Dans un communiqué de presse diffuse le 8 février 2016, la Médiatrice européenne, Emily O'Reilly, "déplore vivement que la Commission européenne ait choisi de ne pas rendre ses relations avec l'industrie du tabac plus transparente, conformément aux lignes directrices de l'ONU".
Pour rappel, suite à une plainte introduite par une ONG qui prétendait que la Commission ne respectait pas ses obligations conformément à la Convention de l'OMS pour la lutte antitabac, la Médiatrice a publié en octobre 2015 une recommandation dans laquelle elle demandait à la Commission de publier proactivement en ligne toutes les réunions avec les lobbyistes du tabac, ou leurs représentants juridiques, ainsi que les procès-verbaux de ces réunions.
La Médiatrice estimait que l'approche de la Commission d'informer de la tenue de réunions avec les lobbyistes du tabac était, à l'exception de la DG Santé, insuffisante, peu fiable et peu satisfaisante. La Médiatrice a également été frappée de constater que certaines réunions avec les avocats représentant l'industrie du tabac ne sont pas considérées comme des réunions à des fins de lobbying.
Selon la Médiatrice, les Parties à la Convention – dont l'UE – sont tenues de prendre des mesures actives pour limiter les réunions avec l'industrie du tabac et à assurer la transparence lors de la tenue de ces réunions. La Médiatrice a également estimé qu'étant donné que toutes les directions sont impliquées dans des domaines législatifs et politiques relatifs à la lutte antitabac, elles devraient toutes mettre en œuvre les mêmes mesures de transparence que la DG Santé.
La Médiatrice a finalement demandé à toutes les autres institutions et agences de l'UE impliquées dans l'élaboration des politiques, de mettre en œuvre les règles de la CCLAT de l'ONU pour leurs fonctionnaires.
Dans son opinion transmise le 29 janvier 2016 en réponse à la recommandation de la Médiatrice, la Commission persiste à dire qu'elle respecte ses obligations en vertu de la Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la Santé pour la lutte antitabac (CCLAT).
Toutefois, les directives de l'OMS stipulent clairement que "toutes les branches du gouvernement" entrent dans le cadre de la CCLAT, insiste les services de la Médiatrice européenne.
Si elle salue "le travail important que la Commission Juncker a réalisé afin d'améliorer la transparence du lobbying et ses intentions à apporter d'autres améliorations", la Médiatrice européenne voit cependant dans cette réponse "une occasion manquée par la Commission Juncker de faire preuve de leadership mondial dans le domaine essentiel du lobbying du tabac".
"La Commission Prodi a joué un rôle de premier plan dans le développement de cette importante Convention des Nations Unies", rappelle-t-elle avant de souligner qu’il n'est "pas suffisant d'adopter une vision restrictive de ce qui est attendu de la CCLAT de l'ONU, ni de justifier le manque de proactivité sous le prétexte qu'elle satisfait aux exigences légales minimales requises". "La santé publique exige les plus hauts standards", affirme la Médiatrice.
"Le maintien du statu quo signifie effectivement que les futures réunions de fonctionnaires de la Commission avec les lobbyistes du tabac peuvent susciter de la méfiance. Il semble que la sophistication des actions de lobbying mondiales des géants du tabac continue à être sous-estimée", estime Emily O'Reilly.
Lorsque la Médiatrice aura reçu les commentaires du plaignant, elle rédigera son analyse finale de cette affaire.
La Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la Santé pour la lutte antitabac (CCLAT) est entrée vigueur en 2005.
Les PRINCIPES DIRECTEURS de la CCLAT – Article 5.3
Principe 1: Il y a un conflit fondamental et inconciliable entre les intérêts de l’industrie du tabac et ceux de la santé publique.
13. L’industrie du tabac assure la production et la promotion d’un produit dont il est avéré scientifiquement qu’il crée une dépendance, qu’il provoque maladies et décès et qu’il est à l’origine de divers maux sociaux, notamment la paupérisation. Donc, les Parties devraient protéger le processus de conception et de mise en oeuvre des politiques de santé publique en matière de lutte antitabac de l’industrie du tabac dans toute la mesure possible.
Principe 2: Face à l’industrie du tabac ou à ceux qui s’attachent à promouvoir ses intérêts, les Parties devraient être responsables de leurs actes et agir dans la transparence.
14. Les Parties devraient veiller à rendre des comptes en cas d’interaction avec l’industrie du tabac sur les questions liées à la lutte antitabac ou à la santé publique et garantir la transparence de ces interactions.
Principe 3: Parties should require the tobacco industry and those working to further its interests to operate and act in a manner that is accountable and transparent. Les Parties devraient exiger de l’industrie du tabac et de ceux qui s’attachent à promouvoir ses intérêts qu’ils travaillent et agissent de manière responsable et transparente.
15. L’industrie du tabac devrait être tenue de fournir aux Parties les informations nécessaires à la mise en oeuvre effective des présentes directives.
Principe 4: Parce que ses produits sont mortels, l’industrie du tabac ne devrait pas recevoir d’incitations pour mettre en place ou poursuivre ses activités.
16. Tout traitement préférentiel de l’industrie du tabac serait en contradiction avec l’action de lutte antitabac.