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Migration et asile - Justice, liberté, sécurité et immigration
"La répartition des réfugiés doit se faire d'une façon solidaire", a déclaré Jean-Claude Juncker, ajoutant que "si certains pays ne peuvent pas le faire, il faudra qu'ils participent davantage que d'autres à la protection des frontières extérieures"
22-09-2016


Jean-Claude Juncker devant le Comité économique et social européen le 22 septembre 2016 © Union Européenne , 2016 / Source: EC - Service AudiovisuelInvité par le Comité économique et social européen (CESE) pour un débat consacré à son discours sur l’état de l’Union 2016, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, est revenu le 22 septembre 2016 sur "les problèmes énormes" auxquels fait face l’Union européenne, et notamment sur le "problème des réfugiés, qui à ses yeux est important puisqu'il explique en grande partie la polycrise dans laquelle l'Europe se trouve et très souvent se vautre".

Après avoir parlé d’emploi, du pacte de stabilité et de croissance, du plan Juncker ou encore du marché intérieur numérique, Jean-Claude Juncker a en effet tenu à souligner son souhait que "les propositions de la Commission en matière de migrations ne soient pas oubliées". "Croire que nous pouvons laisser aux seuls soins de l'Italie, de la Grèce, de Malte et d'autres le combat vertueux contre l'immigration illégale est un leurre", a-t-il affirmé, mettant ainsi d’emblée l’accent sur la lutte contre l’immigration illégale avant d’aborder la question de l’accueil de ces réfugiés qui nécessite "que nous assistions  - et de toute force – l'Italie et les autres, les pays dits ''frontline countries'', dans leurs efforts". "J'admire beaucoup l'Italie – et la Grèce – parce que l'Italie sauve des milliers de vies par jour", a déclaré le président de la Commission, conscient que l’on "laisse à l'Italie le soin de nourrir, d'héberger les réfugiés". 

Or, selon lui, "la répartition des réfugiés doit se faire d'une façon solidaire". "Il y a des pays qui le font, il y a des pays qui n'aiment pas le faire parce qu'ils disent ''voilà, nous sommes des pays catholiques, on n'a pas de place pour les musulmans''", a-t-il commenté en jugeant "inacceptable" ce raisonnement.

Il a poursuivi en disant qu’il "faudra que nous arrivions à accueillir sur nos territoires tous ceux qui fuient la guerre, la violence, la torture et le viol". "Mais si certains pays ne peuvent pas le faire, il faudra qu'ils participent davantage que d'autres à la protection des frontières extérieures", a-t-il ajouté, donnant l’impression de remettre en question le programme de relocalisation adopté en Conseil à la majorité qualifiée exactement un an auparavant et qui continue de faire l’objet de très fortes réticences de la part des pays du groupe de Višegrad, dont certains, la Hongrie et la Slovaquie, ont été jusqu’à saisir la CJUE. Or, la déclaration de Jean-Claude Juncker semble faire écho au concept de "solidarité flexible" que ces derniers ont défendu lors du sommet de Bratislava.

Au cours du débat qui a suivi l’intervention de Jean-Claude Juncker, le secrétaire général de la Confédération européenne des Syndicats (CES), Luca Visentini, s’est montré particulièrement virulent au sujet de la manière dont le drame des migrations est appréhendé, "sous l’angle seul de la sécurité". Il a réitéré le soutien des syndicats aux propositions de la Commission, mais il a aussi reproché à Jean-Claude Juncker d’avoir "renoncé sous la rude pression de certains Etats membres qui construisent des murs".

A l’issue du débat, Jean-Claude Juncker, qui s’était pourtant montré particulièrement inflexible sur la question du dumping social, en disant ne pas pouvoir comprendre les oppositions de principe de certains Etats membres sur la question du détachement des travailleurs, a plaidé pour que chacun dans l’UE fasse l’effort " de mieux connaître les autres, ce qui nous permettra de mieux nous comprendre". "Nous avons un réel problème en matière de réfugiés puisque les instruments de solidarité mis en place de fonctionnent pas encore dans leur véritable dimension", a-t-il constaté avant de souligner que de toutes parts, on ignore les efforts des uns et des autres, "par exemple en Hongrie et en Ukraine". "Il y a beaucoup de réfugiés qui viennent d’Ukraine alors qu’ils sont beaucoup moins nombreux en Europe occidentale", a relevé Jean-Claude Juncker avant de réitérer qu’il faut "inclure dans nos jugements la réalité que rencontrent les autres au quotidien". Ce qui l’a conduit alors à répéter que "ceux qui n’aiment pas prendre en charge sur leur territoire des réfugiés – et ils ont tort de ce faire - doivent se montrer autrement plus solidaires lorsqu’il s’agit d’organiser la protection des frontières extérieures de l’Union et donc les efforts doivent être partagés".

Si l’on observe les chiffres publiés par Eurostat le jour même de ce discours, on peut toutefois noter qu’au cours du 2e trimestre 2016, les demandeurs d’asile ukrainiens ont été nettement plus nombreux à introduire une demande en Italie, en Espagne ou encore en Allemagne, puisque chacun de ces pays a enregistré autour de 700 demandes en 3 mois. En tout, ce sont quelque 3000 Ukrainiens qui ont introduit une demande d’asile dans l’UE au cours de ces trois derniers mois, soit environ 10 % des 305 000 demandes enregistrées dans l’UE entre avril et juin 2016. La Pologne a enregistré pour sa part 160 demandes de la part de ressortissants ukrainiens en trois mois, ce qui représentait 4 % des demandes. Ce sont en effet essentiellement des Russes qui ont été enregistrés en Pologne. Et si les ressortissants ukrainiens représentaient la moitié des demandeurs d’asile enregistrés en Slovaquie entre avril et juin, il convient de noter que ce pays n’a enregistré sur cette période que 10 demandes, contre 187 000 par exemple en Allemagne. Pour ce qui est de la Hongrie, qui compte aussi parmi les pays qui ont enregistré un très grand nombre de demandes, à savoir 14 900 entre avril et juin, ce qui revient à 1517 demandes par million d’habitants, les ressortissants ukrainiens n’apparaissent pas dans le top 5 des nationalités les plus représentées : les primo-demandeurs sont en effet afghans, syriens, pakistanais, irakiens ou iraniens.