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Discours sur l'état de l'Union – Le débat au Parlement européen
14-09-2016


pe-debat-pologne-160913Dans la foulée du discours sur l'état de l'Union prononcé par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, les différents groupes politiques représentés au Parlement européen ont fait part de leurs observations et doléances.

Le président du groupe PPE, Manfred Weber, a invité  les leaders européens à s'inspirer de la jeunesse pour qui "l'Europe est l'espoir d'un futur meilleur" et qui prône l'unité plutôt que la division, en vue notamment du sommet de Bratislava du 16 septembre.  Il a ainsi enjoint les leaders à mettre fin à leurs querelles : "Arrêtez avec le populisme de bas étage. S'il vous plaît, commencez à assumer vos responsabilités! Arrêter de blâmer Bruxelles à la maison, pour des décisions que vous avez-vous-mêmes prises. Les politiciens doivent être convaincus de quelque chose, ils doivent se battre pour", a-t-il lancé.

A l'avenir, le groupe PPE défendra "le mode de vie européen", la "sécurité", en faveur d'un "échange de données efficace, un système européen d'entrées et sorties et une garde des frontières efficaces qui nous protège tous", la solidarité, notamment pour un "partage du fardeau des réfugiés", et le développement économique, avec l'appui du plan Juncker.

Evoquant la fiscalité des entreprises, Manfred Weber a expliqué que son groupe se battrait pour "une imposition loyale". "Chacun doit payer sa part, pas seulement les citoyens et artisans ordinaires, mais aussi les riches géants de l'internet. Il en va du futur de l'Europe", a-t-il dit. Enfin, affirmant "l'honnêteté" comme l'une de ses valeurs, le groupe PPE a signifié par la voix de son président, qu'il souhaitait la "fraternité" avec la Turquie qui est un "partenaire important" mais ne pense pas qu'un statut de membre à part entière de l'UE fonctionnerait. 

L'eurodéputé luxembourgeois du groupe PPE, Georges Bach, a salué pour sa part, un discours positif, qui fait des "propositions concrètes", mentionnant l'engagement à protéger le secteur de l'acier de la concurrence déloyale en provenance de Chine. En tant que membre de la commission de l'emploi et des affaires sociales, il met en avant l'engagement répété "de faire avancer le principe du salaire égal pour le même travail au même endroit" et appelle au renfort de la Garantie pour la Jeunesse, qui a déjà aidé 9 millions de jeunes à trouver un emploi un stage ou un apprentissage.

Interviewée par Le Quotidien, l'eurodéputée luxembourgeoise PPE, Viviane Reding, a évoqué "de nouvelles propositions, concrètes et ambitieuses, tant économiquement que socialement", qui forment "autant de pragmatisme que de vision dont l'Europe a besoin pour avancer".

Au sommet de Bratislava sur l'avenir de l'UE, les gouvernements nationaux devront unir leurs forces pour donner à l'Europe les moyens d'agir sur tous ces sujets. "L'Europe doit être plus sociale, plus solidaire, plus forte face au terrorisme, et plus unie sur la scène internationale", a jugé Viviane Reding.

S'exprimant au nom du groupe (S&D) qu'il préside, Gianni Pitella, a salué le discours de Juncker dont "les éléments positifs dépassent de loin les lacunes", reconnaissant que la Commission européenne "fait son maximum pour inverser les tendances de l'ère Barroso, loin de la renationalisation du pouvoir".

Ce serait désormais au tour des Etats membres réunis à Bratislava de rejoindre le Parlement et la Commission qui avancent main dans la main, "en assurant leur soutien pour renforcer les moyens dont l'UE a désespérément besoin pour faire face aux défis actuels". "Nous ne pouvons faire face à l'austérité, à la croissance faible, aux flux de migration, au Brexit et au terrorisme si nous sommes seulement armés d'un pistolet à eau", a-t-il dit. Il a ainsi plaidé pour l'action et mis en garde contre la tentation d'attendre les élections françaises ou les élections allemandes, pour avancer.

Le groupe S&D salue le doublement du plan d'investissement qui constitue "une pierre angulaire pour la relance de notre économie et améliorer la justice sociale", mais reste toutefois "quelque peu sceptique sur la consistance réelle du plan et sa capacité à assurer de nouvelles opportunités d'investissement dans les régions moins aisées d'Europe". "Les opérations purement cosmétiques, ainsi que les affaires de "comptabilité créative", sont inacceptables", a mis en garde l'eurodéputé italien.  

Gianni Pitella a apprécié l'appel au dépassement de l'austérité au profit d'une nouvelle approche, "plus intelligente" et espère que "ce message clair sera aussi délivré à M. Schäuble et ses amis : les seuls qui n'ont pas encore réalisé les effets destructeurs de l'austérité sur nos sociétés en Europe".

Mentionnant les cas Barroso et Apple, qui ont démontré le besoin d'une politique résolue contre l'évasion fiscale et pour une moralisation de l'économie, il demande au président de la Commission "de passer des mots aux faits", et de faire des propositions sur l' Assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés (ACCIS), sur une liste noire des paradis fiscaux et sur les lanceurs d'alerte. Il souhaite que la Commission "s'installe aux avant-postes de la lutte contre les conflits d'intérêts", en prévoyant, par exemple, une extension de la période de carence.

Gianni Pitella a encore demandé des "protections plus fortes" pour les travailleurs précaires, jugeant que Juncker avait encore délivré trop peu de l'agenda pour le Triple-A Social qu'il avait annoncé en début de mandat.

Enfin, sur le terrorisme, il souhaite l'ouverture d'une discussion pour la réalisation d'une politique de sécurité commune avec des outils communs, tels qu'un FBI européen.

Dans un communiqué de presse, l'eurodéputée luxembourgeoise S&D, Mady Delvaux, a fait savoir qu'elle soutient pleinement les initiatives qui renforcent la volonté de créer une Europe sociale, notamment la détermination de la Commission d'aller au bout de la proposition sur les travailleurs détachés. "L'Union ne peut se permettre de favoriser des inégalités sociales au nom d'objectifs purement économiques. Nous nous devons de répondre de manière transparente et efficace aux problèmes que connaissent nos citoyens", pense-t-elle.

"L'Europe doit protéger et prendre ses responsabilités envers ses résidents, mais également vers le monde extérieur", ajoute-t-elle en référence à l'appel de Jean-Claude Juncker à la création d'une politique de défense commune. "Dans un monde qui devient plus peuplé et une Europe dont le poids diminue, ce n'est qu'ensemble que nous pourrons défendre et protéger nos valeurs et notre mode de vie. La réponse aux principaux défis est sans nul doute européenne, les nations isolées ne sauraient faire face à ces difficultés mondialisées", conclut Mady Delvaux.

Syed Kamall (ECR) a fait part de la crainte de son groupe que "le projet européen a été enclenché en mode 'régulateur de vitesse' mais que ses pilotes ne sont pas disposés à freiner malgré les voyants lumineux". Il s'exaspère d'un même mantra à ses yeux néfaste, répété chaque année, celui réclamant davantage d'intégration. "Plus vous construisez l'Europe, plus les citoyens s'en sentent éloignés. Plus vous propagez le supranationalisme européen, plus le nationalisme croît dans nos Etats membres. Plus condamnez ou ignorez le scepticisme, plus la perspective d'une présidente Le Pen ou d'un Premier minister Wilders est probable", a-t-il prévenu. Le débat devrait au contraire se concentrer à son avis sur la sécurité, la création d'emplois et d'opportunités pour les citoyens. 

"L'UE peut faire mieux, en faisant moins", a-t-il poursuivi, plaidant pour une UE qui a "la flexibilité d'un réseau plutôt que la rigidité d'un bloc", car "la diversité est une des plus grandes forces de l'UE", mise en danger par les objectifs d'harmonisation fiscale, d'assurance chômage et de budget communs. Une réforme judicieuse consisterait en "une réforme qui ne pense pas que l'UE a toutes les réponses, qui libère l'esprit d'entreprise qui fit jadis l'Europe grande et une réforme qui nous aide dans la compétition globale et pour fournir des opportunités aux citoyens."

Dans son intervention au nom du groupe ADLE, Guy Verhofstadt a lui aussi fait référence aux jeunes qui voient les opportunités que l'Europe offre, alors que "la guerre et les flux migratoires, l'évasion fiscale des grandes entreprises multinationales, le terrorisme et la criminalité internationale ont donné le sentiment à de nombreuses personnes âgées que l'Europe ne les protège plus". Il n'est donc pas surpris que "les citoyens tombent dans le piège des nationalistes et des populistes", lesquels "prêchent un faux sentiment de sécurité, un retour aux murs et aux barrières", qui est en fait une "illusion", une "trahison".

"Si nous voulons vraiment reprendre le contrôle, nous devons le faire à un niveau européen, non pas en abolissant les démocraties nationales, mais en les complétant, en les relançant", pense-t-il. "L'Europe est le contrepoids à la mondialisation sauvage et incontrôlée, tout comme l'Europe est aussi le remède contre le cancer du nationalisme".

Il soutient les propositions concrètes de Jean-Claude Juncker, en faveur d'une Union européenne de la défense avec une "propre puissance forte et crédible", et d'une "véritable gouvernance de l'euro et de notre économie", en construisant "un nouveau système solide, basé sur le rapport des Cinq présidents, avec un ministre des Finances, un Trésor, une capacité fiscale et un code de convergence ". Enfin, il plaide pour un système de migration et de droit d'asile commun doté d'un véritable corps de garde-frontière et de garde-côte.

Le Brexit peut être une opportunité pour un véritable programme européen de réforme, "une simplification spectaculaire de nos institutions", a poursuivi celui qui en mènera les négociations pour le Parlement européen.

L'eurodéputé luxembourgeois ADLE, Charles Goerens, a confié au Quotidien qu'il a été aussi "agréablement surpris" par le discours de Jean-Claude Juncker de cette année que par celui de l'année dernière. "Il est très déterminé, responsable et mesuré dans cet exercice qui est tout sauf de la routine. Il a une vision de l'Union et de ce qui est faisable", a-t-il confié avant de concéder qu'il restait sur sa faim à propos du chantier de la défense européenne. "Ce dossier a déjà connu de nombreux échecs. Mais on ne peut qu'être d'accord avec lui quand il demande que Federica Mogherini soit nommée ministre des Affaires étrangères de I'UE. Il n'est pas normal que les ministres des 28 participent, par exemple, aux tours de table sur la Syrie et que I'UE ne soit pas représentée."

Pour le groupe Verts-ALE, Claude Turmes, a salué dans un communiqué le renforcement du plan d'investissement le fait que la Commission "prenne congé du dogme de l'austérité". Il a suggéré qu'une partie des nouveaux moyens d'investissement soit dirigée dans des projets tournés vers l'avenir et innovants dans le domaine des télécommunications et de l'approvisionnement énergétique.

En termes de lutte contre l'évasion fiscale, Jean-Claude Juncker "s'est converti de Saul en Paul", se réjouit-il alors qu'une politique "fiscale loyale et juste" est à ses yeux "une précondition essentielle, pour pouvoir s'attaquer aux problèmes sociaux en Europe et reconstruire la confiance des citoyens en l'Union européenne." Il se dit également satisfait que Juncker lance la lutte contre le dumping social, et souhaite que la Commission revoie sa proposition originelle sur le détachement, dans le sens, que les Verts-ALE défendront avec les syndicats, que les employés, dans toute l'Europe, bénéficient de droits sociaux et d'une rémunération adaptée. "Nous avons besoin de règles européennes claires et de sanctions plus dures, pour combattre l'exploitation dans la chaîne des sous-traitants", est-il d'avis.

Claude Turmes se dit par contre en profond désaccord avec Jean-Claude Juncker quand ce dernier soutient que l'accord de libre-échange avec la Canada (CETA) serait le meilleur accord que l'UE n'aurait jamais négocié. C'est selon lui de "la poudre aux yeux". Au contraire, le CETA serait "un mauvais accord", "mauvais pour les PME, parce qu'une justice parallèle est établie pour les grandes entreprises et mauvais pour les citoyens, car ils mettent en danger les services publics". De plus, alors que des Parlements nationaux tels le parlement autrichien ont fait savoir qu'ils ne le ratifieront pas, son adoption pousserait l'UE "dans un no man's land légal aux conséquences imprévisibles".

Pour le groupe GUE-NGL, Gabi Zimmer a milité pour une Europe "vivable pour tous", avec emplois et logements viables. Elle a plaidé pour une réforme en profondeur des institutions européennes, l'UE devant devenir "réellement démocratique avec des citoyens vraiment impliqués", qui ne "peuvent être seulement les observateurs de décisions prises par au-dessus de leurs têtes". Elle a fait savoir que son groupe n'aimait "pas l'idée d'une compétition globale comme fin de l'histoire avec des citoyens qui supportent les dettes" et a prévenu que la flexibilisation et la baisse de protection de l'emploi n'aideraient pas à régler le problème de l'emploi des jeunes.

Pour le groupe EFDD, l'eurodéputé Nigel Farage a rétorqué à Jean-Claude Juncker qu'il n'avait tiré aucune leçon du Brexit dont il fut un des plus ardents partisans au Royaume-Uni. Il a par ailleurs fait savoir qu'il considérait la nomination de Guy Verhofstadt, comme "une déclaration de guerre dans  un processus de négociation délicat", le considérant comme "le seul nationaliste dans l'assemblée".

Marine Le Pen (pour l'ENL) a pressé le président de la Commission de laisser "les nations se libérer" et "coopérer entre elles". "Soyez enfin démocrate, laissez les peuples déterminer leur destin", lui a-t-elle lancé. Elle a estimé que Jean-Claude Juncker n'avait "rien vu, rien entendu de l'immense aspiration des peuples à retrouver leur indépendance et leur liberté". "Les Britanniques prouvent qu'il est possible de sortir de l'Union européenne et d'en sortir à leur avantage. (…) Les prévisions catastrophistes n'étaient que mensonges: le Royaume-Uni se porte fort bien, le choc de défiance que vous espériez s'est transformé en choc de confiance", a aussi déclaré Marine Le Pen.