Le commissaire européen à la Migration et les Affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos, est venu le 3 décembre 2014 devant la commission Libertés civiles, Justice et Affaires intérieures (LIBE) au Parlement européen pour un échange de vues sur la migration et le PNR. "Une de mes priorités-clés sera le développement d’une nouvelle politique européenne sur la migration légale", a-t-il déclaré, ajoutant qu’il souhaite "changer le discours" sur l’immigration.
Il a également plaidé pour un PNR européen pour "prévenir des crimes", à savoir l’adoption de la proposition de directive "concernant l’utilisation des données des passagers aériens (PNR pour "passenger name record"), qui est bloquée par le Parlement européen. Celui-ci veut d’abord connaître l’avis de la Cour de justice de l’UE sur l’accord PNR avec le Canada avant de l’approuver, selon une résolution votée le 25 novembre 2014.
Pour la députée maltaise Roberta Metsola (PPE), la réponse aux flux migratoires ne peut être une "Europe forteresse". Elle a appelé à combattre les "réseaux qui exploitent les personnes vulnérables" pour mettre fin à une "situation dramatique". Elle a jugé que la directive PNR renforcera la sécurité.
La députée Birgit Sippel (S&D) a dénoncé une "discussion trompeuse", en critiquant le fait que la lutte contre la traite humaine soit traitée sous le titre "immigration", alors qu’il s’agit en vérité d’une lutte contre la criminalité organisée. Elle s’est interrogée sur l’utilité de la directive PNR, tant que le "paquet relatif à la protection des données" n’a pas été finalisé et soutient la position du Parlement européen d’attendre le jugement de la CJUE sur l’accord PNR avec le Canada, selon un communiqué. La députée Christine Revault d’Allones Bonnefoy (S&D) a critiqué un "manque de transparence" chez l’Agence européenne pour la gestion des frontières Frontex, et estimé que "les droits de l’homme sont souvent mis de côté" lors de contrôles de migrants. Elle a rappelé au commissaire que la médiatrice avait plaidé pour la mise en place d’un mécanisme de traitement des plaintes afin de pouvoir gérer directement les réclamations adressées par les migrants et d’autres personnes concernées. Frontex avait rejeté cette recommandation, faisant valoir que les incidents individuels relevaient exclusivement de la responsabilité des États membres concernés.
Le député Timothy Kirkhope (ECR) a pour sa part dénoncé la condition d’accueil de réfugiés mineurs "dont l’UE ne peut pas être fière" et a plaidé pour une réforme des procédures de demandes d’asile.
La députée Cecilia Wikström (ALDE) a loué la proposition de cet été de l’ancienne commissaire à la Migration, Cecilia Malmström, d’améliorer la situation des mineurs non accompagnés, tout en demandant le nouveau commissaire s’il soutiendra cette proposition. Cette proposition "met fin à des transferts inutiles de mineurs", s’est-elle félicitée, ajoutant qu’il ne faut pas "envoyer des mineurs d’un Etat à un autre comme des paquets". La proposition vise à modifier le règlement de Dublin dans le sens que, si le mineur a introduit des demandes dans plusieurs pays, c’est l’Etat membre où il se trouve qui devient responsable de sa demande. Selon la Convention de Dublin, l’Etat membre responsable d’une demande d’asile est celui dans lequel un demandeur d’asile a fait sa première entrée sur le territoire de l’Union.
Comme Birgit Sippel, la députée Cornelia Ernst (GUE) a souligné l’importance du paquet de réforme de la protection des données, qui serait "la même chose que le PNR". Elle a également appelé à attendre le jugement de la CJUE. La députée Barbara Spinelli (GUE) a dénoncé une "situation perverse" à Athènes où près de 200 réfugiés syriens sont en grève de la faim pour protester contre le fait qu’ils ne peuvent pas aller dans un autre pays. Ils ont appelé les Etats membres à "assumer leurs responsabilités" et "d'accepter chez eux les réfugiés de guerre", selon l’AFP. Pour Barbara Spinelli, le fait que ces réfugiés sont "bloqués en Grèce à cause du système Dublin" est "une situation de non-droit", et par conséquence il faut revoir ce système.
La députée Judith Sargentini (Verts) a appelé le commissaire à rendre légale l’immigration dans l’UE, notamment pour les travailleurs à faibles revenus. "Si les immigrés veulent se rendre en Europe, ils doivent emprunter des voies dangereuses. Il faut y mettre fin", a-t-elle dit. Elle a critiqué le fait que l’UE se concentre trop sur les questions du terrorisme et de la radicalisation, sans concevoir réellement une nouvelle politique d’immigration.
La députée Laura Ferrara (EFDD) a critiqué le fait que les migrants sont considérés comme une "utilité économique" et non pas comme des êtres humains et a appelé à faciliter le regroupement familial. Selon elle, l’immigration clandestine est due au fait qu’il n’y a pas de voie légale pour entrer dans l’UE. Elle a dénoncé des "traitements inhumains" dans certains Etats membres, en citant un jugement de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sur les conditions d’hébergement de demandeurs d’asile en Italie.
Judith Sargentini (Verts) et Ana Gomes (S&D) ont dénoncé des accords "ridicules" entre l’UE et des pays africains comme l’Erythrée, l’Egypte, le Soudan ou encore le Soudan-du-Sud pour "garder dans ces pays les migrants désireux de partir». En effet, les représentants de 40 pays - provenant d’Europe, de la Corne d’Afrique, du Nord de l’Afrique, du Service Européen d’Action Extérieure, de la Commission européenne et de la Commission de l’Union Africaine - ont participé à une conférence à Rome le 28 novembre 2014 pour lancer le "processus de Khartoum". Dans une déclaration, ils annoncent lancer l’initiative relative à la route migratoire UE-Corne d’Afrique afin de lutter contre la traite des êtres humains. Cette initiative vise à renforcer la coopération entre les Etats signataires afin de "s’attaquer à la migration irrégulière et aux réseaux criminels", tout en assurant "la protection de réfugiés et demandeurs d’asile" ainsi que de "migrants dans des situations vulnérables" et favorisant une approche "centrée sur la victime" de la traite. Le texte appelle également à favoriser le développement durable des pays d’origine des migrants pour "traiter les causes profondes" de la migration irrégulière. La déclaration plaide pour le développement d’un "cadre régional de retour" et pour assister les Etats signataires à "établir et gérer des centres de réception" qui donnent accès aux procédures d’asile.
En réponse aux eurodéputés, le commissaire Dimitris Avramopoulos a assuré qu’il faut une "approche holistique" de l’immigration. Il a estimé que l’Europe a été "prise de court" et n’avait qu’une "approche fragmentée" d’une forme de migration qui serait un "phénomène nouveau". Le commissaire a déclaré qu’il ne permettrait pas "de faire un lien entre la criminalité ou le terrorisme et la migration", en expliquant que tous ces domaines relèvent des compétences de son portefeuille.
Quant aux accords avec plusieurs pays africains, Dimitris Avramopoulos a soutenu qu’il serait "très utile d’entendre les partenaires africains" et que la coopération avec eux est cruciale.
En ce qui concerne le PNR, il a estimé que le Parlement européen devait coopérer avec la Commission et qu’il faudrait trouver "un antidote plus dynamique" au terrorisme. Le commissaire a jugé que le PNR "n’a rien à voir avec la conservation des données".
Quant au système de Dublin, il a plaidé pour une "amélioration", tout en assurant qu’il n’y aura pas de concession en matière de droits fondamentaux. Il a condamné la traite des êtres humains, estimant qu’une "véritable industrie" a été mise sur pied qui seraient "parfois mieux équipées que les Etats membres".