Dans la soirée du 26 novembre 2014, alors que Jean-Claude Juncker avait présenté le matin même son plan d’investissements pour les trois prochaines années, les négociateurs du Conseil, du Parlement européen et de la Commission sont parvenus à un accord en trilogue sur la création de fonds européens d’investissement à long terme.
Ces fonds ont vocation à stimuler le financement à long terme de projets d’infrastructure, de propriété intellectuelle ou de recherche au service de l’économie réelle. Si ces fonds ne sont pas censés permettre de profits rapides, ils ont en revanche vocation à être d’importants vecteurs de croissance à long terme.
La Commission européenne avait mis sur la table une proposition en juin 2013 : l’idée était de créer des fonds d’investissement pour les investisseurs qui souhaitent placer leurs capitaux dans des entreprises et des projets à long terme. Ces fonds dotés du sigle FEILT sont conçus pour répondre aux besoins des investisseurs institutionnels et privés qui sont prêts à immobiliser leur capital dans des actifs à long terme, tels les projets d’infrastructure, en échange d’un revenu régulier. Ils devraient notamment intéresser les fonds de retraite et les compagnies d’assurance, ainsi que les investisseurs privés qui peuvent se permettre d'engager une partie de leur épargne sur une longue période.
Le texte de la Commission a voulu imposer aux FEILT de satisfaire à un ensemble de règles communes consistant à toujours faire appel à un dépositaire pour la conservation de leurs actifs, à se conformer à des règles de répartition des actifs, afin d'éviter une concentration excessive de capitaux sur un seul actif, en l’occurrence de ne pas placer plus de 70 % de ses investissements sur un seul actif, à ne recourir aux produits dérivés que pour gérer le risque de change lié aux actifs qu’ils détiennent, et non à des fins spéculatives et à ne pas dépasser certains plafonds d'emprunt. L’idée est que les FEILT investissent dans des actifs illiquides, c'est-à-dire difficiles à acheter et à vendre. Seuls les gestionnaires autorisés sous le régime de la directive AIFM seraient habilités à offrir des FEILT. Il devrait aussi être vérifié que l’investisseur individuel notamment pourra vraiment assumer de voir son argent bloqué sur une longue période.
Le Parlement européen avait arrêté sa position sur ce texte législatif en avril 2014, tandis que le Coreper trouvait un accord sur la position défendue par le Conseil en juin 2014.
L'accord auquel sont parvenus les représentants de la Commission, du Parlement européen et du Conseil, doit encore être adopté formellement par le Parlement et le Conseil.
"Le jour même où le Président Juncker a présenté son plan d’investissements, nous avons trouvé un accord sur une structure de fonds destinés à attirer l’épargne des particuliers comme celle des acteurs professionnels pour financer les investissements à long terme dans l’Union européenne" s’est réjoui Alain Lamassoure (PPE), rapporteur sur ce projet, à l’issue des négociations. "Nous avançons vite" a souligné Alain Lamassoure, "ces fonds pourraient voir le jour dès le début de l’année prochaine et ils seront des canaux naturels pour collecter les ressources attendues pour financer le plan Juncker" a-t-il ajouté.
L’eurodéputé Roberto Gualtieri (S&D) a salué cet accord politique "qui va doter l’UE d’un nouvel outil pour booster l’investissement à long terme et compléter le plan Juncker".
"L'accord d'aujourd'hui nous donne un nouvel instrument pour relancer l'investissement et la croissance en Europe", s'est félicité pour sa part le commissaire européen chargé des Services financiers, Jonathan Hill.
Un des enjeux des négociations aura été la possibilité de remboursement des investisseurs.
Dans le système proposé par la Commission, les entreprises devaient avoir l'assurance que les investisseurs maintiendraient leurs investissements sur toute la durée pour laquelle elles ont déclaré en avoir besoin, ce qui n'est guère envisageable s'ils sont autorisés à récupérer leur mise à tout moment. Les investisseurs n’auraient donc pas pu retirer leur argent avant l'échéance (qui pourrait se situer dix ans, voire plus, après l'apport des fonds). Ils auraient dû en être clairement informés d'emblée. En échange de leur patience, ils auraient bénéficié de revenus réguliers générés par les actifs dans lesquels leur argent a été investi et éventuellement d'une prime d’illiquidité.
Les négociateurs du Parlement européen, dans un souci de protection des petits investisseurs, ont veillé à ce que l’accord trouvé en trilogue prévoit des règles de remboursement, de façon à ce qu’un FEILT doté de suffisamment de liquidités rembourse un investisseur à sa demande.
Les négociateurs du Parlement européen ont aussi veillé à ce que l’accord contienne des clauses permettant d’assurer que les fonds bénéficient réellement à l’économie et la croissance de l’UE, qu’ils n’investissent pas dans des produits spéculatifs et que tout petit investisseur soit correctement informé et protégé.