Un an après le début de l’épidémie d’Ebola, le coordinateur de l’UE pour l’Ebola, Christos Stylianides, a appelé à ne pas baisser la garde, lors d’une conférence qu’il a tenue à Luxembourg le 9 mars 2015 avec Charles Goerens, eurodéputé luxembourgeois et rapporteur du Parlement européen sur la question d’Ebola.
Si le Libéria, un des trois pays africains les plus touchés, ne compte plus aucun malade d'Ebola dans ses centres de traitement et si le nombre de nouveaux cas signalés par jour a reculé par rapport à la fin de 2014, la situation reste "instable" en Guinée et Sierra Leone, où le nombre de nouveaux cas est reparti à la hausse, a mis en garde le coordinateur qui est également commissaire à l’aide humanitaire. Par conséquent, la Sierra Leone a rétabli certaines restrictions de mouvement levées en janvier et fixé la réouverture des écoles au 30 mars alors que les écoles sont déjà ouvertes dans les deux autres pays concernés.
"Il n’y a rien de plus dangereux que de dire que la crise est terminée, l’épidémie n’est pas terminée et il faut rester en alerte", a poursuivi le commissaire, rappelant que la fin de l’épidémie est définie par l’OMS comme une période de 42 jours sans nouveaux cas signalés. Christos Stylianides a appelé à poursuivre les efforts pour réduire le nombre d’infections, en mettant en garde contre le risque de perdre le contrôle sur le virus qui a infecté 23 000 personnes dont 9 200 personnes sont mortes.
Le commissaire a salué le fait que le Luxembourg était le premier Etat membre à avoir proposé deux avions pour mener d'éventuelles opérations d'évacuation du personnel médical international, en faisant adapter des avions de Luxembourg Air Rescue.
Charles Goerens a pour sa part souligné qu’il s’agit d’une "crise systémique" en raison des "défaillances" dans les trois pays qui ne "sont pas à même de vivre décemment" en raison de l’épidémie et du déclin économique qu’elle a entraîné. Il a précisé que 80 % de la population y vivent dans une extrême pauvreté, que les enfants quittent l’école entre 9 et 10 ans et que l’espérance de vie est en dessous de 60 ans, ce qui expliquerait pourquoi ces trois pays font partie des pays les plus pauvres du monde.
Il a appelé à la création d’un plan directeur ("Master plan") pour le long terme visant la reconstruction de ces pays après les actions humanitaires à court terme. Il a également appelé à attribuer 20 % du total de l’aide au développement aux secteurs sociaux, notamment l’éducation et la santé, une "demande de longue date" du Parlement européen, selon lui.
Le commissaire a souligné l’importance de la coopération régionale, notamment entre les trois pays concernés, pour faire face, entre autres, au fait que le virus "ne respecte pas les frontières". Il a insisté sur le fait que le dépistage à l’entrée des pays ainsi que les contrôles des entrées et des sorties n’étaient pas très efficaces, notamment entre le Sierra Leone et la Guinée. "Le problème de ces trois pays est qu’il n’y a pas de gouvernance et qu’il est très difficile de construire de systèmes de santé" sans avoir des infrastructures de base, a dit Christos Stylianides.
Le fait que les présidents de Libéria, Guinée et Sierra Leone étaient présents à la conférence internationale organisée par la Commission européenne le 3 mars 2015 à Bruxelles pour discuter de tous ces problèmes est pour lui un "succès politique important". La conférence visait à faire le point sur les mesures d'urgence et à élaborer une stratégie à long terme et à soutenir le redressement des pays touchés, notamment le développement de leurs systèmes de santé, indique un communiqué de la Commission du 3 mars 2015. "Je suis persuadée que nous pouvons seulement combattre Ebola avec une coopération régionale accrue", avait alors déclaré Christos Stylianides.
Les dirigeants ont en effet réaffirmé dans une déclaration commune leur "engagement dans la coopération transfrontalière au vu de son importance cruciale pour que la lutte contre Ebola soit un succès". Le document salue le fait que 5,1 milliards de dollars de promesses de dons ont été faites, dont 2,4 milliards ont été déboursées, mais souligne "l'importance de débourser le reste des fonds de manière rapide" pour couvrir un "déficit immédiat" de financement de 400 millions de dollars nécessaires pour les actions des Nations unies.
Avec 1,2 milliards d’euros, l’UE est le donateur le plus important, les moyens provenant de la Commission et des Etats membres. La Commission européenne a débloqué entre autres plus de 414 millions d’euros pour lutter contre la maladie au moyen de mesures d'urgence et d'un soutien à plus long terme, dont 210 millions d'euros à l'aide au développement et au redressement rapide ainsi que 114 millions au titre de la recherche de traitements, de vaccins et de tests de diagnostic, indique un communiqué du 2 mars 2015.
Pour rappel, les dirigeants des trois pays avaient demandé à la communauté internationale de lancer un "plan Marshall" en raison de l’impact du virus sur l’économie qui leur coûtera en 2015 près de 12 % de leur PIB combiné, selon la Banque mondiale. "Nous avons besoin d'une annulation de la dette et d'un plan Marshall car c'est comme si nous sortions d'une guerre", avait insisté le président guinéen Alpha Condé, en appelant les pays donateurs" à ne pas en rester aux annonces mais à débourser les aides promises".
Après l’intervention du commissaire, des ONG luxembourgeoises ont eu l’occasion de poser leurs questions. Le représentant de Médecins sans Frontières (MSF) a dénoncé l’échec de la réponse internationale à l’épidémie, ajoutant que près de 400 agents de la santé sont morts du virus.
Philippe Maughan, chef d’unité pour le secteur Afrique australe et l’Océan indien à l’Office humanitaire de la Commission (ECHO) lui a répondu que la communauté internationale a "réalisé finalement qu’elle n’était pas préparée" et que des pays comme la France, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis ont été entraînés par MSF.
Charles Goerens qui avait à maintes reprises dénoncé l’absence d’une stratégie bien coordonnée dans la lutte contre Ebola, a pour sa part insisté sur le fait que la "gouvernance mondiale est loin d’être parfaite", en rappelant que l’OMS a "mis cinq mois pour se rendre compte de l’étendue de cette crise". Il a également déploré le fait que la réponse est seulement intervenue, selon lui, en septembre. "Les efforts portent enfin leurs fruits, mais si on avait commencé à réagir plus tôt, on ne se retrouverait pas dans cette situation pénible où il faut faire tant d’efforts pour éradiquer l’épidémie", a-t-il souligné.
Le commissaire a reconnu "de nombreuses faiblesses" dans la réponse de la communauté internationale, mais souligné que la Commission "en a tiré ses leçons" et a amélioré sa capacité de répondre de manière efficace en cas d’une nouvelle épidémie.