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Fiscalité
Luxleaks – La Commission juge légitime d’utiliser les révélations journalistiques en vue de l’ouverture de potentielles nouvelles enquêtes sur les tax rulings luxembourgeois
20-11-2014


La commissaire en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager, lors du point presse quotidien de la Commission européenne, le 20 novembre 2014La commissaire en charge de la Concurrence, Margrethe Vestager, a confirmé que la Commission européenne considérait les révélations journalistiques dans le cadre de l’affaire "Luxleaks" comme "des informations de marché" que la Commission juge donc légitime d’utiliser, a-t-elle expliqué le 20 novembre 2014.

Interrogée par les journalistes lors du point de presse quotidien de la Commission, le Midday press briefing, la nouvelle commissaire a ainsi souligné "admire[r] le travail journalistique réalisé dans cette affaire [qui] ajoute de la transparence et change la nature du débat sur la fiscalité en Europe" alors que les révélations sur les décisions anticipatives en matière fiscale (dites "tax rulings" en anglais) pratiquées au Luxembourg à l’égard de diverses multinationales ont montré comment certaines entreprises échappaient de fait à l’impôt grâce à de tels systèmes.

Les révélations de l'affaire Luxleaks seront utilisées par la Commission, qui donne la priorité aux enquêtes en cours

"Nous considérons qu'il s'agit d'informations de marché donc nous pouvons les utiliser et il est légitime qu'il en soit ainsi", a-t-elle dit, précisant que la Commission allait "les examiner afin d’évaluer si cela mène à l’ouverture de nouvelles enquêtes". La priorité affichée est néanmoins de "finaliser" les enquêtes en cours dans ce contexte fiscal, a-t-elle encore appuyé.

Pour mémoire, la Commission enquêtait déjà depuis plus d’un an sur les décisions anticipatives en matière fiscale (dites "tax rulings" en anglais), prises au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Irlande à l’égard de certaines multinationales (Fiat Finances and Trade et Amazon au Luxembourg, Starbucks aux Pays-Bas et Apple en Irlande). Si ces décisions, prisent dans le cadre de la planification fiscale agressive pratiquée par ces entreprises, "ne posent pas problème en tant que telles" et "sont pratiquées par de nombreux Etats membres", elles peuvent impliquer des aides d’Etat illégales "au sens des règles de l’UE" si elles "sont utilisées pour conférer des avantages sélectifs à une entreprise ou à un groupe d’entreprises déterminés", a expliqué à plusieurs reprises la Commission.

Margrethe Vestager a ainsi dit "espérer finaliser" ces enquêtes "relativement rapidement, de façon prioritaire, d'ici au deuxième trimestre 2015", la commissaire soulignant par ailleurs que dans ce contexte des enquêtes en cours, la coopération avec les autorités luxembourgeoises était "très bonne et très ouverte". Pour ce qui est des documents diffusés dans le cadre des révélations "Luxleaks", qui sont considérées comme "quelque peu partiaux", elle a expliqué que la Commission nécessiterait d’avantage d’informations de la part de l’Etat membre concerné.

Il faut "se saisir du débat pour aller de l'avant" en termes d'harmonisation fiscale des Etats membres, plaide Margrethe Vestager

La commissaire en charge de la Concurrence a néanmoins rappelé que le débat ne se limitait pas à des enquêtes pour des soupçons d'infractions aux règles européennes en matière de concurrence, mettant en avant l’ouverture d’un "débat plus large" sur la fiscalité. "Même si j'apporte la preuve, dans chaque affaire", d’une infraction aux règles de la concurrence, "il y aura toujours des systèmes fiscaux très différents" selon les pays, et "il restera des pratiques fiscales agressives", a-t-elle souligné.

La commissaire juge donc "très important de saisir l'occasion du débat qui s'est ouvert sur la fiscalité en général pour aller de l’avant" afin d’assurer davantage de transparence et d’aller vers plus d’harmonisation en la matière, ce que le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, avait déjà suggéré devant le Parlement européen, le 12 novembre 2014. Margrethe Vestager s’est dite "très heureuse", dans ce contexte, du fait que "nous pourrions réussir à faire passer la proposition d’assiette commune consolidée" destinée au calcul de l'impôt des sociétés actives dans l'Union européenne (ACCIS), proposée par la Commission en 2011 et bloquée au Conseil depuis, ainsi que de l’impact potentiel favorable de la proposition d’introduction d'un échange d'informations obligatoire en matière de rulings fiscaux. Il s’agit donc de se saisir du moment "pour adopter la législation nécessaire afin d'avoir une base consolidée de l'impôt sur les sociétés et pour avoir un tout autre degré de transparence sur les tax rulings", a-t-elle conclu, notant encore que toute décision en la matière requerrait l'unanimité des Etats membres au Conseil.