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Institutions européennes
La Médiatrice émet des recommandations pour rendre les groupes d’experts de la Commission européenne plus équilibrés et transparents
30-01-2015


www.ombudsman.europa.eu : Le médiateur européenDans le contexte de son enquête d’initiative lancée en mai 2014 sur la composition des groupes d’experts de la Commission européenne, Emily O'Reilly, la Médiatrice européenne, vient de faire une série de propositions destinées à rendre plus équilibrés et transparents ces groupes consultatifs au "rôle crucial" dans le développement de la législation et de la politique de l'Union européenne.

Elle suggère notamment à l’institution de mettre en place un cadre juridiquement contraignant pour tous les groupes d'experts, cadre qui définirait la notion de représentation équilibrée ainsi que d’introduire des mesures pour réduire les situations de conflits d'intérêts potentiels et pour publier davantage d'informations sur le travail de ces groupes.

Le contexte

Pour mémoire, le 14 mai 2014, la Médiatrice avait annoncé l’ouverture d’une enquête d'initiative sur les groupes d'experts de la Commission via le lancement d’une consultation publique sur le sujet. Emily O'Reilly rappelait alors que la Commission s'appuie fortement sur les conseils de centaines de groupes d'experts pour élaborer la législation et la politique de l’UE dans un vaste nombre de domaines. Dès lors, elle jugeait "de la plus haute importance pour ces groupes qu'ils soient constitués de façon équilibrée et de travailler dans la plus grande transparence possible, afin que le public puisse contrôler leur travail et avoir confiance" alors que l’existence de problèmes persistants était mise en évidence notamment par des organisations de la société civile. Dans une enquête publiée en avril 2014, l’ONG Transparency International avait ainsi mis en lumière certains "angles morts" dans la transparence du processus législatif dont faisaient justement partie les travaux des groupes d’experts et autres comités.

"Au cours des années passées, la Commission a fait de réels efforts pour accroître la transparence et promouvoir une représentation des intérêts plus équilibrée parmi les groupes d'experts", a expliqué Emily O'Reilly, citée dans un communiqué diffusé par son service de presse le 30 janvier. "Toutefois des améliorations sont encore possibles pour s'assurer que le public peut faire confiance et analyser le travail de ces groupes importants", y précise-t-elle, soulignant qu’avec  "[s]es propositions, [elle] veu[t] aider la Commission à s'atteler à cette tâche complexe et ardue".

Plusieurs recommandations en ce sens ont ainsi été adressées au président de l’institution, Jean-Claude Juncker, dans un courrier daté du 27 janvier 2015, la Commission ayant jusqu’au 30 avril pour formuler son avis. La Médiatrice y présente les résultats de la consultation publique qu’elle a menée, ses conclusions préliminaires ainsi qu’un certain nombre de propositions.

Cadre légal juridiquement contraignant et composition équilibrée

Dans son courrier adressé au président de la Commission européenne, la Médiatrice revient tout d’abord sur les résultats de la consultation publique réalisée dans ce contexte, dont "la teneur générale est négative au regard de la situation actuelle", explique Emily O'Reilly.

Les principaux problèmes soulevés dans les contributions concernent la classification incohérente des organisations qui participent aux groupes d'experts, la persistance d’un prétendu déséquilibre en faveur des intérêts des entreprises pour certains groupes, un manque de données dans le registre des groupes d’experts ainsi que des conflits d'intérêts potentiels au niveau des experts qui participent à ces groupes à titre individuel, relève la Médiatrice.

Sur base de ces contributions et de sa propre analyse, la Médiatrice estime que la composition des groupes d’experts et la transparence de leur fonctionnement pourrait être améliorée à plusieurs niveaux, à commencer par celui de leur cadre légal. Alors que les règles actuelles concernant les groupes d’experts sont formulées dans une Communication de la Commission intitulée: "Encadrement institutionnel des groupes d'experts : règles horizontales et registre public" – au caractère non-contraignant –, Emily O’Reilly suggère ainsi la mise en place d’un cadre juridiquement contraignant pour tous les groupes d'experts, sur le modèle de celui adopté pour les groupes de dialogue civil de la DG AGRI.

Un tel cadre juridique devrait faire l’objet d’une décision de la Commission, propose la Médiatrice, et il devrait en tous les cas donner "un caractère obligatoire à la représentation équilibrée de tous les intérêts concernés", plaide-t-elle. Actuellement,  les dispositions applicables en la matière stipulent que la composition des groupes d'experts de la Commission ne doit être équilibrée qu’"autant que possible", ce qui "n’est pas approprié pour garantir une composition réellement équilibrée" de tous ces groupes, avance Emily O’Reilly.

Dans cet objectif, la Commission est appelée à établir une définition individuelle du caractère "équilibré" pour chaque groupe d’experts, reposant notamment sur les objectifs et les missions particulières de ces comités, et à publier cette définition. Elle devrait dès lors également élaborer des critères généraux pour la délimitation des intérêts économiques et non-économiques, "afin de permettre un examen du rapport de poids entre intérêts économiques et non-économiques représentés dans un groupe d'experts", écrit la Médiatrice.

Dans ce contexte, Emily O’Reilly souligne avoir noté que la Commission avait désigné de manière incohérente les organisations européennes COPA (organisations professionnelles agricoles) et COGECA (organisations des coopératives agricoles) comme un seul membre dans certains groupes d'experts (COPA-COGECA) et en tant deux membres distincts dans d'autres groupes d'experts ("COPA" et "COGECA"). Elle invite donc la Commission à expliquer "les raisons de ce traitement incohérent" et si elle a traité, de la même manière, d’autres organisations désignées pour participer à des groupes d'experts.

Appels à candidature

Afin d’améliorer la participation de la société civile aux groupes d’experts, dont tant la Commission que les organisations de la société civile s’accordent à dire que le niveau de représentation "n’est pas toujours satisfaisant", la Médiatrice suggère par ailleurs à la Commission de publier un appel à candidatures pour chaque groupe d'experts.

Dans ce contexte, afin d’assurer un accès simple vers les appels à candidature aux intervenants potentiels, la Médiatrice propose la création d’un portail en ligne unique sur lequel ces annonces seraient publiées. Enfin, il s’agirait d’introduire un délai minimum, Emily O’Reilly considérant un délai de six semaines comme "un minimum raisonnable".

Lier les groupes d’experts au registre de transparence

Selon la Médiatrice, la catégorisation incohérente des organisations composant des groupes d'experts est l'un des principaux obstacles au contrôle de l’équilibre de ces groupes, Emily O’Reilly soulignant que "le fait que la même organisation puisse être étiquetée différemment selon les groupes d'experts est difficilement compréhensible". En outre, relève la Médiatrice, la classification des organismes dans le registre des groupes d'experts diffère de celle du registre de transparence – sur lequel les organisations représentant des intérêts particuliers au niveau de l’UE s'enregistrent, sur base volontaire, et fournissent des informations actualisées sur ces intérêts –, une divergence "particulièrement problématique pour les membres des groupes d'experts qui nécessite une inscription dans le registre de transparence", note-t-elle.

Dès lors, la Médiatrice propose à la Commission d’utiliser la classification du registre de transparence pour catégoriser les membres de ses groupes d'experts. Les organisations et personnes qui relèvent du champ du registre de transparence ne devraient par ailleurs être autorisées à participer à des groupes d'experts que si elles sont enregistrées dans ledit registre. Dans un tel contexte, il s’agirait par ailleurs de vérifier de manière systématique si les personnes inscrites l’ont fait dans la bonne section du registre de transparence, note la Médiatrice. Enfin, d’un point de vue pratique, la Commission devrait lier chaque membre d'un groupe d'experts à son profil dans le registre de transparence afin que le public puisse facilement accéder à ces données, plaide-t-elle.

Des mesures préventives et correctives contre les conflits d’intérêts

L’existence de conflits d’intérêts au sein des groupes d’experts de la Commission est une inquiétude récurrente exprimée par de nombreux intervenants lors de la consultation publique de la Médiatrice, qui s’interrogent sur les experts nommés à titre individuel alors qu’ils sont affiliés à un groupe d’intérêts spécifiques ("des lobbyistes").

Dans ce contexte, la Médiatrice suggère que la Commission révise sa politique de conflits d'intérêts. S’il est certain que personne ne peut être totalement indépendant, il s’agit au moins de garantir que les experts individuels nommés à titre personnel ne se trouvent pas dans une situation de conflit d'intérêt, souligne la Médiatrice, qui note que les règles actuelles n’apportent pas les assurances nécessaires en la matière.

La Commission devrait donc prendre des mesures préventives et correctives dans cet objectif. Il s’agit notamment, du côté du volet préventif, d’évaluer attentivement les antécédents des individus dans le cadre de l'analyse des candidatures en vue de détecter d'éventuels conflits d'intérêts réels, potentiels ou apparents ainsi que de publier leurs CV détaillés et leurs déclarations d’intérêts complètes. De même, les documents de travail ainsi que les comptes-rendus des réunions des groupes d'experts devraient être aussi détaillés que possible.

En ce qui concerne les mesures correctives dans le cas d'un conflit d'intérêts, la Médiatrice relève que les sanctions existantes (prévues à l'article 9 des règles horizontales de la Commission, soit la possibilité d'exclure un expert individuel du groupe d'experts ou d’une réunion spécifique de celui-ci) ne peuvent être efficaces "que si un conflit d'intérêts est détecté en premier lieu".

Sur base de l’ensemble de ces éléments, la Médiatrice suggère enfin à la Commission d’envisager de l'adoption d'une décision en 2015 fixant le cadre général pour des groupes d'experts. Elle devrait par ailleurs envisager l'examen de la composition des groupes d'experts qui sont actifs ou en attente, une fois que cette décision a été adoptée, conclut Emily O’Reilly.