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Economie, finances et monnaie - Fiscalité
Conseil ECOFIN – Accord sur la clause anti-abus dans la directive "sociétés mères-filiales" et sur les contributions bancaires au Fonds de résolution unique (FRU), tandis que le projet de coopération renforcée sur une TTF prend du retard
09-12-2014


lors du Conseil Ecofin du 9 décembre 2014, le ministre français des Finances, Michel Sapin, et le commissaire européen en charge des affaires économiques, Pierre Moscovici (source: Conseil de l'UE)Les ministres de Finances des Etats membres de l’Union européenne (UE) ont adopté deux propositions visant à réduire la concurrence dommageable en matière fiscale et à prévenir les pratiques d’évasion et de fraude, à l’occasion d’un Conseil ECOFIN qui s’est tenu le 8 décembre 2014, à Bruxelles. Les ministres ont ainsi marqué leur accord sur une proposition modifiant la directive "sociétés mères-filiales" de l'UE via l’introduction d’une clause générale anti-abus contraignante etz le Conseil a adopté la proposition de directive révisée sur la coopération administrative, qui étend le champ d'application de l'échange automatique et obligatoire d'informations (EAI) entre les administrations fiscales au-delà des revenus de l’épargne.

Le Conseil a également marqué son accord sur le projet de règlement fixant les contributions des banques au Fonds de résolution unique de l'UE (FRU) et adopté des conclusions sur le financement pour la croissance et le financement à long terme de l'économie européenne. Il a enfin pris note de l’état d’avancement de la proposition de taxe sur les transactions financières (TTF) dans onze Etats membres via la procédure de coopération renforcée.

Accord sur l'introduction d'une clause anti-abus dans la directive "sociétés mères-filiales"

Lors du Conseil ECOFIN du 9 décembre 2014, les ministres européens des Finances ont marqué leur accord, sans débat, sur une proposition modifiant la directive "sociétés mères-filiales" de l'UE via l’introduction d’une clause générale anti-abus contraignante visant à mettre un terme à l'évasion fiscale et à la planification fiscale agressive des groupes d'entreprises. Le projet de clause est formulé comme une règle "de minimis" permettant aux Etats membres d'appliquer des règles nationales plus strictes, tant qu'ils respectent les exigences minimales de l'UE.

Pour mémoire, la directive "mères-filiales" actuellement en vigueur visait à ce que les bénéfices réalisés par les groupes transfrontières ne soient pas imposés deux fois (double imposition), cela contrairement aux groupes nationaux. Or, certaines lacunes dans ce texte permettaient aux groupes d'entreprises d'exploiter les asymétries entre les règles fiscales nationales de façon à échapper à l'impôt sur certains types de bénéfices distribués au sein du groupe (double non-imposition) grâce, entre autres, aux dispositifs dits de prêts hybrides.

La révision de la directive "mère-filiales", proposée par la Commission en novembre 2013, visait à combler ces lacunes avec le double objectif de traiter la question des dispositifs de prêt hybrides et d'insérer une clause générale anti-abus. Après un premier accord politique relatif aux prêts hybrides au Conseil en juin 2014, les ministres étaient une nouvelle fois invités à s’accorder sur une proposition de compromis de la Présidence concernant une règle commune anti-abus, après avoir échoué lors du Conseil ECOFIN de novembre 2014.

Concrètement, la nouvelle clause vise à empêcher une utilisation détournée de la directive et à assurer une plus grande cohérence dans son application par les différents États membres. Elle exige des gouvernements qu'ils s'abstiennent d'accorder les avantages découlant de la directive à un arrangement ou à une série d'arrangements mis en place pour obtenir un avantage fiscal plutôt que pour des motifs économiques valables tenant à la réalité économique, précisent les conclusions du Conseil. Cet accord "permettra aux États membres de mieux lutter contre les planifications fiscales agressives des groupes d'entreprises, assurant ainsi une fiscalité des entreprises plus équitable dans l'UE", a noté Pier Carlo Padoan, ministre italien de l'Economie et des Finances et président du Conseil lors de la conférence de presse à l'issue de la réunion. "Cet amendement obligera les États membres à prévoir, au moins, un niveau minimum de protection de la directive contre les abus".

Adoption de l’échange automatique d’informations renforcé

Par ailleurs, le Conseil a adopté, toujours sans débat, la proposition de directive révisée sur la coopération administrative, qui étend le champ d'application de l'échange automatique et obligatoire d'informations (EAI) entre les administrations fiscales au-delà des revenus de l’épargne. Concrètement, le projet, déposé par la Commission en juin 2013, modifie la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine de la fiscalité directe, cela en intégrant dans le droit européen la nouvelle norme mondiale mise au point par l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques) en matière d’EAI.

La directive révisée étend ainsi aux intérêts, dividendes et autres revenus, ainsi qu'aux soldes de comptes et aux produits de la vente d'actifs financiers le champ d’application de l’EAI ce qui doit permettre aux administrations fiscales "de mieux lutter contre la fraude fiscale", précisent les conclusions diffusées par le service de presse du Conseil.

Pour mémoire, cette adoption fait suite à un accord politique intervenu au Conseil ECOFIN d’octobre 2014. A l’occasion de ce Conseil, le Luxembourg et l’Autriche avaient marqué leur accord pour l’application de l’EAI ainsi élargi dès 2017, l’Autriche ayant néanmoins demandé et obtenu un délai d’un an pour des raisons techniques. Finalement, lors du Conseil du 9 décembre, le ministre autrichien des Finances a annoncé que l’Autriche devrait bien appliquer l’EAI en vertu de la directive révisée dès 2017, mais toutefois pas sur "toute l'année 2016". Dans le cadre de la directive révisée, les autres Etats membres collecteront les informations dès 2016 pour les échanger en 2017.

Le travail législatif de modification du régime des "patent boxes" devrait débuter en 2015

Le Conseil a par ailleurs pris note du rapport semestriel rédigé par le Groupe de travail "Code de Conduite" sur la mise en œuvre du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises et a adopté des conclusions relatives, entre autres, aux régimes fiscaux favorables aux brevets ("patent boxes"). Ce rapport n’a pas été rendu public par le Conseil.

Pour mémoire, le code de conduite, créé en 1997 par le Conseil, énonce les critères d'une procédure volontaire d'examen par des pairs menée par les États membres. Il est destiné à éliminer les situations de concurrence fiscale dommageable en matière de fiscalité des entreprises. Lors du Conseil ECOFIN de juin 2014 qui avait examiné le précédent rapport du groupe, les ministres l’avaient invité "à évaluer ou examiner toutes les 'patent boxes' dans l'UE, y compris celles déjà évaluées ou prises en compte précédemment, d’ici la fin de 2014, afin d'assurer la cohérence avec le principe d'égalité de traitement, également dans le contexte des développements internationaux, y compris ceux en rapport avec l'initiative de l’OCDE".

Les "patent boxes" sont un régime de taxation de la propriété intellectuelle appliqué dans certains Etats membres. Selon la Commission européenne, au cours des dix dernières années, plusieurs pays européens ont mis en place un régime fiscal particulier relatif à la propriété intellectuelle. Informations à l’appui, la Commission soupçonne ces régimes fiscaux de ne bénéficier qu'à des "entreprises extrêmement mobiles" sans provoquer de regain d’activité et de développement de la recherche significatifs. Des travaux sur les régimes fiscaux favorables aux brevets sont également en cours au sein de l'OCDE.

Ce sujet oppose d’ailleurs la Commission européenne et le Luxembourg depuis plusieurs mois. En sa compétence de gardienne de la concurrence, la Commission avait déjà réclamé, parallèlement à une demande similaire sur les "tax rulings", des informations sur ces "patent boxes" à plusieurs Etats, dont le Luxembourg, pour déterminer si elles pouvaient représenter une aide d'État illégale. Le 11 juin 2014, elle a annoncé avoir décidé de saisir la Cour de justice de l'UE pour le refus du Luxembourg de lui délivrer des informations sur certaines de ses pratiques fiscales, notamment les "patent boxes".

Dans ses conclusions du 9 décembre 2014, le Conseil ECOFIN souligne "la nécessité de débuter dès 2015 le processus législatif nécessaire en vue de modifier les régimes de 'patent boxes' et demande au groupe de suivre ce processus".

Accord sur les contributions du secteur bancaire au Fonds de résolution unique (FRU)

Le Conseil a par ailleurs approuvé un projet de règlement d'exécution déterminant les contributions à verser par les banques au Fonds de résolution unique (FRU) de l'UE. Ce fonds est actuellement mis en place dans le cadre du Mécanisme de résolution unique (MRU), qui a été récemment créé pour garantir la résolution ordonnée des défaillances bancaires et est l’un des principaux piliers de l’Union bancaire.

Le fonds de résolution unique montera en puissance sur une période de huit ans et atteindra un niveau cible d'au moins 1 % du montant des dépôts couverts de tous les établissements de crédit agréés dans l'ensemble des États membres participants. Les banques devront verser des contributions annuelles au fonds. Celles-ci seront calculées en fonction du montant de leur passif, hors fonds propres et dépôts couverts, et adaptées en fonction de leur profil de risque, conformément à la méthode définie dans l'acte délégué adopté le 21 octobre 2014 par la Commission. "L'acte délégué précise comment tenir compte du risque et ce qui devrait être la relation entre un taux forfaitaire de cotisation (que toutes les banques doivent payer) et un taux ajusté au risque, qui sera compris entre 0,8 à 1,5", soulignent les conclusions du Conseil.

Dans ce contexte, le Conseil précise que, si en vertu de la directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances (dite BRRD), le niveau cible des fonds de résolution nationaux est fixé au niveau national et calculé sur la base des dépôts couverts, dans le cadre du MRU, le niveau cible du Fonds de résolution unique correspond à la somme des dépôts couverts de tous les établissements des États membres participant à l'union bancaire. Il en découle d'importantes modifications des contributions que les banques doivent verser au titre du MRU par rapport à celles qui sont prévues dans le cadre de la directive BRRD alors que, pour les Etats membres participant à l'Union bancaire, les fonds nationaux de résolution mis en place sous la BRRD à compter du 1er janvier 2015 seront remplacés par le FRU à compter du 1er janvier 2016.

Dès lors, afin d'atténuer une éventuelle hausse brutale des frais pour les banques dans certains États membres lors du passage d'un niveau cible national à un niveau cible européen, le règlement d'exécution prévoit un mécanisme d'ajustement pendant une période transitoire au cours de laquelle la méthode prévue dans le cadre du MRU serait progressivement introduite. Au cours de cette période de huit ans, le calcul des contributions annuelles des banques se fondera de plus en plus sur le niveau cible fixé dans le cadre du MRU.

Ainsi, si au cours de la première année, 60 % des contributions des banques continueront d'être calculées en fonction des niveaux cibles nationaux, cette proportion diminuera d'année en année. "La huitième année, les contributions de toutes les banques seront calculées sur la base du niveau cible fixé dans le cadre du MRU", précisent les conclusions du Conseil, qui notent encore que les contributions bancaires versées en 2015 au titre de la BRRD seront déduites de la somme due par chaque institution.

Selon le ministre italien et président du Conseil Pier Carlo Padoan, cette adoption "est une étape cruciale vers la réalisation du mécanisme de résolution unique, le deuxième pilier de construction de l'union bancaire" car le FRU "augmentera sensiblement la résilience du secteur bancaire européen, au bénéfice des citoyens et des entreprises", a-t-il dit lors de la conférence de presse organisée à l’issue du Conseil.

Peu de progrès sur la coopération renforcée pour une taxe sur les transactions financières voulue par onze Etats membres

La Commission européenne a mis sur la table une proposition de taxe sur les transactions financières le 28 septembre 2011Les ministres ont également fait le point sur l’état d’avancement de la proposition visant à instaurer une taxe sur les transactions financières (TTF) dans onze États membres dans le cadre d'une "coopération renforcée" sur base d’un rapport de la Présidence rendant compte des progrès réalisés au cours du semestre écoulé, alors que l’échéance fixée pour un accord fin 2014 en vue de la mise en œuvre d’une première phase de la TTF à partir du 1er janvier 2016 ne pourra plus être respectée.

Pour mémoire, le 22 janvier 2013, les ministres des Finances de l’UE donnaient leur feu vert au lancement d’une coopération renforcée visant à introduire dans les onze Etats membres y participant une taxe sur les transactions financières. Cette coopération renforcée avait été demandée à l’automne 2012, après qu’il était apparu évident qu’il ne serait pas possible, faute d’unanimité au Conseil, d’introduire une TTF au niveau de l’UE, ainsi que l’avait proposé la Commission en septembre 2011. Le 14 février 2013, la Commission européenne avait par conséquent mis sur la table une proposition qui devrait servir de base aux négociations.

Lors du dernier Conseil ECOFIN de novembre 2014, la Présidence italienne avait néanmoins relevé que plusieurs questions cruciales restaient en suspens ce qui l’empêchait "de présenter un texte de compromis susceptible de permettre la conclusion d'un accord", ce qui était toujours le cas lors de cette nouvelle réunion. Ainsi le rapport de la Présidence relève-t-il que, si "des progrès ont été accomplis concernant le champ d'application de la TTF pour les transactions portant sur les actions", en revanche, "la taxation des transactions sur les produits dérivés demeure l'une des principales questions en suspens".

La Présidence précise par ailleurs que les travaux qu’elle a réalisés pour déterminer les catégories de produits dérivés qui seront soumises à la TTF pendant la première phase "ont permis de mieux comprendre certaines questions fondamentales" mais qu’il sera "nécessaire de poursuivre la réflexion sur les principes d'imposition à appliquer en ce qui concerne la TTF", à savoir les principes de résidence ou de lieu d’émission. En vertu du principe de la résidence, la taxe serait prélevée en fonction du lieu où les parties à la transaction imposable sont établies. En vertu du principe du lieu d'émission, la taxe serait prélevée en fonction du lieu où l'émetteur est établi. Enfin, il sera également nécessaire "de poursuivre les travaux sur le mécanisme à utiliser pour collecter la TTF" explique-t-elle. "La Présidence estime qu'il existe une base solide permettant de réaliser de nouveaux progrès en vue d'une adoption rapide de la TTF et encourage la future présidence à poursuivre les travaux d'une manière transparente et inclusive", conclut le rapport.

La veille du Conseil ECOFIN, le 8 décembre 2014, les ministres des Finances des onze Etats membres participants à la coopération renforcée s’étaient d’ailleurs rencontrés en marge de l’Eurogroupe afin de débattre du sujet sans être capables de progresser sur le sujet.

Le Conseil prend note des mesures en faveur de l’investissement dans l’UE

Le Conseil a également pris connaissance de diverses mesures destinées à favoriser la croissance et les investissements dans l’UE, en vue de préparer le Conseil européen des 18 et 19 décembre 2014. La Commission et la Banque européenne d'investissement (BEI) ont ainsi présenté leur rapport relatif aux travaux du groupe de travail sur l'investissement, créé en octobre 2014 en vue de recenser les projets d'investissements potentiellement viables à réaliser à court et moyen terme alors que la  Commission a présenté son plan d'action en matière d'investissement annoncé le 26 novembre 2014 à propos duquel le Conseil a procédé à un premier échange de vues.

Pour précision, le plan d'investissement de 315 milliards d'euros de la Commission prévoit la création d'un nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) au sein du groupe BEI au printemps 2015. Le fonds s'appuiera sur 16 milliards d'euros en garanties au titre du budget de l'UE et 5 milliards d'euros en liquidités fournies par la BEI.

Dans ses conclusions, le Conseil relève notamment qu’il a été demandé à la Commission de clarifier le traitement comptable applicable aux contributions des Etats membres au FEIS dans le cadre des règles existantes du Pacte de stabilité et de croissance, la Commission ayant annoncé son intention de ne pas comptabiliser les contributions des Etats membres au FEIS.

Le Conseil juge enfin que la sélection des projets financés par le FEIS devra être rigoureuse pour assurer que les projets attirent les investisseurs privés et que le plan fournisse des investissements supplémentaires, plutôt que d’attirer des investissements déjà prévus et souligne le "rôle central" de la BEI en la matière.