Le glyphosate, herbicide très répandu mais tout aussi controversé, sera-t-il encore autorisé dans l’UE à l’expiration de sa licence actuelle, le 30 juin 2016 ? La question restait ouverte le 6 juin 2016 à l’issue d’une nouvelle réunion du comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et aliments pour animaux (comité 'PAFF' pour Plants, Animals, Food and Feed), qui réunit les experts des 28 Etats membres de l’UE et au sein duquel le Luxembourg est représenté par un fonctionnaire de l’ASTA.
Les experts des 26 Etats membres y ont été invités à se prononcer sur un renouvellement provisoire de l’autorisation du glyphosate, en attendant que "l’avis de l’ECHA dissipe les doutes subsistants". Une solution proposée par la Commission le 1er juin 2016 après le report du vote, faute de majorité qualifiée au sein du comité, sur deux propositions précédentes. La première fois, le 8 mars, il était question d'un renouvellement pour quinze ans de cette autorisation. La seconde fois, le 19 mai 2016, il était question d'une reconduction pour neuf ans.
A l’issue du vote, il est ressorti que vingt Etats membres ont voté en faveur de ce renouvellement provisoire. Mais ils ne réunissent pas un poids suffisant pour que la majorité qualifiée qui est requise soit atteinte. En effet, Malte a voté contre, tandis que l’Allemagne, dont le gouvernement est divisé sur la question, l’Autriche, la France, la Grèce, l’Italie, le Luxembourg et le Portugal se sont abstenus.
"C’est aux Etats membres de prendre leurs responsabilités", a réagi un porte-parole de la Commission à l’issue du vote, en soulignant que les Etats membres ne pourraient pas "se cacher derrière la Commission". Le collège des commissaires devait décider le lendemain de la procédure à suivre.
L’eurodéputé vert Claude Turmes a aussitôt réagi par voie de communiqué en indiquant que ce vote allait permettre de voir la question soumise à un comité d’appel. Si ce dernier ne parvient pas à trouver un accord encore une fois à la majorité qualifiée, il reviendrait à la Commission de prendre la décision d’autoriser ou non le glyphosate.
A cette perspective, Claude Turmes a lancé une nouvelle mise en garde à la Commission, l’invitant à cesser de défendre les intérêts de l’industrie agroalimentaire et à prendre enfin au sérieux les préoccupations légitimes des citoyens.
Le député écologiste Gérard Anzia a pour sa part dénoncé une fois de plus la procédure d’autorisation qu’il juge "non-transparente et confuse avec ses allers-retours incessants entre la Commission et les Etats membres".
Le ton oscille entre de la même manière entre satisfaction et mises en garde chez nombre d’ONG opposées au renouvellement de l’autorisation du glyphosate. Pour foodwatch, Générations Futures et la Ligue contre le cancer, le vote est un bon signe, mais "la Commission joue la montre en se réfugiant derrière un avis de l’ECHA", est-il indiqué dans un communiqué de presse commun. "Compte tenu des menaces pour la santé, il ne s’agit plus de tergiverser. Il faut protéger la santé des citoyens et appliquer strictement le principe de précaution inscrit dans nos textes européens et donc ne pas renouveler l’autorisation", exhortent les organisations, qui veulent la fin de ce "feuilleton infernal".
Sans surprise, du côté des organisations et coopératives agricoles de l'UE, la déception est assortie d’inquiétude. Le Copa-Cogeca, qui souhaite une prolongation du glyphosate pour 15 ans, appelle en effet par voie de communiqué les États membres à voter en faveur du renouvellement de l'autorisation, car "sans glyphosate, la compétitivité des agriculteurs serait menacée, de même que la production de denrées alimentaires, car il n'existe pas de solution de rechange", peut-on lire dans un communiqué. De même, le Glyphosate Task Force, consortium d’entreprises qui promeut le renouvellement de l’autorisation, trouve "très regrettable" que les États membres n’aient pas réussi à s’accorder sur la question. Le GTF critique vivement certains Etats membres qui ne basent plus leur position sur ce sujet devenu politiquement très sensible sur les preuves scientifiques.