Le Conseil "Transports, télécommunications et énergie" s’est réuni le 5 décembre 2013 à Bruxelles. Les Etats membres s’y sont notamment entendus sur une approche générale concernant la directive relative aux infrastructures pour carburants de substitution, dans le volet Transports et énergie, et ont débattu une première fois au sujet du Paquet Télécoms de la Commission européenne.
Les ministres de l’UE ont adopté une approche générale sur la directive relative aux infrastructures pour carburants de substitution, premier texte législatif du genre à être proposé au niveau de l’UE. Le texte enjoint les Etats membres à établir des mesures qui permettent de développer des infrastructures qui encourageront l’utilisation de carburants alternatifs tels que l’électricité, l’hydrogène et le gaz naturel, plus respectueux de l’environnement. C’est une partie de l’initiative Clean Power for Transport.
Les États membres de l'UE ont certes adopté une approche générale favorable au projet de la Commission européenne présenté en janvier 2013, mais se sont néanmoins donné dix ans de plus pour en atteindre les objectifs. Ils ont ainsi modifié la proposition de directive en tablant sur une élaboration d'une infrastructure de base pour la recharge de ces différentes énergies alternatives à l'horizon de l’année 2030, et non plus de 2020. De même, ils se sont dégagé une marge de manœuvre dans la fixation des objectifs. Les objectifs chiffrés nationaux de la Commission ne seraient plus contraignants mais indicatifs. Ce sont les Etats membres qui fixeraient leurs objectifs dans leurs plans nationaux successifs de développement d’infrastructures pour carburants de substitution.
Les Etats membres seraient tenus de réaliser le premier de ces plans dès un an après l’entrée en vigueur de la directive. Chaque Etat membre devrait y établir ses objectifs nationaux concernant le nombre de bornes de recharge des voitures électriques, les infrastructures de ravitaillement en gaz naturel liquéfié et compressé dans les ports maritimes et fluviaux et dans le transport routier, les points de recharge en hydrogène (si les Etats membres décident de l’incorporer dans leur plan), ainsi que des offres de recharge électriques dans les ports maritimes et fluviaux (si la demande est là et que les coûts n’excèdent pas les bénéfices).
La Commission a proposé, dans le réseau transeuropéen de transport, des quotas nationaux de stations de recharge électriques ainsi que les stations hydrogène tous les 300 km pour les voitures électriques, des stations de recharge pour le gaz naturel liquéfié (LNG) tous les 400 km pour les poids lourds et tous les 150 km dans les ports pour les navires.
Le commissaire européen aux Transports, Siim Kallas, s'est félicité de l'approche générale tout en déplorant un manque d'ambition. "Il n'y aucune raison de ne pas agir maintenant, il faut que notre avenir soit assuré. Nous devons nous engager clairement par rapport aux acteurs du secteur privé, il faut qu'ils investissent", a-t-il insisté auprès des délégations, comme l’a rapporté l’Agence Europe.
Le Luxembourg, de concert avec notamment les Pays-Bas, la Belgique et la Finlande, pressait pour aller plus vite. "Le Luxembourg regrette l’objectif diminué du compromis que ce soit pour les objectifs concrets dans la mise en place des bornes électriques, que pour les échéances", a dit le représentant du gouvernement luxembourgeois en priant ses homologues à revenir à l’échéance 2020 prévue dans la proposition initiale.
Néanmoins, la majorité des États membres, et notamment les plus récents membres, sont restés sur leur position. Le ministre lituanien des Transports et des Communications, Rimantas Sinkevicius, a cependant souligné pour conclure la discussion que les délais liés à cette directive pourraient encore faire l'objet de discussions avec le Parlement européen, qui, pour sa part, a conservé la date butoir de 2020 et le caractère contraignant de la proposition de la Commission.
Dans un communiqué de presse diffusé le lendemain du Conseil, le même ministre a déclaré que "la position commune du Conseil donnera un signal clair et réaliste au marché, et elle augmentera aussi l’accessibilité aux carburants et véhicules de substitution". "Tous les habitants de l’UE ressentiront directement l’impact de cette directive", selon lui. Le choix de véhicules et de stations de recharge, augmenteront, les informations sur la compatibilité des carburants pour le véhicule seront largement accessibles, et un étiquetage similaire permettra de facilement sélectionner le carburant nécessaire dans les stations essences, explique le communiqué.
La présidence lituanienne de l’UE a présenté un rapport de progrès au sujet de l’état d’avancement du règlement sur l’Agence ferroviaire européenne (ERA), qui doit accorder à cette dernière le droit, en coopération avec institutions nationales de sécurité ferroviaire, de délivrer des autorisations pour utiliser les matériels roulants dans toute l’UE ainsi que des certificats de sécurité pour les transporteurs. C’est une partie du quatrième Paquet ferroviaire.
“De nombreuses délégations ont appelé à une distribution claire et précise des tâches entre l’Agence ferroviaire européenne et les autorités nationales”, rapportent les conclusions provisoires du Conseil, "tout en conservant une flexibilité suffisante pour prendre en compte les spécificités du secteur ferroviaire". Une majorité de délégations voudraient obtenir des garanties supplémentaires sur les principes régissant le calcul des frais pour l’émission et le renouvellement des autorisations et certificats. Plusieurs délégations souhaitent par ailleurs clarifier la responsabilité de l'agence lors de la délivrance de certificats et autorisations. Enfin, la France et l'Italie ont marqué leur attachement à l'indépendance de l'agence.
Les Etats membres ont également pris connaissance du rapport de progrès du règlement relatif à la garantie des droits des passagers aériens. Le concept de retard à l’arrivée et l’égalité de traitement entre passagers dont les vols furent supprimés et ceux qui ont dû endurer un long retard, en suivant les arrêts de la CJUE, doivent encore faire l’objet de nouveaux accords. « En ce qui concerne les correspondances manquées, toutes les délégations reconnaissent le besoin d’assister les passagers dans cette situation, mais la majorité d’entre eux sont préoccupés de l’impact des nouvelles dispositions proposées sur les accords de coopération existant entre les compagnies aériennes et la connectivité régionale », lit-on dans les conclusions. Le projet de règlement a donc pris bel et bien pris du retard comme l’avait déploré l’eurodéputé luxembourgeois, Georges Bach, la veille du Conseil.
Le Conseil a aussi adopté les lignes directrices pour le développement du Réseau transeuropéen de transport et le nouveau Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) adoptés par le Parlement européen le 19 novembre 2013.
Par ailleurs, le Conseil a ajouté le Népal à sa liste des 21 pays dont tous les transporteurs aériens sont interdits de voler vers ou dans l'UE, dans le cadre de la mise à jour de la liste noire des compagnies aériennes par la Commission européenne.
Enfin, il a octroyé à la Commission européenne un mandat de négociation pour un accord global aérien avec le Brésil. Un accord, qui devrait contribuer à augmenter le nombre de connexions aériennes et baisser le prix des billets, est espéré au plus vite avant l'organisation de la coupe du monde de football de l'été 2014 et des jeux olympiques de 2016, fait remarquer l’agence Europe.
La présidence lituanienne a informé le Conseil des progrès obtenus concernant la directive concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux proposée par la Commission européen en février 2013. La Commission a proposé ce texte parce qu’elle considère que les différences actuelles de préparation à des incidents de sécurité ou à des attaques délibérées affaiblissent la sécurité des réseaux interconnectés, dès lors que d’importantes perturbations dans un Etat membre peuvent affecter d’autres Etats membres.
Le sommet européen d'octobre 2013 a reconnu l'importance de la sécurité des réseaux et de l'information pour remplir l'agenda européen pour la croissance et l'emploi. La commissaire en charge des télécommunications, Neelie Kroes, était d’avis qu’il ne fallait plus perdre de temps. "Bien que toutes les délégations aient complètement reconnu le besoin d’action pour combattre les cyber-attaques, les avis divergent sur le meilleur moyen d’assurer la sécurité des réseaux à travers l’UE", disent les conclusions du Conseil. Certaines délégations préfèrent "une approche flexible", avec des règles européennes contraignantes limitées aux exigences en infrastructure de base, complétées de mesures volontaires. D’autres, de concert avec la Commission, ne préconisent que des mesures qui soient légalement contraignantes, seules à même d’apporter, selon eux, des progrès pour la sécurité au niveau de l’UE.
La notification des risques et des incidents et le type de coopération à établir entre les autorités nationales en vue d'assurer une intervention coordonnée en cas d'incident doivent ainsi encore faire l’objet de discussions.
Le ministre lituanien des Transports et des Communications, Rimantas Sinkevicius, a aussi présenté le rapport de progrès de la présidence sur les mesures proposées en mars 2013 par la Commission européenne pour faciliter les investissements dans les réseaux ultrarapides en réduisant les coûts.
La proposition de règlement veut favoriser le déploiement du haut débit ultrarapide d'ici à 2020 en réduisant les coûts des travaux de génie civil, en exploitant au maximum les synergies entre les réseaux de communications électroniques et les autres réseaux de distribution. Pour cause, les coûts d’ingénierie civile représenteraient en général 80 % du coût total. Néanmoins, des Etats membres ont émis des doutes sur le fait que les bénéfices dépasseraient les obstacles en termes de coûts et administratifs. La forme du projet est également contestée. Seule la Commission européenne tient à un règlement. Le Conseil lui préfère une directive.
Les Etats membres ont tenu leur premier débat d’orientation au sujet du projet de règlement établissant des mesures relatives au marché unique européen des communications électroniques et visant à faire de l'Europe un continent connecté, qui fait partie d’un nouveau Paquet Télécoms présenté le 12 septembre 2013 par la Commission européenne. Et aucune position commune n’a pu être dégagée.
Le projet doit permettre d’avancer davantage vers un marché unique des communications électroniques, en permettant l’usage de ces services sans restrictions nationales et sans coûts supplémentaires indus. De même, les compagnies devraient pouvoir proposer ces services partout, c’est-à-dire indépendamment d’où elles et leurs clients se situent dans l’UE.
Certes, "les débats ont montré que les pays de l’UE conviennent qu’il est important de régler des questions, telles que les initiatives d’investissement, la réduction des obstacles bureaucratiques pour les opérateurs, des investissements suffisants dans les fréquences radio, l’accès aux réseaux, les droits des utilisateurs finaux et la neutralité du réseau", a fait remarquer la présidence lituanienne à l’issue du Conseil dans un communiqué de presse. Mais "il semble qu’une partie de ces questions, par exemple les fréquences ou l’itinérance, bien qu’elles puissent avoir une valeur ajoutée selon le règlement en examen, n’exploitent pas toutes les possibilités selon le système juridique existant", dit-elle.
"Nous ne pouvons pas nous permettre de faire de l'obstruction, cela risque de mener au retour de la récession pour l'ensemble de l'économie", a au contraire déclaré Neelie Kroes, qui espère que le dossier avancera rapidement.
Les États membres estiment que la politique en matière de spectre radioélectrique est de leur ressort et se disent contre une harmonisation à l'échelle européenne pour l'allocation de fréquences. En matière de roaming, les États membres ont montré la plus grande méfiance quant à l'abolition des frais d'itinérance, que la Commission et le Parlement européen voudraient voir disparaître dès 2015, alors que le 3e règlement vient à peine d'entrer en vigueur. "Plusieurs délégations ont souligné le besoin de stabilité et de prédictibilité pour les investisseurs et considéré que les mêmes objectifs pourraient être atteints au moyen d’instruments déjà existants", disent les conclusions du Conseil.
Pour la neutralité du net, les États membres sont d'accord avec le principe mais estiment que l'encadrement des dérogations est trop flou et trop peu détaillé, alors que la Commission propose que les entreprises de télécommunications doivent pouvoir fournir des conditions de trafic privilégiées, en terme de volume ou de rapidité, à certains clients moyennant finances.
Les Etats membres ont exposé de nombreuses requêtes et critiques, à en croire ces conclusions. Plusieurs Etats membres ont souligné le besoin d’une étude d’impact détaillée. Plusieurs délégations ont souligné qu’elles préfèreraient que la priorité soit donnée à la finalisation d’autres propositions législatives comme l’identification électronique ou la réduction des coûts des réseaux à large bande.
Les petits États membres, dont le Luxembourg, ont fait part de leurs inquiétudes, soulevées par une future consolidation du marché qui se ferait au détriment de petits opérateurs et des petits marchés. Des délégations ont également objecté la hausse prévisible des coûts et des exigences administratives dans la création d’une autorisation européenne unique pour les opérateurs.
Des pays, dont l'Allemagne, la Slovénie, l'Autriche et la France, indique l’Agence Europe, sont inquiets pour la protection de leurs consommateurs, qui est plus élevée dans leur pays que dans le projet de la Commission européenne.
"En résumé, le débat a fourni des éléments utiles pour guider les travaux futurs. Sur cette base, nous réfléchirons avec nos partenaires grecs (qui auront la présidence de l'UE au 1er semestre 2014, ndlr) sur les moyens de faire avancer cette proposition importante, en lui donnant le temps qu'il faut pour être étudiée correctement", a conclu le ministre lituanien des Transports et de la Communication, Rimantas Sinkevicius, qui présidait la réunion, selon des propos rapportés par l’AFP.
En marge des discussions sur le Paquet Télécoms, les États membres ont également évoqué les derniers développements de l'économie numérique, comme l'informatique en nuage ("cloud computing") et le Big Data. Ils se sont déclarés d'accord pour que ces domaines émergents fassent l'objet d'une réglementation légère à ce stade, notamment pour ce qui concerne le Partenariat européen du cloud.