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Economie, finances et monnaie - Fiscalité
Selon Pascal Saint-Amans de l’OCDE, qui a vu le Premier ministre et le ministre des Finances, le Luxembourg a fait des "progrès massifs" en matière d’échange d’informations et n’est pas seul en cause en matière de rulings
11-12-2014


gouv-ocde-bettel-saint-amansLe Premier ministre Xavier Bettel a accueilli le 11 décembre 2014 Pascal Saint-Amans, le directeur de la fiscalité au sein de l’OCDE pour une entrevue à laquelle le ministre des Finances, Pierre Gramegna, a également participé. Les discussions ont porté sur les dossiers d’actualité, dont les rulings et Luxleaks, le Plan d’Action BEPS de l’OCDE sur l’érosion de la base fiscale et le transfert de bénéfices, sur le rôle complémentaire de l’UE dans le domaine des règles d’échange automatique d’informations (EAI) entre administrations fiscales que l’OCDE propage au niveau global.

Lors d’un point de presse, Pierre Gramegna a de nouveau souligné comme la veille le rôle proactif du Luxembourg dans le dossier du ruling, insistant sur le fait que le Grand-Duché n’est qu’un pays parmi tant d’autres Etats membres de l’UE et de l’OCDE à y recourir. Répétant la position du gouvernement, il a mis en avant que "l'interaction entre les règles et les pratiques des différentes Etats, combinée aux règles internationales applicables en la matière, ainsi que l’application des conventions de non double imposition, peut actuellement permettre d’arriver au résultat d’une imposition très légère, voire nulle, qui est conforme à la légalité, mais peut être considéré comme peu acceptable d’un point de vue éthique". Pour lui, il faut donc s’attaquer à la question du ruling au niveau international, ce que le Luxembourg soutient tout comme il soutiendra la proposition d’une nouvelle directive préparée "en urgence" par la Commission européenne.

Pascal Saint-Amans a de son côté déclaré que si les projecteurs sont braqués sur le Luxembourg en matière de rulings, ils devraient aussi l’être sur d’autres pays. Le Luxembourg a pris le chemin de l’EAI en signant entre autres à Berlin en octobre 2014  la nouvelle norme d’échange automatique de renseignements élaborée par l’OCDE adoptée par tous les pays de l’OCDE et du G20 ainsi que par les grands centres financiers participant à la réunion annuelle du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, et il a mis fin au secret bancaire en novembre 2014. Toutefois, le Luxembourg continue à être noté non-conforme selon le dernier rapport du Forum mondial de novembre 2013 qui lui reproche de se révéler défaillant en ce qui concerne la disponibilité d'informations sur la propriété des comptes, la facilité d'accès à l'information, les instruments d'échange d'informations ainsi que les droits et garanties. Mais l’OCDE a constaté des "progrès massifs" sur toutes les recommandations qui ont été adressées au Luxembourg. Le Luxembourg a donc demandé un rapport qui en prenne acte, et l’OCDE a commencé depuis le 4 décembre 2014 à interroger à ce titre les pays susceptibles de demander des échanges d’informations et devrait avoir l'accord des pairs du Luxembourg pour entamer le nouveau rapport fin décembre 2014, avec en vue un "level playing field" pour tous les Etats concernés et une bonne coopération avec l’UE. Ce rapport serait prêt en été 2015.

gouv-ocde-gramegna-saint-amansDans le cadre du plan d’action BEPS, le Luxembourg a rejoint le consensus de l’OCDE concernant les "patent boxes", sur lequel seuls les Pays-Bas ont émis des réserves, de même que sur la méthodologie de l’OCDE pour évaluer la transparence des systèmes de ruling des Etats membres. De l’autre côté, le président de la Commission européenne a d’ores et déjà signalé que l’UE va appliquer le résultat de ce consensus, de sorte qu’il ne reste plus qu’à effectuer un travail technique pour inclure ce consensus dans la législation de l’UE.

Ce qui importe, a expliqué Pascal Saint-Amans, c’est de réduire le "caractère potentiellement toxique" des rulings. Cela veut dire qu’il faudra scruter l’impact fiscal d’un ruling sur un autre pays afin de permettre aux pays de l’OCDE de changer leurs bases taxables en conséquence. L’UE se concentre plus sur la dimension "aide d’Etat" d’un ruling, a expliqué l’expert, et il est légal s’il profite à tout le monde. Pour l’OCDE, le problème est la base taxable dans un autre pays qui peut impactée par exemple par un ruling sur un transfert. L’OCDE veillera à ce que "chaque pays puisse taxer ce qui est taxable chez lui". La question morale de savoir si cela est bien ou mal ne se pose pas sous cette optique, a-t-il souligné. Cette évolution aura pour effet selon Pierre Gramegna que les accords de non-double imposition qui datent d’une époque différente devront être modernisés.     

Pascal Saint-Amans a également expliqué que "l’élimination des poches de zéro fiscalité" mettra en concurrence les pays sur la question de la base élargie de la taxation des entreprises. Il y a aura donc une "pression à la baisse" qui se lit déjà dans le passage de 50 % de taxation à 25 % dans les grands pays. Les petits pays ont même pu passer à légèrement en-dessous de 20 % à légèrement au-dessus de 10 %, comme l’Irlande avec ses 12,5 % de taux affiché d’imposition des entreprises, les petits pays ayant selon Saint-Amans moins d’infrastructures et organismes à financer. "Cette tendance à la baisse de la fiscalité des entreprises est une tendance bonne pour la croissance", a-t-il souligné, si elle n’implique pas de distorsions de concurrence. Mais il a dû admettre que  "si l’impôt sur les sociétés ne contribue pas à une meilleure croissance, il en faut". 

Dans ce cadre, Pierre Gramegna a rappelé que le Luxembourg fait partie du tiers de pays de l’OCDE où la fiscalité effective des entreprises et des personnes est parmi les plus lourdes. Comme la manière de calculer l’impôt changera sous peu, la réforme fiscale au Luxembourg, prévue pour 2017, devra en tenir compte.