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Traités et Affaires institutionnelles
Rapport de politique européenne – Un regard détaillé sur les positions défendues par le gouvernement luxembourgeois au niveau de l’UE
26-01-2015


Le gouvernement du Grand-Duché de LuxembourgAlors que le 1er juillet 2015, le Luxembourg prendra les rênes de la Présidence semestrielle du Conseil de l’Union européenne, le gouvernement a présenté, comme chaque année son rapport sur la politique européenne du Grand-Duché devant la commission des Affaires étrangères et européennes de la Chambre des députés, le 26 janvier 2015.

Adopté en amont en conseil de gouvernement, le 12 décembre 2014, le rapport couvre plus directement la période de juillet 2013 à juillet 2014. Soit une période mouvementée, marquée au plan national par l’entrée en fonction d’un nouveau gouvernement et, au plan européen, par l’achèvement d’un cycle institutionnel – avec l’élection du Parlement européen et la nouvelle dynamique de désignation du président de la Commission – empreint de la plus profonde crise économique et financière qu’ait connue l’UE. Cela dans un contexte par ailleurs tout particulier pour le Grand-Duché à l’approche de la douzième Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE

Le document de 95 pages revêt un caractère très intéressant : il dresse à la fois un état des lieux des politiques européennes pour un vaste champ de domaines de compétence de l’UE – des questions institutionnelles à l’élargissement, en passant par les relations commerciales, les questions économiques ou fiscales, l’environnement, l’agriculture, l’asile, l’emploi ou les droits fondamentaux notamment –, mais surtout, il offre un regard relativement détaillé sur les positions défendues par le gouvernement luxembourgeois dans une multitude de dossiers sectoriels traités au sein des différentes formations du Conseil de l’UE lors de la période de référence.

Le rapport en bref

Parmi la grande diversité de domaines qu’il aborde, le rapport revient notamment sur la structure institutionnelle de l’UE, dont il relève qu’elle a traversé une phase de changements profonds en raison, entre autres, de l’avènement du système des "Spitzenkandidaten" pour la nomination du président de la Commission. Lors des prochaines échéances, le gouvernement considère par conséquent qu’il "faut s’attendre à une politisation du processus" et donc à "un véritable débat sur les programmes politiques" des candidats. Mais il juge "peu probable qu’un véritable clivage gauche-droite apparaisse au niveau européen", lit-on.

Autre exemple abordé dans le rapport, la politique commerciale commune fait l’objet d’une attention particulière du gouvernement dans le contexte du blocage du cycle de Doha à l’Organisation mondiale du Commerce (OMC). Le rapport relève qu’en conséquence des difficultés au niveau multilatéral, diverses initiatives plurilatérales ont vu le jour ces dernières années, notamment en 2012 à travers le lancement des négociations d’un accord plurilatéral sur les services (TiSA) ou, en 2014, celui d’un accord plurilatéral sur les biens verts. Ces négociations "abordent des secteurs clés pour l’avenir" et elles "faciliteront davantage les échanges commerciaux dans des domaines chers au Luxembourg, à la fois d’un point de vue politique (développement durable, coopération réglementaire) et économique (services maritimes, logistique, télécommunications, gestion des déchets etc.)", y lit-on.

Et le document de rappeler que, dans un contexte où les dossiers commerciaux sont de plus en plus confrontés à une politisation, le Luxembourg a toujours "adopté une attitude constructive […] sans se lancer dans les débats idéologiques qui minent souvent le bon fonctionnement de la politique commerciale européenne".

Avec près d’une trentaine de pages qui y sont consacrées, les affaires économiques et financières occupent par ailleurs une place de choix dans le rapport. Le document revient notamment sur les différentes étapes de la stratégie de gestion de crise de l’UE et en particulier sur la mise en place d’une Union bancaire et de ses différents instruments – le Mécanisme de surveillance et le Mécanisme de résolution uniques (MSU et MRU) ainsi que le Fonds de résolution unique (FRU). Dans ce contexte, le Luxembourg était parmi les États membres qui ont milité pour une approche ambitieuse et une mise en place rapide d’un Fonds de résolution unique avec mutualisation des risques à 100 % et qui considèrent "logique et cohérent" de désigner le Mécanisme européen de stabilité comme "prêteur en dernier ressort" du FRU, relève le rapport, qui note que certains États ne souhaitent pas aller aussi loin, "par crainte d'une mutualisation des risques (et des pertes) par la porte de derrière".

Le Luxembourg est par ailleurs parmi les États membres qui déplorent l’abandon, suite à la forte opposition de l’Allemagne notamment, du troisième pilier sur lequel devait reposer l’Union bancaire, en l’occurrence un mécanisme de garantie des dépôts unique. "Le fait que les systèmes de garantie des dépôts restent nationaux implique que les coûts en cas de liquidation d’une banque restent à supporter au niveau national", note le rapport qui souligne qu’un système commun "permettrait de pallier cette situation où les décisions sont prises de façon centralisée, mais les coûts sont, en partie, toujours encourus au niveau national".

Dans le contexte de la définition d’un corpus réglementaire unique sur lequel repose le MSU (paquet CRR/CRD4), une des priorités du Luxembourg a par ailleurs été de s’assurer qu’un juste équilibre soit garanti entre les pouvoirs des autorités de la maison-mère et les autorités des filiales d’un groupe bancaire, apprend-on encore dans le document. "La principale difficulté pour le Luxembourg était liée au mécanisme de prise de décision biaisé en faveur de l’État membre où est située la tête de groupe" note le rapport qui souligne que le texte final de la directive assure dans une très large mesure l’équilibre entre responsabilités des États membres d’origine et d’accueil.

La même exigence d’équilibre dans le mode de prise de décision était une préoccupation répétée du Luxembourg dans le cadre des réformes structurelles du secteur bancaire européen (BSR) visant notamment à empêcher les banques d’une certaine taille de pratiquer la négociation pour compte propre et à permettre aux autorités de surveillance d’imposer aux banques en question d’établir une séparation entre leurs activités de dépôt et certaines activités de négociation potentiellement risquées. Le Luxembourg préfèrerait une approche progressive, selon laquelle on passerait d’abord par des exigences de fonds propres plus élevées et une surveillance renforcée avant d’en arriver, en dernier ressort, à une séparation du groupe bancaire, lit-on par ailleurs dans le rapport. On y lit en outre que le Grand-Duché s’interroge sur les nouvelles règles censées opérationnaliser la séparation du groupe bancaire.

Le Luxembourg connaît par ailleurs des difficultés par rapport à la proposition de règlement sur les fonds monétaires (MMF) qui vise à limiter le risque systémique causé par le déplacement des activités financières des secteurs règlementés vers le système bancaire parallèle. Si le Luxembourg "partage l’objectif de renforcer la stabilité des fonds monétaires et d’accroitre la protection des investisseurs", les négociations s’annoncent "difficiles", lit-on, étant donné que les fonds à valeur liquidative constante représentent plus de la moitié des fonds monétaires au Luxembourg et que les fonds monétaire de ce type sont essentiellement domiciliés dans deux États membres, à savoir le Luxembourg et l’Irlande. Or, "la disparition des fonds à valeur liquidative constante entrainerait la suppression d’une alternative d’investissement et de gestion de liquidité à court terme importante pour les entreprises, qui devront se tourner vers les dépôts bancaires ou vers les fonds à valeur liquidative constante établis dans des pays tiers", estime le document.

Les questions de fiscalité sont également abordées dans le rapport, qui revient sur l’extension du champ de l’échange automatique d’information (EAI) entre administrations fiscales, sur la révision de la directive "mère-filiales" et sur la proposition de directive concernant une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS). Sur ce dernier sujet, la délégation luxembourgeoise "a participé de manière active et constructive à toutes ces discussions techniques", relève le rapport qui souligne qu’elle "a également exprimé, et, réitéré concernant certains aspects, certaines réserves de fond quant aux dispositions proposées", lit-on.

Pour ce qui relève de la politique sociale et des conditions de vie et de travail, le document rappelle que le Luxembourg défend la position selon laquelle la lutte contre la pauvreté et  l’exclusion sociale, les inégalités, et l’exclusion du marché du travail doit rester la priorité de l’Union européenne et des États membres. Investir dans le capital humain, activer la participation dans le marché du travail et améliorer la capacité des systèmes de protection sociale de fournir une protection efficace sont jugés essentiels, de même que l’amélioration de la gouvernance sociale au niveau de l’Union et de la coordination des politiques sociales et de l'emploi avec les politiques économiques et financières.

En termes de santé publique et plus particulièrement des produits du tabac, le principal défi pour le Luxembourg était de trouver un équilibre entre les intérêts de santé publique et les intérêts économiques nationaux, le Grand-Duché étant le siège d’un important producteur. Lors des négociations de la directive du 3 avril 2014 visant à harmoniser la fabrication, la présentation et la vente de produits du tabac, le Luxembourg a insisté sur des délais suffisamment longs pour la réglementation de certains ingrédients, particulièrement du menthol, les cigarettes mentholées étant un des produits de marque dudit producteur national.

Dans le domaine des transports terrestres, et plus particulièrement pour ce qui est du volet technique du 4e paquet ferroviaire, le Luxembourg a défendu des positions très tranchées dans le cadre des négociations sur les propositions sur la sécurité et l’interopérabilité mais n’a pas réussi à imposer sa vision in fine, relève encore le rapport.

La question des télécommunications et du paquet "Continent connecté", celle de l’énergie et notamment du principe de changements indirects dans l'affectation des sols, celle de l’agriculture et de la réforme de la Politique agricole commune ou encore celle de l’environnement et du changement climatique ou de la réglementation relative aux OGM sont encore quelques-uns des sujets abordés dans le rapport.

Le document détaille par ailleurs la présence des institutions au Luxembourg en vertu de la politique de siège et revient sur le fonctionnement des différents ministères au niveau national en termes de coordination et de cohérence par rapport aux politiques européennes.

La Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE en 2015 et l’élaboration de ses priorités politiques sont également abordées de même que la politique d’information relative à l’UE du gouvernement, pour laquelle le site Europaforum.lu est le premier vecteur.