Le 5 novembre 2014, le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna a présenté la politique de transparence en matière fiscale poursuivie par le gouvernement. Sa conférence de presse intervenait dix jours après l’adoption de nouvelles normes de l’OCDE, le 29 octobre 2014 et au lendemain du vote à la Chambre des députés des lois sur l’entrée en vigueur au 1er janvier 2015 de la directive sur les revenus de l’épargne, qui prévoit l’échange automatique d’informations entre Etats membres, et sur une nouvelle procédure dans l’échange d’informations sur demande.
Pierre Gramegna a abordé quatre dossiers qui concernent la transparence fiscale : l’abandon du secret bancaire, la mise en œuvre de l’échange automatique d’informations, les réflexions sur la fiscalité menée dans le cadre de l’OCDE et le ruling.
En poste depuis décembre 2013, Pierre Gramegna a inscrit son action à la suite logique de celle du gouvernement précédent. Il a rappelé que l’abandon du secret bancaire avait été confirmé par l’ancien Premier ministre et actuel président de la Commission, Jean-Claude Juncker, lors de sa déclaration sur l’Etat de la nation, en mai 2013.
Il estime que ce pas était "dans l’intérêt de la Place". Et il se félicite qu’en s’engageant dans cette voie, le Luxembourg obtient des conditions de concurrence équitables avec les pays hors UE. Ainsi, en 2014, l’OCDE a réussi à se mettre d’accord sur un nouveau standard, repris ensuite par le G 20.
Signe de cet engagement, le gouvernement veut désormais être le premier à mettre en œuvre l’accord signé à Berlin le 29 octobre, par lequel l’échange d’informations s’élargira à partir de 2017 vers d’autres sources de revenus qui tombent sous ces standards communs de l’OCDE, à savoir un l’échange automatique annuel entre États de renseignements relatifs aux comptes financiers, notamment les soldes, intérêts, dividendes et produits de cession d’actifs financiers déclarés à l’administration par les institutions financières, concernant des comptes détenus par des personnes physiques et des entités, y compris des fiducies et des fondations. "Nous voulons être les premiers parce que c’est positif pour la réputation de la Place financière, et que nous le pouvons aussi bien financièrement qu’humainement", a-t-il dit.
Pierre Gramegna a ensuite évoqué le nouveau cadre pour l’échange d’informations qui avait été adopté la veille par la Chambre des députés. Le nouveau texte a apporté de la "clarté juridique". Il était important de sortir de la liste établie par le Forum mondial sur la transparence, sans quoi la Place financière aurait dû en subir de nombreuses conséquences, qu’il avait eu loisir de détailler à la tribune de la Chambre la veille. Pierre Gramegna a d’ailleurs fait savoir que le Ministère des Finances allait désormais essayer d’obtenir au plus vite une nouvelle évaluation par le Forum mondial.
Pierre Gramegna estime que la politique de transparence menée par le gouvernement donne au Luxembourg "une plus grande crédibilité" pour parler du troisième sujet qu’il a abordé, à savoir la discussion sur la fiscalité mondiale, à travers le Plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices (BEPS), lancé par l’OCDE. Par ce moyen, l’OCDE ausculte comment sont appliquées les mesures fiscales. "Nous sommes un pays qui veut être compétitif sur le plan fiscal, mais cela doit se passer dans le respect des règles internationales", a-t-il dit. Si l’OCDE cherche de nouvelles règles, le Luxembourg collabore à cette quête. Et si elle adopte de nouveaux standards, le Luxembourg les adoptera. Pierre Gramegna déclare en tout cas que le Luxembourg est en phase avec l’aspiration de l’OCDE à ce que les grandes entreprises ne puissent échapper à l’imposition.
Le Luxembourg aurait à y gagner. Des entreprises continueront de vouloir venir au Luxembourg car elles ne viennent pas forcément pour l’environnement fiscal mais aussi "parce que les conditions-cadres sont bonnes: parce que nous sommes multilingues, parce que nous sommes productifs, parce que nous avons un bon taux d’absentéisme par rapport à l’étranger", a-t-il déclaré.
Pierre Gramegna a ensuite abordé un quatrième point : la pratique du ruling, à savoir la décision anticipative qui est, selon la définition du ministre, "une attestation de l’Administration des contributions sur les législations applicables dans une situation donnée, de telle sorte que le contribuable sache quels textes s’appliquent et quel somme d’impôt il devra payer à l’avenir". Pierre Gramegna a souligné qu’il ne s’agissait pas là d’une "spécialité luxembourgeoise". La pratique existe également en Hollande, en Belgique, en France ou encore en Allemagne.
Le ministre estime que la Commission est dans son rôle en s’intéressant aux pratiques de ruling, dont elle aimerait savoir si elles ne joueraient pas un rôle équivalent aux aides d’Etat, et donc ne constitueraient pas une distorsion de concurrence. Le Luxembourg a fait le choix de collaborer car "nous voulons démontrer que nous avons tout fait en ordre", fait savoir Pierre Gramegna. Mais, quand la Commission a demandé qu’on lui envoie toutes les décisions anticipatives de l’année précédente, le gouvernement a décliné en jugeant que la Commission dépassait les pouvoirs que lui confient les traités.
Le gouvernement a décidé que ces décisions anticipatives, exigeantes en termes de travail, seraient désormais payantes, comme c’est le cas en Allemagne. Il a prévu également dans son "Paquet pour le futur" ("Zukunftspakt"), qui sera soumis aux voix de la Chambre des députés, que la pratique du ruling soit désormais inscrite dans la loi, afin de lui donner plus de lisibilité. Il est également prévu dans ce même Paquet que la règlementation des prix de transfert fasse elle aussi l’objet d’une loi, même si dans la pratique administrative, les standards de l’OCDE ont toujours été suivis, a-t-il précisé.
Pour conclure, Pierre Gramegna a répété que la transparence "aide plus notre Place que si on s’accrochait aux vieilles traditions". "Avec la crise de 2008, de nouvelles forces sont arrivées sur le marché mais aussi de nouvelles attitudes dans tous les gouvernements. La transparence est devenue la règle", a-t-il dit. Il fallait s’adapter car "nous ne pouvons pas vivre isolés de la communauté internationale". "Nous nous sommes toujours sentis dans le domaine international comme poissons de l’eau. Nous devons le redevenir pleinement demain", a poursuivi le ministre.
"Nous ne sommes plus dans le mode de raisonnement ancien. (…) Nous voulons être des bons élèves de la transparence", a encore dit le ministre face aux journalistes, en partageant sa grande confiance dans l’avenir de la place financière. Ceux qui disaient que la place n’allait pas survivre à la fin du secret bancaire ont eu tort. Les dépôts sont restés stables, l’emploi aussi. "Si nous allons aujourd’hui vers la transparence, de nombreuses maisons mères vont reconsidérer le Luxembourg pour y installer de nouvelles activités." La réputation du Luxembourg renforcée, "la Place financière recevra plus d’investisseurs et pourra poursuivre son développement", parie-t-il.