Outre le sujet sensible des migrations qui les a largement occupés au premier jour de leur réunion, les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres de l'Union européenne (UE) réunis en Conseil européen à Bruxelles les 25 et 26 juin 2015, se sont penchés sur la stratégie de sécurité de l’UE notamment dans le contexte de la lutte contre le terrorisme. Les dirigeants ont également abordé des questions économiques, à l’aune entre autres du rapport des cinq présidents sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, et ils ont apporté leur appui à la stratégie du marché unique numérique.
Avec la participation du Secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, qui leur a exposé "les nouvelles menaces qui planent sur l'Europe en ces temps de guerre hybride, de terrorisme mondial et de cyberattaques", comme l’a indiqué le président du Conseil européen, Donald Tusk, à l’issue de la rencontre, le Conseil européen a abordé les défis en matière de sécurité auxquels l'UE est confrontée et débattu d'une révision de la stratégie européenne de sécurité. Dans ses conclusions, le Conseil européen reconnaît notamment que "l'environnement de sécurité européen s'est profondément modifié" et qu’il convient par conséquent "d'agir dans trois domaines qui sont étroitement liés".
Le Conseil européen indique en premier lieu qu’il "sera donné suite aux travaux sur la stratégie de sécurité intérieure renouvelée pour l’UE" dans le prolongement du "Programme européen en matière de sécurité" de la Commission, présenté en avril 2015 en vue de réviser cette stratégie, et des conclusions du Conseil JAI du 16 juin 2015. Les conclusions soulignent encore à cet égard que "la pleine mise en œuvre des orientations relatives à la lutte contre le terrorisme définies d'un commun accord lors de la réunion de février 2015 reste une priorité".
Par ailleurs, la Haute Représentante de l’UE pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini, est appelée à poursuivre le processus de réflexion stratégique en vue d'élaborer, en étroite coopération avec les États membres, une stratégie globale de l'UE concernant les questions de politique étrangère et de sécurité. Celle-ci sera soumise au Conseil européen d'ici juin 2016.
Enfin, il s’agit pour le Conseil européen, conformément notamment à ses conclusions de décembre 2013, que les travaux se poursuivent en vue de conférer à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) "davantage d'efficacité et de visibilité et de faire en sorte qu'elle soit plus axée sur l'obtention de résultats, de continuer à développer les capacités tant civiles que militaires et de renforcer l'industrie européenne de la défense, y compris les PME", disent les conclusions.
Dans ce contexte, le Conseil européen juge nécessaire que : "les États membres consacrent à la défense un niveau de dépenses suffisant et utilisent au mieux les ressources"; que "le budget de l'UE garantisse un financement approprié de l'action préparatoire concernant la recherche liée à la PSDC, ouvrant la voie à un éventuel futur programme de recherche et technologie en matière de défense"; que "la coopération européenne en matière de défense soit davantage renforcée et systématisée afin de mettre en place les capacités essentielles, notamment en recourant aux fonds de l'UE; que "les instruments de l'UE soient mobilisés afin de faciliter la lutte contre les menaces hybrides" ; que "les partenariats, en l'occurrence avec les Nations unies, l'OTAN, l'OSCE et l'Union africaine, soient intensifiés"; et que "les partenaires aient les moyens et les possibilités de prévenir et gérer des crises, y compris par des projets concrets de renforcement des capacités ayant une portée géographique souple", précisent les conclusions.
"Les Européens doivent investir dans leur défense pour faire face à un environnement de sécurité qui s'est profondément modifié", a encore indiqué Donald Tusk lors de la conférence de presse à l’issue de la réunion. "Nous avons décidé que les fonds de l'UE devaient être mobilisés pour contribuer à renforcer l'industrie européenne de la défense, y compris en matière de recherche et technologie", a-t-il dit
De son côté, le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, a confirmé en conférence de presse que le Conseil européen avait souligné le besoin de davantage de travail commun, les attentats en France et en Tunisie s’étant produits le même jour montrant l’importance du sujet, et en particulier que "la coordination dans ce domaine est nécessaire et que des moyens doivent également être mis à disposition".
"J’ai insisté sur le fait que la coopération est aussi un point important pour la sécurité", a-t-il poursuivi, soulignant que la politique de coopération et de développement, "celle qui aide les pays à construire un avenir pour les générations futures", faisait "partie intégrante d’une politique de sécurité" car "elle permet aux jeunes de ces pays d’avoir une perspective d’avenir".
Pour ce qui est des questions économiques, les chefs d’Etat et de gouvernement ont notamment apporté leur soutien à la stratégie du marché unique numérique telle que proposée par la Commission européenne le 6 mai 2015.
"L'économie numérique est le moteur actuel de la croissance et de la création d'emplois. Et pourtant, l'Union européenne, qui est la première économie au monde, n'a pas de marché unique des services numériques", a indiqué le président du Conseil européen, Donald Tusk, en conférence de presse. "Les dirigeants ont discuté aujourd'hui du programme de travail de la Commission et ont été unanimes pour dire qu'il faut s'atteler à mettre en place un véritable marché unique numérique en Europe", a-t-il ajouté, notant encore qu’il "faudra mettre les bouchées doubles" dans cet objectif.
Les conclusions du Conseil européen précisent à cet égard qu’afin "de tirer pleinement parti" de la révolution technologique en cours, il faut "s’attaquer au problème de la fragmentation du marché, veiller à disposer d'une réglementation pérenne, mettre en place les infrastructures de soutien, faciliter le passage des entreprises au numérique, créer des conditions propices à la croissance dans tous les secteurs et protéger nos citoyens". Pour le Conseil européen, "le marché unique numérique devrait être utilisé comme vecteur de croissance inclusive dans toutes les régions de l'UE", lit-on par ailleurs.
Le Conseil européen appelle dans ce contexte à une adoption rapide, d'une part, de la législation "télécoms", "y compris les dispositions sur l'itinérance", alors que les discussions en trilogue n'ont pas encore abouti sur cette question du "roaming", ainsi que sur la directive relative à la protection des données personnelles, à propos de laquelle les négociations en trilogues ont débuté le 24 juin et qui doit être adoptée d'ici la fin de l'année 2015.
Le Conseil européen souligne également qu’il "faut prendre des mesures" concernant les éléments fondamentaux de la communication de la Commission sur le marché numérique. Il s’agit notamment de "lever les derniers obstacles à la libre circulation des biens et services vendus en ligne et s'attaquer aux discriminations injustifiées fondées sur la localisation géographique", dit le Conseil européen.
Les chefs d’Etat et de gouvernement appellent par ailleurs à "garantir la portabilité du contenu en ligne protégé par le droit d'auteur et faciliter son accessibilité transfrontière", cela "tout en assurant un niveau élevé de protection des droits de propriété intellectuelle et en tenant compte de la diversité culturelle, et aider les industries créatives à prospérer dans un contexte numérique".
Le Conseil européen indique également qu’il s’agit de "veiller à disposer d'instruments d'investissement efficaces et créer un climat plus favorable à l'innovation, en visant en particulier les PME et les jeunes entreprises", ainsi que de "définir et concrétiser rapidement les grandes priorités en matière de normalisation des technologies de l'information et de la communication". En outre, il faut selon le Conseil européen assurer la libre circulation des données, évaluer le rôle des plateformes et des intermédiaires en ligne, renforcer les compétences numériques; et enfin encourager l'administration en ligne, peut-on lire dans les conclusions du Conseil européen.
Toujours pour ce qui est des questions économiques, les chefs d’Etat et de gouvernement ont également clos le Semestre européen 2015 "en approuvant de manière générale" les recommandations par pays et "en appelant à leur application". Ils se sont également félicités de l'accord en trilogue intervenu sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) et ont "demandé que celui-ci soit mis en œuvre rapidement". Enfin, les dirigeants européens ont "pris note" du rapport dit des cinq présidents sur l’achèvement de l'Union économique et monétaire (UEM) et ils ont "invité le Conseil à l'examiner rapidement", lit-on dans les conclusions.
La réunion du Conseil européen aura aussi été l’occasion, pour le Premier ministre britannique, David Cameron, de lancer officiellement le processus de négociation de la relation entre son pays et ses partenaires européens, dans la perspective du référendum sur l'appartenance de son pays à l'UE dont il a annoncé l’organisation d'ici à 2017.
Comme le précisent des conclusions très courtes du Conseil européen à ce sujet, "le Premier ministre du Royaume-Uni a exposé ses projets concernant un référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'UE. Le Conseil européen est convenu de réexaminer la question en décembre", y lit-on.
La veille, à l’issue de la première journée du Conseil européen, son président, Donald Tusk, avait confirmé que "les pourparlers de renégociation peuvent désormais commencer", notant qu’il s’agissait là "de la première étape d'un long processus qui se terminera aussi devant le Conseil européen". Mais d’avertir : "une chose doit être claire dès maintenant: les valeurs fondamentales de l'Union européenne ne sont pas à vendre et ne sont donc pas négociables. Nous devrions tenir compte des préoccupations du Royaume-Uni, mais seulement si nous pouvons le faire de manière sûre pour l'ensemble de l'Europe".
En conférence de presse à l’issue du Conseil européen, David Cameron s’est pour sa part dit "ravi que le processus de réforme et de renégociation, et le référendum que nous allons tenir, est maintenant bien lancé. Les gens me disent toujours que cette chose est impossible, que nous n'allons jamais le faire. Une fois encore, nous prouvons que nous allons le faire", a-t-il ajouté.
Interrogé par la presse sur la question des négociations avec le Royaume-Uni, le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, a rappelé que les ce sont les "institutions de concert" qui discuteront avec le Premier ministre britannique et il a dit souhaiter, alors que le Luxembourg prendra la Présidence du Conseil de l’UE le 1er juillet, "avoir un échange avec David Cameron" en vue de faire le point sur le sujet. Xavier Bettel a néanmoins confirmé que la discussion au sein du Conseil européen n’avait "pas abordé dans le détail" les propositions du Premier ministre britannique car "cela n’aurait pas été le bon endroit pour le faire", précisant que David Cameron n’était pas venu "avec un catalogue" de ses désidératas.
"Le but est désormais de pouvoir en discuter dans un plus petit cercle et nous sommes prêts en tant que Présidence de prendre le rôle de celui qui bâtit des ponts", a encore dit Xavier Bettel.