Le 15 juin 2016, la Commission européenne a dévoilé ses critères permettant d'identifier les perturbateurs endocriniens dans le domaine des produits phytopharmaceutiques et biocides. Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques qui peuvent altérer les fonctions du système hormonal.
La législation de l'UE relative aux produits phytopharmaceutiques et aux produits biocides prévoit que les substances actives qui sont des perturbateurs endocriniens ne sont pas approuvées, sauf en cas d'exposition négligeable (dans le cas des produits phytopharmaceutiques) ou en cas de risque négligeable (dans le cas des biocides).
L'exécutif européen avait initialement promis de publier les critères d'identification concernant l'application de cette législation avant décembre 2013, mais n'avait cessé depuis de repousser l'échéance, se faisant périodiquement rappeler à l'ordre par les ONG de défense de l'environnement, le Parlement européen et les Etats membres.
Finalement, saisi par la Suède, soutenue en cela par quatre Etats membres, le Conseil européen et le Parlement européen, le Tribunal de l'UE avait arrêté, le 16 décembre 2015, que la Commission avait violé le droit de l'Union en s'abstenant d'adopter des actes établissant des critères scientifiques pour la détermination de substances considérées comme ayant des propriétés perturbant le système endocrinien susceptibles d'être néfastes pour l'homme ou qui sont désignées comme possédant ces propriétés, utiles pour l'application du règlement n° 528/2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides.
En publiant ces critères le 15 juin 2016, la Commission a ainsi respecté l'engagement qu'elle avait pris le 2 février 2016 devant le Parlement européen de publier ces critères d'ici la fin du mois de juin 2016 et a répondu à la pression exercée par le Conseil Environnement en adoptant le 4 mars 2016 une déclaration l'enjoignant à se plier au jugement du Tribunal de l'UE. Dans une résolution d'actualité adoptée le 8 juin 2016 à une écrasante majorité, les eurodéputés avaient une dernière fois presse la Commission de s'exécuter.
Dans une fiche d'information publiée le même jour, la Commission européenne rappelle que plusieurs autres législations encadrent la question des perturbateurs endocriniens, à savoir la législation de l'UE concernant la sécurité et la santé sur le lieu de travail (dont la législation relative aux agents chimiques sur le lieu de travail), la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux (les risques toxicologiques, y compris ceux découlant des perturbateurs endocriniens, y font l'objet d'une évaluation globale des risques) et les produits de consommation (notamment les cosmétiques et les jouets, à travers REACH), ainsi que de la législation environnementale.
Enfin, concernant la législation de l'UE relative aux produits phytopharmaceutiques et aux produits biocides qui prévoit que les substances actives qui sont des perturbateurs endocriniens ne sont pas approuvées, la Commission rappelle que certains des effets indésirables causés par ces perturbateurs endocriniens, tels que les effets sur la reproduction, sont évalués depuis de nombreuses années. "Dans la pratique, un grand nombre de substances établies comme étant des perturbateurs endocriniens ont déjà été interdites dans l'UE", dit-elle, tout en concédant que les nouveaux critères permettront d'effectuer "une évaluation plus précise et plus actualisée".
C'est un paquet que la Commission européenne a adopté dans le cadre de la décision sur les critères d'identification des perturbateurs endocriniens. Ce paquet comprend :
Les critères scientifiques retenus par la Commission sont fondés sur la définition de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui, rappelle la Commission, fait l'objet d'un large consensus. Pour qu'une substance soit déclarée comme perturbateur endocrinien, trois critères devraient être remplis :
- que la substance ait des effets indésirables sur la santé humaine
- qu'elle présente un mode d'action endocrinien
- qu'il existe un lien de causalité entre l'effet indésirable et le mode d'action.
Cette définition est la deuxième des quatre pistes esquissées dans une roadmap de 2014, la troisième, prévoyant l'introduction de catégories supplémentaires en fonction du niveau de preuve (avéré, suspecté ou substance active endocrinienne) étant celle qui avait les faveurs des ONG.
Le texte de la Commission précise par ailleurs de quelle manière un perturbateur endocrinien devrait être identifié :
- en mettant en évidence des preuves scientifiques pertinentes ;
- en utilisant la pondération d'une approche fondée sur des éléments concrets ;
- en procédant à un examen systématique et solide.
La communication de la Commission européenne décrit l'émergence d'un consensus scientifique sur leur définition au cours des dernières années. La communication présente un certain nombre d'actions que ce soit à court terme (recherche et coopération internationale), à moyen terme (méthodes d'essai) et à long terme (réglementation).
L'Autorité européenne de sécurité des aliments et l'Agence européenne des produits chimiques y sont aussi invitées à commencer d'ores et déjà l'examen des différentes substances qui pourraient être considérées comme perturbateurs endocriniens, sans attendre l'adoption des deux textes législatifs qui déterminent les critères. Pour ce qui est du règlement relatif aux produits phytopharmaceutiques, le projet de texte juridique établissant les critères sera soumis au vote des États membres. Dans celui du règlement sur les produits biocides, le projet de mesure sera examiné par un groupe d'experts des États membres avant son adoption par la Commission. Les deux textes seront présentés simultanément au Parlement européen et au Conseil.
La Commission propose par ailleurs d'adapter les motifs de dérogation éventuelle prévus par la législation relative aux produits phytopharmaceutiques, "de sorte qu'ils reposent sur des données scientifiques et fassent le meilleur usage possible des éléments de preuve scientifiques disponibles, y compris les informations relatives à l'exposition et au risque". "L'approche fondée sur la notion de danger du règlement sur les pesticides sera maintenue ; elle signifie l'interdiction de substances en fonction de leur dangerosité, sans que l'exposition soit prise en compte", prévient la Commission.
Pour le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, la proposition correspond au "niveau le plus élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement" promis par la Commission et fera "du système réglementaire de l'UE le premier dans le monde à définir ces critères scientifiques sur le plan législatif".