Principaux portails publics  |     | 

Stratégie numérique - Télécommunications
Conseil "Télécommunications" – Progrès sur les projets d’accessibilité du web et de sécurité des réseaux, tandis que le Paquet "Continent connecté" suscite encore des divisions
27-11-2014


Lors du Conseil TTE dans son volet "Télécoms" le 27 novembre 2014: Axelle Lemaire, secrétaire d'État française chargée du Numérique; Xavier Bettel, Premier ministre luxembourgeois et ministre des Communications et des MédiasLes ministres européens en charge des télécommunications se sont retrouvés à Bruxelles, le 27 novembre 2014, à l’occasion d’un Conseil "Transports, télécommunications et énergie" (TTE) de l’Union européenne (UE) réuni dans sa formation "Télécommunications" consacré notamment à l’évolution du cadre règlementaire de l’UE en la matière. Les ministres ont aussi fait le bilan des progrès réalisés sur la proposition relative à l'amélioration de l'accessibilité au web et ont adopté des conclusions sur la gouvernance de l'internet. Le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, y représentait le Grand-Duché en sa qualité de ministre des Communications et des Médias.

Les frais d’itinérance et la neutralité du net divisent le Conseil

Lors de ce volet "Télécoms" du Conseil TTE, les ministres européens se sont notamment penchés sur la proposition visant à modifier le cadre réglementaire de l'UE en la matière (le Paquet "Continent connecté").

Pour mémoire, en septembre 2013, la Commission européenne avait présenté un Paquet Télécoms, parmi lesquels figure le Paquet Continent connecté, visant l’établissement d’un marché unique des communications électroniques afin de garantir que citoyens et entreprises puissent utiliser les services internet sans restriction ni coût additionnel transfrontaliers. En décembre 2013, le Conseil Télécoms avait cependant fait preuve d'une grande prudence à l’égard de ce projet, estimant qu'il ne fallait pas brûler les étapes en adoptant trop vite la proposition. En juin 2014, le Conseil s’était une nouvelle fois montré divisé sur de nombreux aspects du projet, entre autres sur les questions de spectres radioélectriques et de protection des consommateurs.

Dans ce contexte, les ministres ont fait le point sur l’état d’avancement de la proposition de la Commission sur base d’un rapport de progrès rédigé par la Présidence italienne du Conseil de l’UE. Celui-ci précise que, sur la base des discussions menées jusqu'à cette date, la Présidence a présenté, le 19 septembre 2014, un texte contenant des dispositions nouvelles dont l’examen a abouti à un accord pour axer la poursuite des discussions sur les deux seules questions centrales, à savoir essentiellement l'itinérance mais aussi l'internet ouvert/la neutralité du réseau.

Sur la question des tarifs l’itinérance, alors que les Etats membres s’accordent sur l'importance de traiter ce sujet le plus tôt possible, "la plupart d'entre eux ont exprimé le besoin d'avoir plus de temps pour analyser ce qui serait la meilleure approche pour éviter les effets involontaires", lit-on dans les conclusions diffusées par le service de presse du Conseil.

De nombreuses délégations ont par ailleurs souligné que toute éventuelle disposition relative à l'application des tarifs nationaux à l'itinérance internationale ("roam like at home") semble d'abord exiger une nouvelle réglementation des prix de gros et la définition du principe "d'utilisation raisonnable", poursuivent les conclusions. La réduction des tarifs de gros pourrait en effet aider à assurer que les prix de détail continueront de couvrir les prix de gros, l’objectif étant d'éviter une situation dans laquelle les prix intérieurs augmenteraient pour compenser les pertes que les opérateurs pourraient encourir sur les services d'itinérance (effet "stabilisateur"). En outre, un grand nombre de délégations ont indiqué qu’elles préféraient attendre le rapport de l'Organe des régulateurs européens, l'ORECE, analysant les approches possibles à l'itinérance et qui doit être publié au début du mois de décembre.

Le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, a souligné lors de la discussion l’attachement du Luxembourg à l’élimination des frais d’itinérance, l’impact des mesures proposées étant jugé proportionnellement plus important au Luxembourg, tant pour les consommateurs que les opérateurs. Le Grand-Duché étant "très petit, nos citoyens se trouvent en "roaming" presque tous les jours", a dit le ministre cité dans un communiqué diffusé par son Ministère.

Sur la question de la neutralité d’internet, le rapport de progrès de la Présidence italienne précise qu’un grand nombre de délégations est d'avis qu'une approche de l'UE fondée sur des principes serait utile pour limiter la disparité des réglementations dans les États membres. Une telle approche est jugée plus adaptée pour l'avenir que l'application de dispositions extrêmement détaillées. L'idée est d'éviter d'entraver l'innovation ou d'aboutir à une situation dans laquelle l'évolution des technologies rendrait le règlement rapidement obsolète.

Selon les conclusions du Conseil "Télécoms", la plupart des États membres ont estimé que le texte de la Présidence était une bonne base pour la poursuite des travaux, mais que davantage de discussions étaient nécessaires. "Un grand nombre de délégations a dit qu'il était important d'avoir un accès libre et non discriminatoire à l'internet, mais qu'il était également important d'éviter de restreindre l'innovation et l'investissement", lit-on dans les conclusions, qui précisent que "plusieurs délégations ont exprimé leur soutien à une proposition néerlandaise pour interdire toute discrimination de prix dans les règles sur la neutralité du net".

Les Pays-Bas, rejoints par la Slovénie, la Grèce, la Slovaquie, le Luxembourg et la Hongrie, ont en effet estimé que les propositions de définition de la Présidence italienne étaient trop vagues, rapporte pour sa part l’Agence Europe dans son Bulletin daté du 28 novembre. C'est avant tout l'encadrement des dérogations qui serait jugé trop flou et trop peu détaillé, alors que la Commission propose que les entreprises de télécommunications puissent fournir des conditions de trafic privilégiées, en terme de volume ou de rapidité, à certains clients moyennant finances, pour autant qu'elles ne freinent pas l'accès à internet des utilisateurs de base. A ce sujet, Xavier Bettel a souligné la nécessité de suivre une attitude ambitieuse afin d’obtenir un ancrage plus affirmatif de la neutralité du net en droit communautaire, rapporte son communiqué.

En conséquence, la Présidence a conclu que davantage de travail technique serait nécessaire en vue de dégager une position commune sur ces deux sujets. "On a tout fait pour un compromis, mais force est de constater qu'aucun projet n'a rassemblé suffisamment", a regretté le secrétaire d'État italien chargé des Télécommunications, Antonello Giacomelli, lors de la conférence de presse organisée à l’issue du Conseil. "Plusieurs collègues ont insisté sur le fait qu'il faut avancer bien plutôt que vite […] Il faut faire vite ET bien, c'est pourquoi le travail est compliqué" a-t-il ajouté, en estimant que la multiplication des réunions techniques ne suffira toutefois pas sans réelle volonté politique. "Un rapprochement au sein du Conseil est encore nécessaire avant de lancer un mandat pour entamer le trilogue", a ajouté le commissaire chargé de l’Economie et de la Société numériques, Günther Oettinger.

Progrès sur le projet d’amélioration de l’accessibilité du web

Lors du Conseil "Télécoms", les ministres européens ont encore fait  le point des progrès réalisés sur la proposition relative à l'amélioration de l'accessibilité au web lors d’un débat en session publique. D'après le projet de directive de la Commission présenté en décembre 2012, des critères d'accessibilité harmonisés à l'échelle de l'UE deviendraient contraignants pour certains types de sites web d'organismes du secteur public. Les ministres se sont penchés sur un rapport de la Présidence italienne exposant le travail accompli à ce jour par le groupe de travail du Conseil qui a notamment apporté plusieurs modifications à la proposition initiale, entre autres une extension du champ d'application à l'intégralité de tous les sites du secteur public, mais pas aux sites créés par des entités privées.

La proposition établit des règles relatives à l'accessibilité et invite les États membres à prendre des mesures pour promouvoir et contrôler leur application. Afin d'éviter les lourdeurs administratives, le texte de la présidence invite les États membres à contrôler le respect des règles périodiquement, plutôt qu'en permanence comme le suggérait la Commission, précisent les conclusions du Conseil. De même, l'obligation de présenter un rapport tous les ans sera remplacée par une obligation de présenter un rapport à une fréquence moindre.

"On a pu noter les progrès réalisés et, à l'unanimité, le Conseil a décidé de donner un nouvel élan à ce dossier. Il est important d'achever les travaux et d'arriver rapidement à la conclusion", s'est félicité le secrétaire d'État italien, Antonello Giacomelli, soulignant que "la Présidence lettone sera en mesure de finaliser le dialogue avec le Parlement européen".

Le Conseil en faveur d’une nouvelle gouvernance multipartite de l’internet

Le Conseil a par ailleurs adopté des conclusions sur la gouvernance de l'internet, en particulier sur le rôle de l'Union européenne à l'avenir. Ces conclusions soulignent le rôle de l'Europe dans l'élaboration de l'avenir de la gouvernance de l'internet et mettent en évidence le soutien de l'UE pour un modèle mondial multipartite "fondé sur des principes clairs".

Les conclusions soulignent encore le soutien de l’UE pour la transition de la gérance des fonctions relatives aux noms de domaine de l'internet assurées par l'internet Assigned Numbers Authority (IANA) et pour réformer l'ICANN en vue d’en faire "une organisation intégratrice, transparente et responsable", précise le communiqué du Premier ministre luxembourgeois. Elles notent également la nécessité d'aborder l'impact des conflits de compétence possibles sur la protection des données et les indications géographiques et réaffirment l'attachement de l'UE aux mêmes droits fondamentaux en ligne que hors ligne. Dans ce contexte, les États membres et la Commission sont invités à "prendre les mesures nécessaires pour préserver le caractère ouvert, neutre et non-fragmenté de l’internet", poursuit le communiqué de Xavier Bettel.

"La réunion informelle du Conseil TTE-Télécoms à Milan nous a mis sur la voie de l'important résultat nous avons obtenu aujourd'hui: l'Union européenne participera d'une manière unifiée et comme un acteur clé dans le processus de construction d'une nouvelle forme de gouvernance de l'internet, en ouvrant un dialogue d'abord avec les Etats-Unis", a commenté le secrétaire d'État italien chargé des Télécommunications, Antonello Giacomelli, à l’issue du Conseil.

Pour mémoire, la Commission européenne avait proposé le 12 février 2014 une réforme de la gestion et de l'exploitation de l'internet, suite notamment aux révélations sur les programmes de grande envergure de surveillance du réseau. "Les récentes révélations sur l'existence de programmes de surveillance de grande envergure ont remis en cause la gestion américaine de la gouvernance de l'internet", expliquait alors la Commission, plaidant pour une transition d’un système de gouvernance mondiale centré sur les Etats-Unis  tel qu’il est actuellement en place vers un modèle mondial, tout en préservant les valeurs sous-jacentes de gouvernance multipartenaire ouverte de l'internet.

La directive sur la sécurité des réseaux et de l'information pourrait faire l’objet d’un accord en trilogue avant la fin 2014

La Présidence italienne a par ailleurs informé les ministres européens en charge des Télécommunications des avancées substantielles réalisées dans les négociations en trilogue avec le Parlement européen sur la proposition de directive concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et de l'information dans l'Union (SRI).

Pour mémoire, la Commission a déposé, en février 2013, un projet de directive proposant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et de l'information dans l'Union, dans le cadre plus large de la définition d’une stratégie européenne pour la cyber-sécurité. Il s’agit de remédier aux différences actuelles de préparation à des incidents de sécurité ou à des attaques délibérées qui affaiblissent la sécurité des réseaux interconnectés, puisque d’importantes perturbations dans un Etat membre pourraient affecter d’autres Etats membres.

Dans son rapport présenté aux ministres, la Présidence italienne note que sur le fond, la principale question en suspens entre les deux institutions concerne la portée de la proposition. Considérant que le texte du Conseil permettrait aux États membres d'évaluer, sur la base de critères définis, si oui ou non certains opérateurs dans les secteurs identifiés seraient soumis aux obligations concernant les exigences de sécurité et des notifications d'incidents dans la directive, le Parlement européen prévoit une approche selon laquelle tous les opérateurs dans tous les secteurs identifiés sont soumis aux obligations, mais avec un degré variable possible, de fournir la preuve de la mise en œuvre effective des politiques de sécurité. L’architecture, les objectifs et l'étendue du principe de coopération stratégique et opérationnelle est une autre pierre d’achoppement.

Néanmoins, la Présidence se dit confiante en la capacité des institutions à dégager "des solutions de compromis sur les questions en suspens mentionnées ci-dessus et parvenir à un accord avant la fin de l'année", lit-on dans son rapport.

Débat sur la révision à mi-parcours de la stratégie Europe 2020

Les ministres ont tenu, sur base d’un document préparé par la Présidence italienne, un débat d'orientation sur les aspects relatifs aux télécommunications de l'examen à mi-parcours de la stratégie Europe 2020 pour la croissance, qui est prévu en 2015.

Les ministres ont notamment souligné l'importance particulière du secteur des télécommunications pour contribuer aux objectifs de croissance et d'emplois fixés, la stratégie numérique constituant l'une des sept initiatives phare mise en avant par la Commission.

Dans ce contexte, le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, a mentionné le lancement de l’initiative "Digital Lëtzebuerg" en tant que stratégie transversale et interdisciplinaire alliant les forces du secteur public, privé et académique pour adresser notamment des dossiers tels que les compétences digitales, l’administration numérique ou la protection des données. "Les problématiques identifiées au niveau national se recoupent avec les différents piliers de l’Agenda numérique pour l’Europe. Au niveau européen, il s’agit essentiellement de fixer les objectifs communs et d’abolir les barrières qui entravent encore l’achèvement du marché intérieur numérique", a-t-il déclaré, rapporte le communiqué de son Ministère, Xavier Bettel soulignant aussi l’importance d’une réponse européenne adéquate à la pénurie des compétences de l’ICT.