Le Paquet sur le commerce électronique veut agir à trois niveaux, explique le communiqué de presse de la Commission. Il doit permettre de mener la lutte contre le blocage géographique, de rendre la livraison transfrontière de colis plus abordable et plus efficace et, enfin, de favoriser la confiance des clients grâce à une meilleure protection et une meilleure application des droits des consommateurs.
Ce paquet complète deux propositions législatives, l'une concernant l'offre de contenus numériques et les ventes en ligne et toute autre vente à distance de biens que la Commission a présentée en décembre 2015, l'autre, consistant en une simplification de la TVA, que la Commission doit présenter à l'automne 2016.
Cette proposition de règlement "vise le juste équilibre entre l'intérêt des consommateurs pour la possibilité d'acheter en ligne sans frontières et une sécurité juridique suffisante pour les entreprises", selon les termes du commissaire européen pour l'économie et la société numériques, Günther H. Oettinger. La Commission propose une législation visant à garantir que les consommateurs qui cherchent à acheter des biens ou des services dans un autre pays de l'UE, que ce soit en ligne ou en personne, ne fassent pas l'objet d'une discrimination en termes d'accès aux prix, de ventes ou de conditions de paiement, sauf si elle est objectivement justifiée par des motifs tels que la TVA ou certaines dispositions légales d'intérêt public.
Le principe de non-discrimination est déjà établi par la directive sur les services et la Commission l'a appliqué dans des secteurs de services tels que les sociétés de location de voitures ou les parcs d'attraction, mais les entreprises et les consommateurs bénéficieront de davantage de sécurité juridique sur les pratiques qui sont autorisées et celles qui ne le sont pas. "Le règlement garantira la sécurité et l'applicabilité juridiques pour les produits et les services en ligne ou hors ligne", dit la Commission. Toutefois, pour éviter une charge disproportionnée pour les entreprises, le règlement n'impose pas l'obligation de livrer dans toute l'Union européenne et exempte de certaines dispositions les petites entreprises qui se trouvent sous un seuil national de TVA donné.
Pour l'heure, les tarifs pratiqués par les opérateurs postaux pour distribuer un petit colis dans un autre État membre sont souvent jusqu'à cinq fois plus élevés que les tarifs nationaux, sans qu'il y ait une corrélation claire avec les coûts réels. Le règlement proposé par la Commission pour rendre la livraison transfrontière de colis plus abordable et plus efficace permettra d'améliorer la transparence des prix et la surveillance réglementaire des services de livraison transfrontière de colis afin que les consommateurs et les détaillants puissent bénéficier de livraisons abordables et de possibilités de retour pratiques, même à destination et en provenance de régions périphériques.
Le règlement donnera aux régulateurs nationaux des services postaux les données dont ils ont besoin pour surveiller les marchés transfrontières et vérifier le caractère abordable des prix et leur orientation vers les coûts. Il encouragera également la concurrence en exigeant un accès transparent et non discriminatoire des tiers aux services et à l'infrastructure de livraison transfrontière de colis. La Commission publiera des listes de tarifs publiques des prestataires du service universel pour accroître la concurrence entre homologues et la transparence des tarifs.
La Commission signale qu'elle ne propose pas de plafonnement des prix de livraison, car la réglementation des prix n'est "qu'un dernier recours, lorsque la concurrence ne donne pas de résultats satisfaisants". Elle envisage de faire le point sur les progrès accomplis en 2019 et déterminera alors si des mesures supplémentaires sont nécessaires.
La proposition de révision du règlement relatif à la coopération en matière de protection des consommateurs doit "donner aux autorités chargées de la protection des consommateurs les moyens de mieux faire respecter les droits des consommateurs en ligne et de lutter contre les pratiques frauduleuses", comme l'a expliqué Vĕra Jourová, commissaire pour la justice, les consommateurs et l'égalité des genres.
Ces autorités nationales pourraient vérifier si des sites internet pratiquent le blocage géographique des consommateurs ou offrent des conditions d'après-vente qui ne respectent pas les règles de l'UE (par exemple, les droits de rétractation). Le cas échéant, elles pourraient ordonner le retrait immédiat de sites internet hébergeant des escroqueries. Elles seraient aussi en mesure de demander des informations aux bureaux d'enregistrement de domaines et aux banques afin de déterminer l'identité du professionnel responsable.
En cas de violations des droits des consommateurs dans toute l'UE, la Commission serait en mesure de coordonner des actions communes avec les autorités répressives nationales pour mettre un terme à ces pratiques. Elle assurerait une protection des consommateurs plus rapide, tout en économisant du temps et des ressources pour les États membres et les entreprises.
La Commission a également publié des orientations actualisées pour clarifier l'application de la directive sur les pratiques commerciales déloyales pour répondre notamment aux défis posés par le monde numérique. Une plateforme en ligne qui peut être considérée comme un "professionnel" et pratique la promotion ou la vente de biens, de services ou de contenus numériques aux consommateurs doit s'assurer que ses propres pratiques commerciales respectent pleinement le droit européen de la consommation, cite en exemple la Commission.
Les plateformes doivent indiquer clairement que les règles sur les pratiques commerciales déloyales ne s'appliquent pas aux personnes privées qui vendent des biens. Les moteurs de recherche devraient être tenus d'établir une distinction claire entre les placements payés et les résultats naturels de la recherche. Les orientations révisées comprennent également deux séries de principes d'autorégulation adoptées par les parties intéressées: l'une soutiendra l'élaboration d'outils de comparaison afin de mieux se conformer à la directive et l'autre contribuera à la mise en œuvre des règles relatives aux pratiques commerciales déloyales en matière d'allégations environnementales trompeuses et infondées.
Parallèlement à l'adoption du paquet sur le commerce électronique, la Commission a présenté la réglementation actualisée de l'UE sur l'audiovisuel et son approche des plates-formes en ligne. Il s'agit de prendre en compte la tendance nouvelle de spectateurs à regarder des contenus vidéo, de plus en plus, en passant par des services de vidéo à la demande et des plateformes de partage de vidéos, ainsi que l'explique un communiqué de presse à ce sujet.
Par sa proposition de révision de la directive des Services de médias audiovisuels (SMA), la Commission entend parvenir à un meilleur équilibre des règles qui s'appliquent aujourd'hui aux organismes traditionnels de radiodiffusion télévisuelle, aux fournisseurs de vidéos à la demande et aux plateformes de partage de vidéos, notamment lorsqu'il s'agit de protéger les enfants.
Les plateformes qui organisent une grande quantité de vidéos et leur associent des mots-clés devraient protéger les mineurs des contenus préjudiciables et protéger tous les citoyens de l'incitation à la haine. Parmi les mesures détaillées figurent des systèmes de contrôle parental ou des outils qui permettent aux utilisateurs d'indiquer et de signaler les contenus préjudiciables ou qui concernent la vérification de l'âge. Prévoit l'élaboration avec les parties prenantes d' un code déontologique pour l'industrie. Les autorités nationales de régulation de l'audiovisuel auraient compétence pour faire respecter les règles.
La directive garantirait désormais la véritable indépendance des instances de régulation vis-à-vis des gouvernements et de l'industrie. Le Groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (ERGA) évaluerait les codes déontologiques en matière de corégulation et conseillera la Commission européenne.
La Commission souhaite que les organismes de radiodiffusion télévisuelle continuent à consacrer au moins la moitié du temps de visionnage à des œuvres européennes et obligerait les fournisseurs de services à la demande à garantir une part d'au moins 20 % de contenus européens dans leurs catalogues. La proposition précise également que les États membres pourraient demander aux services à la demande disponibles sur leur territoire de contribuer financièrement à la production d'œuvres européennes.
Comme les téléspectateurs peuvent se tourner vers des offres en ligne sans publicité qui n'existaient pas il y a dix ans, la directive révisée offrirait aux organismes de radiodiffusion une souplesse accrue quant à l'heure de diffusion des publicités - la limite générale de 20 % du temps d'antenne est maintenue entre 7h et 23h mais, au lieu des 12 minutes par heure actuellement prévues, lesdits organismes pourront choisir plus librement les moments de diffusion des publicités tout au long de la journée.
Cette proposition tient compte de la nouvelle approche ciblée de la Commission vis-à-vis des plateformes en ligne - à l'instar des places de marché en ligne, des moteurs de recherche, des systèmes de paiement, des médias sociaux et des sites de partage de vidéos et de contenus. Une approche unique ne permettant pas aux consommateurs de profiter des possibilités offertes ni à la réglementation de relever les différents défis posés par la très grande diversité des plateformes en ligne, la Commission examinera chacun des secteurs dans lesquels elle peut agir, de la réglementation en matière de télécommunications à celle sur les droits d'auteur, afin de répondre à des problèmes spécifiques de façon viable pour l'ensemble des acteurs du marché.
Cette approche ciblée, fondée sur des principes, doit résoudre les problèmes signalés dans les réponses à la consultation publique de la Commission au cours de l'année qu'elle a consacrée à l'évaluation des plateformes. Parmi les actions prioritaires, la Commission envisage l'édiction de règles analogues pour les services numériques comparables. La Commission appliquera ces principes aux réexamens en cours de la réglementation des télécommunications de l'UE et de la directive relative à la vie privée et aux communications électroniques.
La Commission retient par ailleurs le principe de l'obligation pour les plateformes en ligne d'avoir une attitude responsable. La Commission cite en exemple sa réflexion menée avec les grandes plateformes en ligne sur un code de conduite pour combattre les discours haineux en ligne; elle présentera les fruits de cette réflexion dans les prochaines semaines.
Pour renforcer la confiance, la Commission dit qu'elle encouragera l'industrie à intensifier les efforts volontaires pour s'attaquer à des pratiques telles que les évaluations en ligne fausses ou trompeuses. L'initiative "libre circulation des données", prévue pour la fin de l'année 2016, permettra de faciliter le transfert et la portabilité des données entre différentes plateformes en ligne et services d'informatique en nuage.
Dans un communiqué de presse, l'eurodéputée luxembourgeoise PPE, ancienne commissaire européenne en charge de la société numérique et ancienne vice-présidente de la Commission européenne, Viviane Reding, s'est réjouie des propositions de la Commission. Elle a notamment mis en avant l'importance de la lutte contre le blocage géographique pour le Luxembourg qui est "le laboratoire de l'Europe en matière de commerce en ligne transfrontalier", puisqu'il abrite la plus grande proportion de citoyens qui achètent des biens sur des sites de commerce en ligne étrangers (68 %), et d'entreprises qui vendent leurs produits en ligne vers d'autres pays (40 %). "Bien que la proposition relative aux coûts de livraisons devra elle aussi être renforcée, c'est une nouvelle avancée majeure visant à renforcer les droits des consommateurs", ajoute-t-elle.
Concernant la révision de la directive Services de médias audiovisuels (SMA), Viviane Reding évoque "une excellente nouvelle". C'est, selon elle, une étape essentielle pour la création d'un marché unique numérique et pour l'émergence ainsi que le développement d'acteurs européens. "Tous les opérateurs, qu'ils soient traditionnels ou nouveaux, doivent être mis sur un pied d'égalité: oui à l'égalité de traitement, non à la concurrence déloyale", dit Viviane Reding. Tous ceux qui opèrent sur le territoire européen, y compris les plateformes en ligne, doivent respecter les règles du jeu européennes, notamment celles relatives aux discours de haine et à la protection des mineurs", pense l'eurodéputée.
Viviane Reding défend également l'importance pour l'Europe de rester fidèle à ses valeurs fondamentales et de préserver la diversité culturelle inscrite à l'article 22 de la Charte européenne des Droits Fondamentaux. Elle acclame en conséquence l'obligation faite à ceux qui bénéficient de la diversité de l'offre de nos industries créatives, de contribuer à leur promotion et à leur financement. "Je n'aime pas les quotas, mais j'aime ce qu'ils font et ils ont déjà fait leur preuve", lance-t-elle.
Dita Charanzová coordinatrice du groupe ADLE au sein de la commission du marché intérieur du Parlement européen avait déclaré la veille que de ces propositions " montrent que la Commission veut vraiment que l'Europe soit un acteur de premier plan dans la révolution numérique". Par contre, l'ADLE est plus sceptique pour ce qui est de la communication sur les plates-formes. "La définition des plates-formes est tellement vaste que quasi tout l'Internet peut y être inclus", constate l'eurodéputée qui met en garde contre toute "surréglementation".
Le groupe S&D s'est montré satisfait. “Nous commençons enfin à faire de reels progress sur la voie d'un union numérique complete. Notre priorité est que cette Union soit basée sur la loyauté et l'inclusion", a déclaré le vice-président du groupe et porte-parole pour le marché numérique, Josef Weidenholzer. Il suggère à la Commission de lancer une stratégie claire et ambitieuse sur les compétences numériques "aussi vite que possible". "C'est necessaire pour assurer qu'aun Européen n'est laissé de côté et que tous puissent tirer avantage de marché numérique européen en développement."
Du côté des ONG, le Bureau européen des consommateurs (BEUC), par la voix de sa directrice Monique Goyens, a salué comme une "bonne nouvelle" la lutte contre le blocage géographique lancée par la Commission. "Le marché unique a grandement profité aux entreprises dans l'UE. Les consommateurs par contre continuent à faire face à des obstacles quand ils essaient tirer avantage de meilleures offres de commerçants d'autres pays. Ce n'est pas normal et il est juste que cela soit corrigé", a-t-elle déclaré.
Quant au renforcement de la coopération entre autorités de protections de consommateurs et l'introduction de nouvelles règles pour la livraison de colis, le BEUC se satisfait également des initiatives de la Commission et propose que les organisations de défense des consommateurs deviennent des partenaires pour lutter contre les abus.