La Commission européenne et la Banque européenne d’investissement (BEI) ont publié le 9 décembre 2014 un rapport sur les potentiels d’investissement dans l’Europe. Il recense 2000 projets équivalant à près de 1 300 milliards d'euros d'investissements potentiels, dont des projets pour plus de 500 milliards d'euros qui pourraient être mis en œuvre au cours des trois prochaines années, explique la Commission européenne dans un communiqué commun avec la BEI.
Selon le texte, de nombreux projets ne sont actuellement pas réalisés en raison d’obstacles financiers, réglementaires ou autres. Le rapport a été publié par la "task force" de l’UE sur les investissements, composée par la Commission, la BEI et les Etats membres, avec l’objectif de recenser des potentiels d’investissement dans le cadre du plan d’investissement de 315 milliards, présenté le 26 novembre 2014 par Jean-Claude Juncker, président de la Commission. La "task force" a été créée lors du Conseil Ecofin du 14 octobre 2014.
Selon la Commission, les investissements dans l'UE ont baissé avec la crise financière de plus de 430 milliards d'euros depuis 2007 quand ils avaient atteint un niveau record. Selon le rapport, la baisse est de l’ordre de 15 %, mais va jusqu’à 60 % dans les Etats membres les plus touchés par la crise.
Les auteurs du rapport appellent à une "action résolue" et estiment que le faible niveau d’investissement "met en péril le potentiel de croissance à long terme de l’Europe" qui pourrait mener à une "érosion du stock de capital productif". "L’Europe ne fait pas de l’investissement productif dans le stock de capital humain et physique qui est nécessaire pour sa future compétitivité, la croissance et l’emploi, et se place ainsi derrière les économies dominantes au niveau mondial", note le texte.
Le rapport "indique qu'il existe d'énormes besoins d'investissement et des projets viables qui pourraient stimuler la croissance économique", a déclaré Jyrki Katainen, vice-président pour l'emploi, l'investissement et la compétitivité. "Nous avons connu une discordance entre les investissements disponibles et les projets crédibles sur le terrain. Aujourd’hui, nous faisons un grand pas en avant pour rétablir la confiance des investisseurs et mettre en corrélation investissements et projets", a-t-il ajouté.
Werner Hoyer, président de la BEI, a jugé qu’il faut "évaluer ces projets et sélectionner ceux qui sont économiquement viables". Selon lui, il est "également urgent de lever les obstacles non financiers significatifs" qui "empêchent la réalisation d'investissements dans des projets viables".
Le rapport recommande des mesures immédiates afin de créer une réserve transparente de projets d’investissement. Celle-ci est jugée "essentielle" par la Commission "pour rétablir la confiance" et encourager les investisseurs, notamment privés, à investir afin de compléter le financement provenant des États membres et de l’UE. Elle estime que le manque d’informations "crédibles et transparentes" sur les projets constitue un obstacle majeur aux investissements.
Elle précise que ces projets pourront bénéficier d'un financement du secteur privé uniquement ou par l'intermédiaire des États membres ou d’autres sources de financement de l’UE, y compris le nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI). Le communiqué souligne qu’il n’y a pas d'engagements financiers automatiques de la part de la Commission ou de la BEI pour des projets recensés par la task force et que ceux-ci ne peuvent pas prétendre à un accès préférentiel à des fonds nationaux ou européens.
Le rapport nomme des projets dans les "principaux domaines porteurs de croissance": la connaissance, l’innovation et l’économie numérique; l'union de l’énergie, les infrastructures de transport, les infrastructures sociales et les ressources naturelles et l’environnement.
L’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (Verts) a dénoncé dans un communiqué le fait que des projets de modernisation de centrales nucléaires à hauteur de 100 milliards d’euros figurent sur cette liste. Il cite notamment le Royaume-Uni qui demanderait 60 milliards à l’UE pour trois nouveaux réacteurs, la Pologne qui demanderait 12 milliards d’euros pour construire sa première centrale nucléaire ou encore la Roumanie qui voudrait moderniser les centrales vétustes qui "n’ont pas passé les stress tests de l’UE et qui devraient être mis à l’arrêt". Selon Claude Turmes, il faut "éviter à tout prix que le paquet d’investissement est perverti par le lobby nucléaire" alors que l’énergie nucléaire n’est, selon lui, ni compétitive, ni durable.
"L’absurdité n'a pas de limite! Alors que le nucléaire est aujourd'hui la source de problèmes d'approvisionnement en Belgique (quatre réacteurs arrêtés sur sept), alors que les opérateurs allemands cherchent à se défausser du coût du démantèlement de leurs réacteurs et de la gestion des déchets radioactifs sur l'Etat, les ministres des finances de l'Union européenne doivent discuter de propositions destinées à soutenir l'énergie nucléaire", a pour sa part déclaré Michèle Rivasi (Verts), ajoutant que le nucléaire n'apporte pas non plus de solution au changement climatique, qu’il ne renforce pas la sécurité l'approvisionnement des Etats membres et que "chaque milliard d'euros qui sera ainsi gaspillé manquera à des investissements d'avenir, aux économies d'énergie et aux renouvelables, désormais meilleur marché".
La première liste des projets d’investissements consacre quatre pages au Luxembourg, notamment dans les secteurs de l’énergie, des transports et de la recherche. La majorité des projets concernent le secteur public et souvent il s’agit de projet qui sont déjà en cours de planification, voire de construction.
Dans cette liste, on retrouve par exemple
Dans le domaine de l’infrastructure sociale, la liste nomme également
1. Améliorer l'environnement des entreprises en supprimant des obstacles réglementaires et non réglementaires significatifs dans tous les secteurs importants des infrastructures, notamment: l’énergie, les télécommunications, le numérique et les transports, et des obstacles dans les services et sur les marchés de produits. En même temps, il faut approfondir le marché intérieur : "Combler les lacunes dans le marché intérieur pourrait déboucher sur un gain cumulé égal à 1 467 milliards d'euros par an", estiment la Commission et la BEI dans une fiche d’information sur la suppression des obstacles à l’investissement. Parallèlement, les États membres doivent continuer à mettre en œuvre des réformes structurelles qui favorisent un environnement prévisible et propice aux entreprises.
2. Élaborer des plans d’investissement nationaux à long terme
Les États membres doivent s'engager politiquement pour élaborer des plans d'investissement stratégiques à long terme et échanger des bonnes pratiques concernant les projets économiquement viables. Ces derniers, ainsi que ceux de la réserve, pourraient être publiés sur des sites web spécialisés.
3. Fournir une assistance technique pour contribuer au développement de projets d’investissement solides
Le rapport recommande que l’UE mette en place une plate-forme consultative sous forme de "guichet unique" offrant un service continu de conseil et d’expertise destiné aux promoteurs de projets, aux investisseurs et aux pouvoirs publics. L’UE devrait également fournir des conseils sur la structuration des projets afin d'aider les promoteurs à attirer des investissements privés supplémentaires dans des projets présentant une valeur ajoutée européenne.
4. Effectuer des évaluations du rapport coûts-bénéfices
Les États membres devraient, pour les projets viables, procéder à des évaluations du rapport coûts-bénéfices pour identifier les solutions les plus efficaces pour la structuration des projets. La Commission et la BEI devraient fournir des conseils et élaborer des lignes directrices en la matière.
5. Promouvoir les instruments financiers innovants
Il est proposé dans le rapport que la Commission européenne et la BEI encouragent l’utilisation d'instruments financiers innovants pour catalyser les investissements privés dans des projets de dimension européenne. Les États membres devraient également accélérer l’utilisation des instruments financiers, en particulier dans le cadre des Fonds structurels et d’investissement européens.