Le 13 janvier 2015, le Parlement européen réuni en plénière a tenu un débat sur les récents cas de migrants abandonnés en mer dans des cargos et d’autres tragédies qui ont eu lieu en Méditerranée ces dernières semaines. Une discussion qui s’est tenue en présence du commissaire en charge de la Migration, des Affaires intérieures et de la Citoyenneté, Dimitris Avramopoulos.
"La Commission européenne est déterminée à agir", a lancé Dimitris Avramopoulos en guise d’ouverture. Evoquant les drames qu’il avait déjà eu l’occasion de dénoncer peu après les fêtes de fin d’année, le commissaire juge la situation "inacceptable", d’une part car "nous ne pouvons pas laisser des trafiquants sans pitié faire fortune grâce à leurs crimes en exploitant les migrants en quête d’un passage sûr pour l’Europe", et d’autre part car "les personnes qui ont besoin de protection ne doivent pas avoir à risquer leurs vies pour l’obtenir".
Pour autant, le commissaire est conscient que le flux de réfugiés vers l’Europe risque de continuer. Il n'a pas manqué de citer des les chiffres récentsl, indiquant que plus de 276 000 migrants étaient arrivés dans l'UE en 2014, soit une augmentation de 155 % par rapport à 2013. "Les trafiquants trouvent de nouvelles routes et utilisent de nouvelles méthodes pour exploiter des personnes désespérées qui tentent d’échapper à des conflits et à la guerre", a expliqué encore le commissaire.
La réponse de l’UE doit se faire dans "un esprit de solidarité et de responsabilité", a souligné le commissaire qui plaide pour une meilleure coordination et une approche plus globale afin de faire face aux origines des flux actuels de migrants irréguliers et de trafic.
Pour ce qui est de la lutte contre les trafiquants et du sauvetage de migrants en mer, le commissaire a souligné que l’opération Triton, lancée le 1er novembre 2014 et coordonnée par l’Agence Frontex, a permis depuis son lancement de sauver ou d’intercepter au moins 16 000 demandeurs d’asile et migrants irréguliers et d’arrêter 57 "facilitateurs". Le commissaire a aussi souligné les efforts d’Europol (LIEN opération) dans ce domaine, tout en soulignant que le Bureau européen d’appui pour l’asile (EASO) venait de lancer un projet pilote pour recueillir des informations des demandeurs d’asile au sujet des itinéraires suivis.
Mais, a souligné Dimitris Avramopoulos, la Commission compte sur le soutien financier et opérationnel des Etats membres pour agir. Il s’agit d’informer les migrants potentiels des risques qu’il y a à entrer illégalement en Europe, mais aussi de renforcer la coopération pour mieux poursuivre les trafiquants et leurs réseaux criminels. Un des enjeux est donc de rendre les instruments juridiques de l’UE plus efficace.
Et la coopération avec les pays d’origine et de transit est aussi un des piliers de la stratégie de la Commission pour lutter contre le trafic, a souligné le commissaire en citant notamment le cas de la Turquie, qui est devenue centrale dans les itinéraires alternatifs développés par les trafiquants pour rejoindre l’UE. "Nous sommes en contact étroit avec les autorités turques pour adapter rapidement notre stratégie", a-t-il expliqué aux parlementaires.
La coopération avec les pays tiers ne peut se limiter à la lutte contre les trafiquants, a souligné Dimitris Avramopoulos en expliquant qu’il entendait conduire des coopérations incluant des considérations plus larges de politique étrangère, de l’aide au développement et des actions humanitaires.
“Il est aussi vital que les Etats membres mettent en œuvre complètement le système européen d’asile commun au plus vite", a souligné le commissaire qui a plaidé pour que l’UE et les Etats membres coopèrent pour établir "un véritable programme de réinstallation de réfugiés".
Jusqu’ici, 36 000 places ont été offertes pour des réfugiés syriens (dont une trentaine au Luxembourg, qui envisage d’atteindre le nombre de 60 personnes réinstallées en 2015), un chiffre sans précédent dans l’UE, comme il l’a souligné. Mais plus de 207 000 personnes ont traversé la Méditerranée de façon irrégulière et plus de 3,5 millions de réfugiés syriens ont fui dans les pays voisins de la Syrie, a insisté le commissaire.
"L’Europe doit faire plus. Nous devons augmenter le nombre de réfugiés réinstallés dans les pays de l’UE", en tire comme conclusion Dimitris Avramopoulos.
Afin d’assurer un partage de cette responsabilité, la Commission a mis en place un forum de réinstallation pour mettre en place, avec les Etats membres, une clef de répartition qui soit équitable, a-t-il expliqué en insistant sur le fait qu’il n’y a pas de temps à perdre. Il souhaiterait que cette question de la clef de répartition soit abordée lors du Conseil JAI du mois de mars 2015, a-t-il annoncé en fin de débat. "Nous ne souhaitons pas que cette clef repose sur des critères trop nombreux, ni ne voulons que les discussions traînent en longueur". Ces critères "pourraient reprendre le nombre total de demandeurs d'asile par habitant, par PIB", a-t-il précisé.
Au cours d’un débat marqué par la dénonciation unanime de l’action criminelle des passeurs, le groupe PPE a insisté sur l’importance de la coopération avec la Turquie pour détecter les navires fantômes et lutter contre le trafic d’êtres humains par la voix de la députée Monika Hohlmeier.
Du côté du groupe S&D, Gianni Pittella a insisté sur la nécessité de "règles communes complètement alignées sur nos droits fondamentaux, et ce non seulement dans les mots, mais aussi dans l’esprit et dans l’action". Tanja Fajon a insisté pour sa part sur la nécessité de campagnes d’informations au sujet des risques encourus par les victimes du trafic d’êtres humains. Birgit Sippel a pour sa part mis l’accent sur le manque de moyens légaux que les personnes qui ont besoin d’une protection ont de rejoindre l’UE : réinstallation ou visas humanitaires sont trop utilisés, regrette l’eurodéputée. Elle plaide pour un système de réinstallation intégré doté de quotas d’accueil pour chaque Etat membre et appelle la Commission à proposer la création de nouvelles voies légales. Sur la question des visas humanitaires, Dimitris Avramopoulos a mis l’accent sur le manque de soutien qu’une telle option suscite au Conseil.
L’eurodéputée Cornelia Ernst a exprimé au nom du groupe GUE/NGL toute l’horreur qu’elle éprouve face aux pratiques des passeurs. Mais elle a aussi accusé les politiques d’asile de l’UE et Frontex d’encourager le trafic vénal d’êtres humains et de porter la responsabilité de la situation actuelle. Elle plaide pour une nouvelle politique en matière d’asile et pour la mise en place urgente de canaux d’entrée légale et sûre en Europe.