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Budget de l'Union européenne - Economie, finances et monnaie
Conseil ECOFIN – Les ministres autorisent le Royaume-Uni à payer en plusieurs fois sa rallonge au budget 2014 de l’UE, tandis qu’ils ne s’accordent pas sur une clause anti-abus pour la directive relative à la fiscalité des sociétés "mère-filiales"
07-11-2014


Au Conseil ECOFIN du 7 novembre 2014, Pierre Gramegna, ministre luxembourgeois des Finances; Janis Reirs, ministre des Finances de la la République de Lettonie  (source: Conseil de l'UE)Les ministres de Finances des Etats membres de l’Union européenne (UE) se sont retrouvés à Bruxelles, le 7 novembre 2014, à l’occasion d’un Conseil ECOFIN censé se pencher notamment sur les moyens de résoudre la polémique née du recalcul des contributions nationales au budget de l’UE 2014.

La proposition de mise en place d’une taxe sur les transactions financières (TTF) dans onze Etats membres via la procédure de coopération renforcée a également fait l’objet de discussions au Conseil alors que les ministres ne sont par ailleurs pas parvenus à dégager un accord concernant la révision de la directive relatives au sociétés "mère-filiales" en vue d’y introduire une clause anti-abus. Le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna, y représentait le Luxembourg.

Le Royaume-Uni devrait être autorisé à payer de manière étalonnée sa rallonge au budget de l’UE

Lors du Conseil ECOFIN, les ministres ont ainsi examiné les moyens de résoudre la polémique née du recalcul des contributions nationales au budget de l’UE 2014. Pour mémoire, en vertu de cette nouvelle évaluation reprise dans un projet de budget rectificatif adopté le 17 octobre 2014 par la Commission européenne, certains Etats membres, dont le Royaume-Uni et les Pays-Bas, devront payer d’importantes rallonges d’ici le 1er décembre 2014, tandis que d’autres, dont le Luxembourg, se verront rembourser des sommes substantielles.

Ainsi, selon le recalcul, 2,1 milliards d’euros supplémentaires sont réclamés au Royaume-Uni au titre du budget européen, ce qui représente près d’un cinquième de ses contributions annuelles nettes et a provoqué une passe d’armes entre Londres et la Commission. Ainsi, lors d’une conférence de presse en marge du Conseil européen le 24 octobre 2014, le Premier ministre britannique David Cameron s’était dit "en colère" du montant réclamé et avait menacé de refuser de payer le 1er décembre. "Ce n'est en rien une surprise pour les Etats membres car (cette rallonge) est calculée à partir de mécanismes sur lesquels ils se sont tous mis d'accord à l'unanimité", avait rétorqué le président sortant de la Commission, José Manuel Barroso, en conférence de presse. Ce dernier avait annoncé des "explications techniques" lors du Conseil ECOFIN de novembre, excluant toutes "négociations" sur les PIB des Etats membres.

Dans leurs conclusions diffusées à l’issue du Conseil, les ministres européens des Finances "prennent note" de conclusions de la Présidence italienne du Conseil de l’UE qui appellent la Commission à présenter une proposition d’amendement du Règlement (CE, Euratom) nº 1150/2000 du Conseil du 22 mai 2000 concernant le système des ressources propres des Communautés. Dans ce texte, la Présidence italienne rappelle ainsi qu’en raison de "révisions majeures" du RNB de plusieurs Etats membres, leurs contributions supplémentaires au budget de l'UE seront "considérables", cela alors que le délai réglementaire jusqu'à la date de paiement, soit le premier jour ouvrable de décembre 2014, est "court".

"Cela peut entraîner des conséquences budgétaires exceptionnellement élevées pour les Etats membres", relève la Présidence, qui souligne qu’en conséquence "le Conseil invite la Commission à présenter une proposition de modification ciblée et limitée du règlement n° 1150/2000 afin de tenir compte de ces circonstances exceptionnelles". Cet amendement "devrait permettre à l'Etat membre concerné de reporter le paiement requis sur une période de temps raisonnable", poursuivent les conclusions, soit "au plus tard" le 1er septembre 2015, alors que "pour des raisons d'égalité de traitement […], le report devrait alors être une option pour tous si la somme globale des soldes RNB est exceptionnellement élevée". En raison des délais serrés, cette modification devrait entrer en vigueur ici le 1er décembre 2014, cela même rétroactivement si nécessaire, lit-on encore dans le texte de la Présidence.

Pas encore d’accord sur l’introduction d’une clause anti-abus la directive "mère-filiales"

Un autre sujet à l’ordre du jour des ministres européens des Finances était la révision de la directive relative au régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents (dite "mère-filiales") en vue d’y introduire une clause anti-abus. Le Conseil, qui a débattu du sujet en session publique, n’est pas parvenu à s’accorder sur la proposition de compromis de la Présidence italienne.

Pour mémoire, la directive "mères-filiales" actuellement en vigueur visait à ce que les bénéfices réalisés par les groupes transfrontières ne soient pas imposés deux fois contrairement  aux groupes nationaux. Or, certaines lacunes permettent aux groupes d'entreprises d'exploiter les asymétries entre les règles fiscales nationales de façon à échapper à l'impôt sur certains types de bénéfices distribués au sein du groupe (double non-imposition) grâce entre autres aux dispositifs dits de prêts hybrides.

La révision de la directive "mère-filiales", proposée par la Commission en novembre 2013, veut modifier des dispositions législatives clés de l'UE en matière de fiscalité des sociétés en vue de réduire sensiblement l'évasion fiscale et la planification fiscale agressive par les groupes de sociétés. Après un premier accord politique relatif aux prêts hybrides au Conseil en juin 2014, les ministres étaient invités à s’accorder sur une proposition de compromis de la Présidence concernant une règle commune anti-abus. Une telle clause permettrait d'ignorer les montages artificiels réalisés à des fins de contournement des règles fiscales et de veiller à ce que l'imposition s'effectue sur la base de la réalité économique des activités. Le projet de clause est formulé comme une règle commune "de minimis" permettant aux Etats membres d'appliquer des règles nationales plus strictes, tant qu'ils respectent les exigences minimales de l'UE.

Si les conclusions diffusées par le Conseil soulignent qu’ "une grande majorité" des Etats membres étaient prêts à soutenir un texte de compromis proposé par la Présidence, "les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont indiqué qu'ils attendaient de consulter leurs parlements respectifs" alors que la Belgique et les Pays-Bas ont proposé d'utiliser les semaines à venir afin de clarifier davantage le texte. Les conclusions relèvent néanmoins que "tous ont exprimé leur engagement à travailler de façon constructive vers un accord" en vue du Conseil de décembre, y lit-on. Pour rappel, le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que toute décision en matière fiscale requiert l'unanimité pour l'adoption par le Conseil.

Lors du débat, le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna, a confirmé que le Luxembourg soutenait "dès aujourd’hui" la proposition de compromis. "Nous comprenons que certains pays veuillent reporter son adoption au mois prochain mais je veux affirmer ici que le Luxembourg est un pays qui veut combattre la fraude fiscale", a-t-il dit. Au lendemain des révélations "Luxleaks" qui ont mis en cause le Grand-Duché comme moteur dans un vaste système d’évasion fiscale de nombreuses grandes multinationales, le ministre a souligné à l’adresse de ses homologues que la pratique du tax ruling (les décisions anticipatives en matière fiscale) "que la plupart des pays présents pratiquent", combinée aux conventions internationales applicables, mène à une telle situation ce qui "n’est évidemment pas un bon résultat" mais résulte selon le ministre d’un cadre règlementaire "inefficace".

"Pour le Luxembourg, il n’est pas acceptable que certaines entreprises puissent, à travers une combinaison de législations nationales et de conventions internationales, atteindre une situation dans laquelle elles ne payent aucun impôt. Cela devrait tous nous préoccuper et si nous voulons combattre ce fait, nous devons le faire tous ensemble, a-t-il encore dit. Selon Pierre Gramegna, "la directive sur la table est le bon moyen" d’aller dans cette direction, et "le Luxembourg sera parmi les premiers pays à la transposer dans son droit national", a-t-il promis, mais de souligner le besoin d’une réponse globale, au niveau de l’OCDE notamment.

Le ministre luxembourgeois des Finances a encore assuré que le Luxembourg "coopèrerait pleinement" avec la Commission afin de lui fournir "toutes les informations" qu’elle demandera dans ses enquêtes sur les tax rulings. "Je suis directement en contact avec la Commission et je poursuivrai sur cette base dans les prochains jours", a-t-il indiqué, soulignant que "nous apprécions pleinement le rôle de la Commission en tant que gardienne des Traités et en tant qu’institutions en charge de vérifier les lois relatives à la concurrence".

Des questions cruciales en suspens pour la coopération renforcée en vue d’une taxe sur les transactions financières

Le Conseil a par ailleurs examiné une proposition visant à introduire une taxe sur les transactions financières (TTF) dans 11 Etats membres par la procédure de "coopération renforcée". Les ministres des Finances ont ainsi été informés via un rapport détaillé de la Présidence de l’état d’avancement des travaux effectués jusqu'ici ainsi que sur les questions restant en suspens.

Les conclusions diffusées par le Conseil précisent ainsi que le Conseil a pris note du fait que les Etats membres participants conviennent que les transactions en actions de sociétés cotées sur les marchés boursiers devraient être soumises à la TTF. "Toutefois, d'autres travaux sont nécessaires sur les produits dérivés d'être soumis à la TTF", y lit-on.

Selon le rapport de la Présidence italienne, plusieurs questions cruciales restent en suspens ce qui l’empêche "de présenter un texte de compromis susceptible de permettre la conclusion d'un accord". Ainsi pour ce qui est du champ d'application de la TTF, "si des progrès sensibles ont été accomplis vers une convergence de vues des États membres concernant le, des questions essentielles telles que les types de produits dérivés, ainsi que le principe de la taxation, ne sont pas encore réglées", souligne la Présidence.

En ce qui concerne les principes d'imposition, la Présidence relève que "s'il existe, dans une certaine mesure, un accord pour combiner le principe du lieu d'émission et le principe de résidence, il subsiste néanmoins des divergences de vues sur la manière d'atteindre cet objectif".

Ainsi, une partie des États membres participants préfère l'approche suivie dans la proposition de la Commission, à savoir l'application du principe de résidence, complété par le principe du lieu d'émission en dernier ressort. "Cette méthode est également perçue comme plus équilibrée en termes de conséquences sur les recettes pour les différents États membres participants: elle serait en effet moins défavorable (que l'application du principe du lieu d'émission) aux États membres ayant un nombre plus restreint d'émetteurs", explique la Présidence.

Un certain nombre d'autres Etats membres participants sont toutefois favorables à l'application du principe du lieu d'émission, selon lequel la taxe serait prélevée en fonction du lieu d'établissement de l'émetteur. "Ils font valoir que cette approche permettrait de mieux garantir la mise en œuvre effective de la taxe, serait plus simple sur le plan de l'application et de la perception et ne ferait pas courir de risques importants de délocalisation des transactions financières en dehors de la zone de la TTF par rapport au principe de résidence", lit-on.

Afin de parvenir à un compromis, la présidence a étudié la possibilité d'associer l'application du principe du lieu d'émission à un mécanisme de répartition des recettes, de manière que les produits de la TTF soient distribués entre les États membres participants en prenant en considération également d'autres paramètres (principe de résidence, combinaison des principes de résidence et du lieu d'émission ou critères économiques), et elle a proposé trois méthodes. "Les délégations ne sont toutefois pas parvenues à s'entendre sur un mode de répartition des recettes qui soit acceptable pour toutes", lit-on dans le rapport de la Présidence.

Lors du débat en session publique, le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna, a qualifié le fait que la TTF voulue en coopération renforcée ait des effets sur les Etats membres non-participants de situation très "inhabituelle" alors que ces derniers "ne se trouvent pas autour de la table et ne sont informés qu’une fois de temps en temps". Selon le ministre, vouloir limiter l’impact sur les Etats membres non-participants est insuffisant. "Pourquoi devrait-il y avoir un tel impact", s’est-il interrogé, appelant la Commission à vérifier le respect total des règles de l’UE notamment en termes de marché intérieur. Le ministre estime également comme son homologue danois, Morten Ostergaard, que "l’accord devrait prendre en compte l'avis des services juridiques du Conseil qui dit que le principe de résidence n'est pas compatible avec la législation de l'UE".

Les conclusions diffusées par le Conseil disposent finalement que "la Présidence a indiqué que le travail serait intensifié afin de permettre un accord dans un avenir proche, dans le but de mettre en œuvre une première phase de la TTF à partir du 1er janvier 2016".