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Jean-Claude Juncker a accordé à plusieurs journalistes européens sa première interview en tant que président de la Commission européenne : plan Juncker, semestre européen et Luxleaks en sont les principaux sujets
28-11-2014


Le 28 novembre 2014, alors que la Commission se préparait à lancer le semestre européen 2015 et à livrer dans ce cadre son analyse des budgets 2015 que les gouvernements des pays de la zone euro lui ont transmis pour le 15 octobre 2014, plusieurs grands quotidiens publiaient une longue interview du président de la Commission européenne.pe-juncker-elu-140715

Jean-Claude Juncker accordait à cette poignée de journalistes de la Süddeutsche Zeitung, du Monde, d’ABC, de la Repubblica, du Soir, du Standaard et du Tageblatt son premier entretien depuis son entrée en fonction. Guy Kemp, qui comptait parmi ces journalistes et retrace l’entretien dans le Tageblatt, évoque un président de la Commission "de belle et humeur" et "satisfait".

L’entretien s’étant tenu à Strasbourg en marge de la session plénière au cours de laquelle Jean-Claude Juncker a présenté son plan d’investissement pour les trois prochaines années, il était évident que ce projet attendu a pris une place importante dans une discussion qui a aussi abordé la motion de censure dont le président de la Commission a fait l’objet au Parlement européen. Les journalistes sont aussi revenus sur l’affaire Luxleaks.

Plan Juncker : "Plus de gouvernements contribueront, plus l’effet de levier sera élevé", escompte Jean-Claude Juncker

Jean-Claude Juncker raconte comment il a procédé pour mettre sur pied le "plan Juncker" annoncé en juillet au Parlement européen. "Je n’avais aucune idée de la hauteur des contributions financières provenant des ressources publiques nécessaires", confie Jean-Claude Juncker qui avait déjà en tête l’idée de combiner investissements privés et argent public. "Nous n’avons pas l’argent dont nous avons besoin, nous ne pouvons pas dépenser l’argent que nous n’avons pas. Nous avons donc pris l’argent disponible, et ce non sans difficultés", raconte Jean-Claude Juncker. "Si j’avais demandé plus d’argent, au-delà des marges de manœuvre  budgétaires, l’unanimité aurait été requise", précise Jean-Claude Juncker. "Si j’avais cherché de l’argent en dehors du budget, par exemple par le biais du mécanisme européen de stabilité, cela aurait nécessité une modification des traités", ajoute-t-il encore. Soucieux de "commencer vite son projet", Jean-Claude Juncker a tenu à éviter de "gaspiller son temps et son énergie en discussions avec les Premiers ministres et les ministres des Finances pour trouver d’autres sources de financement". Et il a donc été décidé de s’en tenir à ce qui a été proposé.

Pour ce qui est de la participation des Etats membres, Jean-Claude Juncker n’a pas caché sa satisfaction à l’annonce du soutien qu’Angela Merkel, la chancelière allemande, a formulé le jour même. "Je pense que si certains adhèrent, d’autres vont suivre", estime Jean-Claude Juncker, confiant. "Plus de gouvernements contribueront, plus l’effet de levier sera élevé", juge en effet le président de la Commission.

Jean-Claude Juncker a réexpliqué toutefois que le plan d’investissement va de pair avec la consolidation budgétaire, dont "il ne s’agit pas de s’écarter" au risque de perdre en crédibilité, et avec des réformes structurelles.

Gouvernance économique et budgétaire : "Les pays ne veulent pas de leçon de Bruxelles", estime Jean-Claude Juncker qui s’est prononcé "contre des sanctions"

Le 28 novembre au matin, la Commission devait décider si elle donnait jusqu’au printemps prochain à la France et à l’Italie pour mettre en œuvre ses réformes avant d’envisager des mesures correctives sur son budget 2015.

Selon Jean-Claude Juncker, la France et l’Italie sont conscientes des "efforts supplémentaires" nécessaires, mais il laissait déjà entendre que les évaluations des budgets annuels que rendrait la Commission le 28 novembre risquaient de "ne pas être très agréable", car il s’agit "de dire la vérité à l’opinion publique". Pour autant, explique Jean-Claude Juncker "constater qu’un pays n’a pas pris assez de mesures et engager une procédure sont deux choses différentes".

Aussi, c’est à la lumière des échanges de courriers avec les Premiers ministres belge, français et italien que le collège des commissaires devait prendre sa décision.  "Nous allons voir que dans les prochains mois, l’Italie et la France vont prendre un grand nombre de réformes structurelles", annonce Jean-Claude Juncker qui assure que "ce ne sont pas que des promesses". "Je n’ai pas dicté à la France, la Belgique et l’Allemagne ce qu’elles ont à faire, elles ont pris l’initiative de nous dire ce qu’elles entendent faire", rapporte Jean-Claude Juncker qui assure que "les pays ne veulent pas de leçons de Bruxelles".

Jean-Claude Juncker explique sa méthode : "en tant que président de la Commission, il faut écouter les pays et comprendre ce qui s’y passe. Il faut observer et avoir une idée claire de ce que font les parlements, de l’évolution des opinions publiques". "Je me suis prononcé contre des sanctions", même si cela aurait été plus simple d’appliquer les règles qui existent, poursuit le président de la Commission. Résultat, "les pays doivent eux-mêmes déclarer ce qu’ils veulent faire. Nous publions une évaluation claire des projets de budget. Les conclusions finales seront reportées à mars ou avril. Ce n’est que là que nous aurons plus d’éléments pour donner un jugement plus approprié".

Interrogé sur la motion de censure dont il a fait l’objet, et qui a été rejetée, Jean-Claude Juncker a rappelé que suite aux élections de mai 2014, le Parlement européen a "pour la première fois 130 eurodéputés qui votent contre tout ce qui en faveur de l’Europe ou ce qui pourrait faire avancer l’intégration européenne". Face à une telle situation, estime-t-il, il convient de faire une coalition, ce qu’ont fait le PPE et le S&D en se mettant d’accord sur un plan pour les cinq prochaines années et en unissant les forces de la Commission et du Parlement européen.

Fiscalité : "Le pays du profit doit être le pays de la taxation", telle est la conviction de Jean-Claude Juncker

Lorsque les journalistes sont revenus sur l’affaire Luxleaks, en demandant notamment à Jean-Claude Juncker pourquoi il avait refusé de répondre aux questions sur le sujet ces derniers mois et n’avait pas fait de déclarations avant la publication des documents rassemblés par l’ICIJ, le président de la Commission et ancien Premier ministre luxembourgeois s’offusque des questions "répugnantes" qui lui ont été posées. "Ce n’étaient pas des questions, c’étaient des attaques !", réagit-il en rappelant qu’il avait été soumis à des questions le 12 octobre alors que la Commission qu’il préside devait être élue par le Parlement européen le 15 octobre 2014. Jean-Claude Juncker, qui était alors en pleines négociations pour organiser sa Commission, avait qui plus est refusé de donner des interviews afin de consacrer à cette tâche toute son énergie.

Tout au long de la campagne électorale, il a été question de fiscalité, rappelle Jean-Claude Juncker qui se dit convaincu que "le pays du profit doit être le pays de la taxation". "Ce principe, qui relève du bon sens , n’est pas appliqué" et nous allons faire des propositions pour aller dans cette direction, promet Jean-Claude Juncker qui rappelle avoir soutenu, au nom de la Commission, la taxe sur les transactions financières, qui fait l’objet d’une coopération renforcée, mais aussi avoir annoncé récemment que Pierre Moscovici présenterait dans les prochains mois une directive sur l’échange automatique d’informations sur les décisions fiscales anticipatives (tax ruling). "Ce sera un débat intéressant", augure Jean-Claude Juncker qui se dit toutefois "surpris" de constater, lorsqu’il a présenté le projet au G20 de Brisbrane, "que le soutien n’était pas époustouflant". "Je peux juste dire que l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et le président de la Corée du Sud le soutienne", précise le président de la Commission européenne.

Tax rulings : "Nous voulions diversifier notre économie, c’était notre plan", explique l’ancien Premier ministre luxembourgeois

En ce qui concerne la pratique luxembourgeoise du tax ruling, Jean-Claude Juncker a expliqué aux journalistes qui l’interrogeaient que la politique du gouvernement luxembourgeois "n’avait pas pour objectif de nuire aux intérêts fiscaux d’autres Etats". "Nous tentions d’attirer des entreprises d’avenir comme Amazon, AOL et d’autres pour différentes raisons", explique l’ancien Premier ministre luxembourgeois qui précise que "les décisions fiscales y liées ont été prises par l’administration fiscale, et non par le gouvernement". "Mais nous l’avons encouragé et nous avons négocié avec ces entreprises comme d’autres l’ont fait", justifie Jean-Claude Juncker en citant la pratique irlandaise, néerlandaise, et, dans une certaine mesure, belge.

"Nous voulions diversifier notre économie, c’était notre plan", justifie Jean-Claude Juncker. "Notre ambition n’était pas de nuire aux autres pays, bien que d’autres pays fassent tout pour nous empêcher de nous lancer dans des secteurs porteurs d’avenir", ajoute encore l’ancien Premier ministre luxembourgeois.

Lorsque les journalistes lui demandent s’il agirait de même s’il lui était donné de revenir en arrière, Jean-Claude Juncker affirme qu’il "ferait exactement la même chose, car nous n’avions pas d’autres possibilités que de diversifier notre économie". "Mais j’examinerais avec plus d’attention ces tax rulings", admet-il toutefois en ajoutant qu’il "aurait modifié la loi pour faire en sorte que le ministre des Finances soit informé des décisions fiscales anticipatives". "Dans d’autres pays, ce sont les ministres des Finances qui prennent de telles décision, mais personne n’enquête sur leurs décisions", a conclu Jean-Claude Juncker en relevant que c’était "bizarre".