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Justice, liberté, sécurité et immigration
Les eurodéputés de la commission LIBE du Parlement européen veulent élargir la portée de la proposition de directive de la Commission sur les droits à un procès équitable, pour y inclure le droit à "l'aide juridictionnelle ordinaire"
06-05-2015


Parlement européenLe 6 mai 2015, les députés de la commission des libertés civiles (LIBE) du Parlement européen ont adopté (51 voix pour, 3 voix contre et 1 abstention) leur position sur la proposition de directive européenne sur les droits à un procès équitable, dont ils souhaitent élargir la portée en y incluant le droit à "l'aide juridictionnelle ordinaire". Ces amendements prévoient que les personnes soupçonnées ou accusées d'un crime, ou qui font l'objet d'un mandat d'arrêt européen, mais ne peuvent se permettre de payer un avocat ou une procédure judiciaire, devraient avoir accès à un financement de leur État membre et à une assistance tant pour l'aide juridictionnelle "provisoire" que "ordinaire".

Cette proposition de directive, mise sur la table par Commission européenne en novembre 2013, et au sujet duquel le Conseil JAI a adopté une orientation générale le 13 mars 2015, fait partie d’un paquet de mesures pour renforcer davantage les droits procéduraux pour les citoyens dans les procédures pénales, conformément au programme de Stockholm. Il comprend aussi une proposition sur les garanties pour les enfants, votée en commission le 5 février, et une autre sur la présomption d'innocence, votée le 31 mars. Le précédent Parlement a adopté trois autres législations européennes visant à renforcer les droits procéduraux: une directive sur le droit à l'interprétation et à la traduction, une directive sur le droit à l'information et une directive sur le droit d'accès à un avocat.

 "Pour ceux qui n'ont pas les moyens financiers nécessaires, seule une aide juridictionnelle peut rendre efficace l'accès à l'assistance d'un avocat", a déclaré le rapporteur néerlandais Dennis de Jong (GUE/NGL).

Le vote de la commission donne au rapporteur un mandat pour entamer des négociations avec le Conseil de l’UE, en vue d'un accord sur la proposition de directive. "Le trilogue entre le Parlement, le Conseil et la Commission devrait bientôt débuter", indique le Parlement européen dans son communiqué.

Droit à "l'aide juridictionnelle ordinaire" pour les suspects ou accusés face à la justice pénale

Dans leur position, les députés souhaitent élargir la portée de la proposition de directive pour y inclure le droit à "l'aide juridictionnelle ordinaire" pour les suspects ou accusés face à la justice pénale. Ceci permettrait à ceux qui ne peuvent se payer un avocat d'avoir droit au "financement et à l'assistance" de l'État membre pour répondre à tout ou à une partie des frais de leur défense et de la procédure judiciaire.

L'aide juridictionnelle devrait être fournie "à tous les stades de la procédure pénale", estiment les députés. Ils énoncent également des dispositions strictes visant à préciser quand les infractions mineures seraient exclues du champ d'application de la directive.

La proposition de la Commission européenne ne garantirait le droit à l'aide juridictionnelle "provisoire" que pour les suspects ou accusés dans les procédures pénales qui sont "privés de liberté", à savoir à partir du moment où ils sont mis en garde à vue, et en tout cas avant l'interrogatoire, jusqu'à ce qu'une décision finale sur leur admissibilité à l'aide juridictionnelle ait été prise et entre en vigueur.

Selon les eurodéputés de la Commission LIBE, le projet de directive devrait également veiller à ce que l'aide juridictionnelle (à la fois provisoire et ordinaire) soit mise à disposition des personnes faisant l'objet de mandats d'arrêt européens.

Pour rappel, dans son orientation générale, le Conseil avait lui aussi modifié la proposition initiale de la Commission. Il avait précisé le champ d’application, indiquant que la directive ne s’appliquerait ni aux délits mineurs, ni aux situations liées à des restrictions temporaires de liberté de la personne où les droits de la défense ne doivent pas ou ne sont pas supposés être exercés. Il avait par ailleurs adopté une nouvelle disposition qui prévoit la possibilité d’accorder une aide juridictionnelle dans des délits moins graves lorsque cela est requis dans l’intérêt de la justice, ainsi que le prévoit la jurisprudence de la CEDH.

Evaluation des ressources et du bien-fondé

Les députés ont ajouté des dispositions pour assurer que la situation économique d'une personne soit évaluée correctement ("critères des ressources"), ainsi que les situations où l'aide juridique est nécessaire dans l'intérêt de la justice ("critères du bien-fondé"). Un examen du bien-fondé devrait évaluer, par exemple, la complexité de l'affaire ou la gravité de l'infraction.

Les pays de l'UE devraient rendre toutes les informations pertinentes sur l'aide juridictionnelle "facilement accessibles et compréhensibles" par exemple en expliquant comment et où postuler pour cette aide et en fournissant des "critères transparents sur l'admissibilité", afin de permettre aux suspects de prendre des décisions éclairées.

Qualité de l'aide juridictionnelle

Les députés ont également introduit des garanties de qualité de l'aide juridictionnelle. Celles-ci obligeraient les États membres à mettre en place ou à maintenir, par exemple, un système "d'accréditation" pour les avocats de l'aide juridictionnelle et une formation professionnelle continue pour assurer leur qualité et leur indépendance. Les personnes suspectes ou accusées devraient "avoir le droit de voir remplacé au moins une fois l'avocat de l'aide juridique qui leur est assigné", estiment les députés.

Recouvrement des coûts

Pour rassurer ceux qui pourraient être effrayés par la perspective d'avoir à rembourser plus tard les coûts de l'aide juridictionnelle provisoire, les députés ont inséré une condition supplémentaire : ces coûts peuvent, "à titre exceptionnel", être remboursés s'il s'avère ultérieurement que les suspects ne répondent pas aux critères d'admissibilité à l'aide juridictionnelle ordinaire en vertu du droit national et ont "intentionnellement fourni aux autorités compétentes de fausses informations sur leur situation financière personnelle".

A noter que le Royaume-Uni et l'Irlande ont décidé de ne pas adhérer à la proposition de directive, tandis que le Danemark dispose d'une dérogation (opt out) par défaut pour la législation judiciaire et des affaires intérieures.