allemandes ont fait un "grand geste", elle qui ne voulait pas que les données gérées par les autorités nationales tombent dans le champ de compétences de cette directive.
Si le dossier avance donc de nouveau, c’est surtout le fait de la Cour de justice européenne plus que toute autre institution, qui par l’arrêt "Google", a plaidé en faveur d’un droit à l’oubli. Les Etats membres ont alors compris qu’il y avait un besoin urgent de disposer d’une directive qui donne un cadre juridique unique. Ainsi, les autorités allemandes ont déclaré lors d’un récent entretien avec Martine Reicherts qu’elles entendaient œuvrer à un accord d’ici décembre 2014 pour pouvoir commencer les travaux en trilogue dès janvier 2015, pour l’adoption de la directive durant l’année 2015. Le quatrième chapitre qui doit désormais faire l’objet de discussions est celui de l’instance de recours, lorsqu’un citoyen se sent lésé dans le traitement de ses données.
Pour Martine Reicherts, il faut "regarder économiquement les données, c’est le futur, l’économie du futur". Elle avait souligné l’importance économique des données, trois jours plus tôt, lors d’un colloque organisée par l’Union internationale des avocats, dont la forte affluence démontre selon elle le grand intérêt pour la question.
Le dossier de la création d’un Parquet européen, instance qui doit permettre de mieux défendre les intérêts financiers de l’UE, prendra pour sa part bien de plus de temps. Les Etats membres ne sont pas d’accord avec la nomination d’un seul procureur pour toute l’UE, mais sont au contraire favorables à ce qu’il y ait un procureur par Etat membre. Dans ce cas, "sans règles claires, ce sera le chaos", fait remarquer Martine Reicherts. Ainsi, l’idée pour l’instant discutée est qu’en cas de délit dans un Etat membre, ce soit le procureur de ce pays, qui a le double avantage de mieux connaître le système et la langue, qui enquête, mais il aura besoin de consulter en leur qualité d’experts plusieurs de ses homologues d’autres Etats membres. La Commissaire européenne souligne que les autorités allemandes insistent pour que soient décidés tous les détails de l’organisation d’un tel Parquet européen, afin d’éviter que naisse une nouvelle bureaucratie de l’interprétation de textes qui ne seraient pas assez détaillés.
Martine Reicherts a par ailleurs souligné la composante luxembourgeoise de ce dossier, à savoir la question du siège du Parquet, que le Luxembourg aimerait accueillir. "Dans le court temps durant lequel je suis là, je peux aider pour la recherche", a déclaré Martine Reicherts. Si une commissaire n’a pas à défendre les intérêts d’un Etat membre, comme un journaliste le lui a fait remarquer, il n’en reste pas moins que "chaque commissaire est plus proche d’un pays que d’un autre", dit-elle. "Il est important que la position du Luxembourg soit représentée, pour être expliquée, à l’intérieur de la Commission." Toutefois, les discussions ne seront pas simples. Même si une décision a déjà été prise en 2013, d’autres prétentions se font jour et notamment de la part des Pays-Bas qui peuvent avancer que leur territoire abrite déjà l'unité de coopération judiciaire de l'Union européenne, Eurojust.
La commissaire européenne fait également savoir qu’un accord devrait intervenir d’ici décembre 2014, concernant les quotas de femmes dans les conseils d’administration des entreprises. Dans ce contexte, Martine Reicherts a salué comme "un premier pas important", le papier stratégique présentée par la ministre luxembourgeoise à l’Egalité des chances, Lydia Mutsch, qui présente l’ambition d’atteindre d’ici 2019 une part de 40 % de femmes dans les conseils d’administrations des fondations et établissements publics ainsi que dans les entreprises dans lequel l’Etat est actionnaire.
Interrogée au sujet des prochaines auditions des nouveaux commissaires, qui s'échelonneront du 29 septembre au 7 octobre 2014, exercice auquel elle avait dû se soumettre le 15 juillet 2014, Martine Reicherts a souligné l’extrême longueur d’un tel exercice (2 heures 30), qui ne met pas à l’abri d’une faille. "On ne peut pas exclure qu’on dise l’une ou l’autre chose qui témoigne qu’on ne maîtrise pas son sujet comme il le faudrait." Elle imagine toutefois que la "coalition" au pouvoir, composée par le Parti populaire européenne et Socialistes & Démocrates, ne verra pas d’intérêt à retarder la reprise des travaux du Parlement et de la Commission européenne.
Martine Reicherts considère que "l’ambiance au Parlement est bonne". Jean-Claude Juncker n’y est pas étranger. Certes, il a proposé une répartition des portefeuilles "un peu originale mais parfois il faut venir avec des idées nouvelles et c’est bien accepté par la majorité du Parlement", explique-t-elle. Le système comme il fonctionne aujourd’hui était trop complexe. Il manque de collaboration entre les commissaires. "L’idée de Jean-Claude Juncker est excellente. Elle ouvre une nouvelle possibilité", dit-elle. Le nouveau président de la Commission "connaît bien ses dossiers". Cela permettra de combattre le "pouvoir de la bureaucratie" qui domine quand les "commissaires ne connaissent pas leurs dossiers comme ils le devraient", considère Martine Reicherts.