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Changement climatique - Entreprises et industrie - Environnement
Création d’une réserve de stabilité du marché au sein du système européen d’échange de quotas : un accord salué comme une étape vers une réforme plus large et attendue
06-05-2015


L’accord trouvé en trilogue le 5 mai 2015 sur la création d’une réserve de stabilité du marché dans le cadre du système européen des quotas d’émissions (SEQE ou EU ETS) n’a pas manqué de susciter des réactions de la part des différentes parties prenantes.carbone

Pour rappel, l’accord, qui doit être confirmé par le Coreper avant d’être soumis au vote de la commission de l’Environnement le 26 mai, puis du Parlement européen réuni en plénière en juillet prochain, prévoit la mise en place d’une réserve de stabilité du marché opérationnelle dès 2019. L’accord prévoit aussi que les quotas actuellement gelés soient placés dans la réserve, ainsi que les quotas non alloués. Les allocations de solidarité, qui représentent 10 % des quotas répartis entre Etats membres, seraient exemptées de réserve jusqu’en 2025, prévoit encore l’accord. Enfin, la Commission devra tenir compte de l’opportunité de créer un fonds d’innovation dans le cadre de la prochaine révision du SEQE.

Du côté des environnementalistes, la voix de l’eurodéputé Bas Eickhout (Verts/ALE) donne le ton. "Cet accord est une nouvelle petite étape en vue de corriger les dysfonctionnements du système d’échange de quotas", juge-t-il, voyant dans la future réserve de stabilité du marché "un sparadrap" sur l’excédent massif de quotas d’émissions qui ne règle en rien "les problèmes plus fondamentaux du système". "Maintenant que nous avons cette réserve, le débat doit porter sur une réforme permanente du SEQE, qui doit être une priorité", estime l’eurodéputé.

Bas Eickhout reconnaît toutefois que la date de mise en place de cette réserve, qui devrait être opérationnelle à partir de 2019, constitue "une réelle amélioration par rapport à la proposition initiale de la Commission. Mais, "si l’UE croit dans son SEQE et le considère comme son principal instrument de lutte contre le changement climatique, l’excédent de quotas doit être réglé de façon durable", ce qui implique de "retirer de façon permanente 2 milliards de quotas d’émissions" selon l’eurodéputé.

L’ONG Carbonwatch salue dans cet accord "une première étape" pour réformer le marché européen du carbone, mais appelle aussi à "une réforme du système qui règle de façon permanente la surabondance de permis de polluer". "Les décideurs politiques de l'UE volent au secours du SEQE pour l'empêcher de se noyer sous une vague gigantesque de quotas excédentaires", a commenté Femke de Jong en rappelant que cet accord permettra d’éviter que 2 milliards de surplus inondent le marché du carbone d’ici 2020. Si cela devrait aboutir à un "un signal de prix plus puissant pour faire payer les pollueurs et récompenser les investissements en Europe bénéfiques pour le climat", l’ONG souligne toutefois que "cela ne garantit pas que les objectifs climatiques futurs de l'UE seront atteints par de véritables réductions d'émission plutôt que par les quotas excédentaires". Carbon Market Watch appelle donc la Commission européenne à profiter de la révision du SEQE pour introduire un mécanisme de retrait automatique de tout quota qui ne serait pas utilisé à la fin de chaque période d'échange, ce qui devrait valoir pour les 750 millions de quotas non alloués qui seront placés dans la réserve de stabilité du marché en vertu de l’accord trouvé.

Les producteurs d’électricité européens, réunis sous la bannière d’Eurelectric, ont pour la part salué l’accord trouvé en trilogue. Hans ten Berge, secrétaire général d’Eurelectric, voit dans cet accord comme "un important premier pas en vue d’un retour de la confiance dans le marché du carbone", même s’il ne manque pas lui non plus de souligner qu’il est désormais "crucial de poursuivre sur cette lancée positive en vue de la réforme plus large du système dont nous avons besoin d’urgence". "Nous avons besoin d’un SEQE renforcé qui crée des conditions de concurrence équitables et évite que les gouvernements ne développent des mesures nationales conduisant à une hausse des prix de l’énergie et à une fragmentation accrue du marché intérieur de l’énergie", arguent les producteurs d’électricité qui attendent avec impatience les propositions de la Commission sur une réforme structurelle du système d’échange de quotas d’émissions dont l’enjeu est pour eux d’assurer un prix du carbone cohérent avec les décisions d’investissement des entreprises dans les technologies pauvres en carbone.

L'Association européenne de l'énergie éolienne (EWEA) a salué le contenu de l'accord tout en estimant que les États membres et le Parlement auraient pu être beaucoup plus ambitieux. "Une réforme de bien plus grande ampleur est nécessaire pour permettre au SEQE d’envoyer un signal valable aux investisseurs", a déclaré Ivan Pineda, directeur des Affaires publiques de l’association.

Les acteurs du marché du carbone, représentés par l’International Emissions Trading Association (IETA), ont salué l’accord, et notamment le fait que cette "réforme cruciale pour le SEQE sera introduite avant 2020 et que les quotas excédentaires seront placés dans la réserve plutôt que de retourner sur le marché en fin de période, ce qui aurait perturbé le marché", ainsi que l’a expliqué Sarah Deblock au nom de l’association. Le compromis trouvé en trilogue est donc vu comme "une étape de plus visant à restaurer la crédibilité du marché européen du carbone et à assurer qu’un système efficace et efficient reste au cœur de la réponse européenne au changement climatique".

L’inquiétude de la sidérurgie est nette

Du côté de la sidérurgie, l’accord a été reçu avec inquiétude. Eurofer met en avant le fait que la réserve sera mise en place plus tôt que ne le proposait initialement la Commission, et les représentants de l’industrie de l’acier s’inquiètent par conséquent de l’augmentation des prix du carbone qui devrait se faire sentir avant 2021. 

"Les sidérurgistes européens vont devoir faire face à une période encore plus difficile par rapport à leurs concurrents internationaux qui n’ont pas assumé de tels coûts liés aux émissions de CO2", explique Eurofer dans un communiqué. "Tout coût additionnel que nos concurrents n'auraient pas à supporter pourrait avoir des effets désastreux sur notre industrie, sur l'emploi et, à moyen et long terme, sur l'industrie de l'acier", y met en garde Axel Eggert, directeur général d'EUROFER, en rappelant que la sidérurgie européenne a déjà fortement souffert de la crise économique de 2008 et que les marges de profits sont extrêmement faibles dans l’UE.

Eurofer salue toutefois le fait que l’accord indique que la compétitivité de l’industrie européenne doit être protégée face au risque réel de fuites de carbone. Mais les sidérurgistes craignent que cela ne soit que "pure rhétorique" dans la mesure où l’accord va augmenter considérablement les prix du carbone et de l’électricité avant que les mesures visant à lutter contre les fuites de carbone n’entrent en vigueur en 2021. Eurofer lance donc un appel aux institutions européennes "à prendre leurs pleines responsabilités à l’égard de la compétitivité de l’industrie européenne en adoptant des mesures claires et à long terme pour lutter contre les fuites de carbone". Des mesures qui devraient être basées sur des études d’impact réalistes pour les secteurs industriels menacés, comme la sidérurgie, précise Eurofer.