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Parlement européen - Fiscalité
Le Parlement européen rédigera deux rapports d’initiative sur l’évasion fiscale, dont l’un devrait mener à des propositions législatives pour lutter contre le phénomène, mais n’instaurera pas de commission d’enquête
04-12-2014


C'est sous le titre "Luxembourg Leaks" que l'ICIJ a publié le 6 novembre 2014 plusieurs centaines d'accords fiscaux entre l'administration fiscale et 340 multinationales. Source : www.icij.orgLa commission des Affaires économiques et monétaires (ECON) du Parlement européen rédigera deux rapports d’initiatives relatifs à l’équité fiscale, dans le contexte des révélations "Luxleaks" et de la mise en cause de la pratique des "tax rulings" (ou rescrits fiscaux).

Le contexte

Pour mémoire, les révélations dites "Luxleaks" ont mis le Luxembourg en cause comme un moteur d’évasion fiscale pour de grandes multinationales (en raison des "tax rulings" accordés par son administration fiscale) et ainsi mis en lumière la manière dont certaines entreprises exploitaient la concurrence fiscale entre les Etats membres de l'UE afin de réduire drastiquement leur contribution à l’impôt, parfois sous la barre de 1 % de leurs bénéfices.

Elles ont provoqué un grand nombre de réactions, tant au Parlement européen où le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, appelé à s’expliquer par plusieurs groupes politiques, avait promis aux députés européens en session plénière le 12 novembre 2014 d’œuvrer le plus vite possible à une harmonisation fiscale au niveau européen, que du côté de plusieurs Etats membres, qui réclament aussi une action de l’UE en la matière.

Par ailleurs, au Parlement européen, le groupe des Verts/ALE notamment demandait la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire, tandis qu’une motion de censure contre la Commission Juncker, déposée par 76 députés, dont une majorité appartenant au groupe eurosceptique EFDD dirigé par le leader de l’UKIP britannique Nigel Farage, ainsi que plusieurs non-inscrits, notamment issus du Front national français, avait été rejetée en plénière le 27 novembre.

La commission ECON rédigera un rapport d’enquête et un rapport de nature législative

La conférence des Présidents du Parlement européen, qui regroupe le président du Parlement, Martin Schulz, et les présidents des groupes politiques représentés dans l’hémicycle européen, a donc décidé d’autoriser  la commission ECON à rédiger deux rapports d’initiative dans ce contexte "en raison de la complexité du sujet". Il s’agira d’un rapport d’enquête et d’un rapport de nature législative, lit-on dans un communiqué diffusé par le service de presse du Parlement européen le 4 décembre 2014.

Le groupe des Verts/ALE au Parlement européen, qui avait réclamé une commission d’enquête parlementaire sur le sujet a indiqué qu’il "contribuer[ait] à ces rapports d'initiative sur l'optimisation et le dumping fiscaux", tout en jugeant cette réponse "extrêmement faible au regard des enjeux", lit-on dans un communiqué diffusé sur le site du groupe le 4 décembre.

Le coprésident du groupe Verts/ALE, Philippe Lamberts, a ainsi estimé que pour son groupe, "une commission d'enquête serait plus appropriée" s’agissant de "l'instrument le plus puissant dont dispose notre institution". Et de rappeler que son groupe a "d'ores et déjà récolté un nombre significatif de signatures en faveur de l'instauration d'une commission d'enquête. Nous encourageons les députés des différents groupes politiques à soutenir cette initiative. Celle-ci va au-delà de simples rapports - utiles mais aux répercussions limitées". "Que le Parlement européen se contente de demi-mesures pour s'attaquer aux problèmes de l'évasion et de l'optimisation fiscales n'est pas encourageant", a-t-il conclu cité dans le communiqué.

Le porte-parole des Verts/ALE pour les affaires économiques et monétaires, Sven Giegold, a pour sa part rappelé qu’une commission d’enquête "peut se pencher sur les infractions au droit communautaire de la part d'Etats membres et vérifier si la Commission a effectivement veillé au respect des Traités. Elle peut également faire des recommandations et proposer des principes directeurs pour toute action législative". Or, juge-t-il, "la concurrence fiscale agressive, notamment, des Pays-Bas, du Luxembourg, de l'Irlande ou de l'Autriche est une atteinte au principe de "coopération loyale" inscrit dans les Traités. L'affaire Luxleaks est l'occasion de s'attaquer sérieusement à l'évasion fiscale et d'y remédier efficacement".

Pour précision, le Parlement peut constituer des commissions d’enquête en cas d’infractions ou de mauvaise application du droit communautaire. La proposition doit être soutenue par 25 % des membres du PE puis approuvée par la Conférence des Présidents des groupes politiques et enfin avalisée par la plénière du PE.

Le groupe PPE a pour sa part "rejeté les appels pour une commission d'enquête parlementaire sur les pratiques fiscales passées du Luxembourg ou d'autres pays", a expliqué le porte-parole du groupe chrétien-démocrate sur les questions économiques et monétaires, Burkhard Balz, ajoutant que "personne n’a officiellement demandé un tel comité spécial". Selon lui, une commission d'enquête "n’est pas le bon outil, car elle ne peut légalement enquêter que sur des infractions passées au droit de l'UE. Notre problème dans le domaine de la fiscalité n’est pas tant une violation de la loi, mais le manque de lois européennes" en la matière, a-t-il conclu, cité dans un communiqué du groupe diffusé le 4 décembre.

Le président du groupe des socialistes et démocrates européens (S&D), Gianni Pittella, a pour sa part justifié la volonté de son groupe de préférer deux rapports d’initiatives à une telle commission d’enquête, qui, "en vertu des règles du PE, n’aurait pu se pencher que sur des cas passés d’infraction au droit communautaire ou de mauvaise administration", lit-on dans un communiqué publié le même jour. "Nous nous tournons vers l'avenir et nous disons: plus jamais de LuxLeaks, et ce dans n’importe quel Etat membre. Le paradoxe inacceptable, c’est que de nos jours la plupart des cas qui fuitent concernant les pratiques fiscales déloyales et l'évasion fiscale ne sont pas illégaux".

Le groupe ALDE s’est pour sa part félicité qu’ "à la demande du groupe ALDE, le Parlement européen va enquêter sur l'évasion fiscale et la fraude fiscale en Europe", lit-on dans un communiqué diffusé par le groupe le 4 décembre. Le rapport d'enquête "examinera les pratiques fiscales des États membres" et le rapport législatif "mettra sur la table des propositions concrètes à l’intention de la Commission pour mettre fin à l'évasion fiscale et l'évitement fiscal". Le président du groupe des libéraux, Guy Verhofstadt, s’est ainsi réjoui que "le Parlement a[it] opté pour davantage que juste une enquête. L'enquête qui sera menée dans la commission ECON mènera à une proposition de législation visant à trouver une solution européenne".