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Traités et Affaires institutionnelles
La Commission européenne propose d'étendre à trois ans la période d"interdiction du pantouflage pour les anciens présidents de la Commission et à deux ans pour les anciens commissaires
23-11-2016


Le 23 novembre 2016, par un communiqué de presse, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a fait connaître sa proposition de renforcement du Code des Commissaires, en vue de prévenir les cas de pantouflage et a proposé que les Commissaires soient désormais autorisés à se présenter aux élections européennes sans avoir à se mettre en congé de leur poste.

Des règles éthiques plus strictes

Dans un courrier adressé au président du Parlement européen, Martin Schulz, Jean-Claude Juncker demande l"opinion du Parlement sur son intention de porter de 18 mois  à deux ans pour les anciens commissaires et trois ans pour l"ancien président de la Commission la période d"interdiction de pantouflage, durant laquelle les anciens commissaires doivent informer la Commission de leur intention de s"engager dans une nouvelle activité professionnelle suivant la cessation de leurs fonctions, en vue de prévenir les risques de conflit d"intérêt, de transfert ou d"exploitation commerciale de leur expérience et de leur savoir.

Cette initiative fait suite à plusieurs nominations controversées d"anciens commissaires à des fonctions dans le secteur privé, dont la plus retentissante fut celle de l"ancien président de la Commission, José Manuel Barroso, au sein de la banque américaine Goldman Sachs. Cette nomination avait déclenché un tel flot de critiques en juillet 2016 qu"elle avait conduit le président de la Commission à saisir le comité d"éthique ad hoc, bien que la période d"interdiction de pantouflage, baptisée "période de refroidissement" par la Commission, avait été respectée. L"avis, rendu le 31 octobre 2016 avait jugé conforme la nomination de José Manuel Barroso.

"Vu l"expérience récente avec des membres de la Commission précédente, je pense que notre Code de conduite devrait être renforcé afin d"établir des normes éthiques les plus élevées possible dans le cas de conflit d"intérêts", a déclaré Jean-Claude Juncker, à l"occasion de l"envoi de son courrier au Parlement européen. "Des règles plus strictes ne sont certainement pas suffisantes pour engendrer un comportement éthique acceptable dans tous les cas. Mais elles sont un point de départ indispensable", a-t-il dit.

Les réactions

Au lendemain de cette proposition, le groupe Verts-ALE était le seul groupe politique à avoir réagi à l"annonce de cette réforme. Dans un communiqué, il constate que la Commission "fait un geste" mais regrette qu"elle "passe son tour pour une vraie réforme". "C"est le service minimum après les affaires Barroso et Kroes. La Commission a-t-elle besoin d"un nouveau scandale, de ternir toujours plus son image et de facto, celle de l"Europe, pour prendre de vraies mesures", a ainsi jugé l"eurodéputé Pascal Durand, rapporteur du groupe sur les conflits d"intérêts des commissaires. Ce dernier ne comprend pas pourquoi l"extension à trois ans ne concerne que les anciens présidents, alors que  "tous les commissaires perçoivent des indemnités pendant trois ans" et qu"il serait dès lors "logique de les soumettre au même régime". Pour réhabiliter son image, la Commission "ne pourra pas éviter une réforme en profondeur de son code de conduite" et devra "adapter ses comportements aux attentes citoyennes sur la transparence", prévient-il.

Dans un communiqué, l"alliance d"ONG et de syndicats luttant pour la transparence et contre l"influence des lobbys, ALTER-EU, pense que le projet de la Commission "échouera à prévenir de futures scandales éthiques". Margarida Silva, de l"ONG Corporate Europe Observatory, dit des modifications proposées qu"elles ne sont "rien d"autre qu"un pansement", qui "ne peuvent pas combler les nombreuses lacunes du Code de conduite". "Malgré les nombreux scandales des derniers mois, le président Juncker rechigne apparemment toujours à reconnaître la pleine ampleur des problèmes éthiques de la Commission", déplore-t-elle, en regrettant qu"il refuse la création d"un organe éthique fort, indépendant, qui aurait le pouvoir d"investigation et de sanction.

La médiatrice européenne, Emilie O'Reilly, a salué les progrès de la Commission. Toutefois, elle a souligné que le seul allongement de la durée d'interdiction du pantouflage ne saurait suffir. "Certains postes ne vont pas cesser d'être problématiques simplement parce que deux ou trois années ont passé, pense-t-elle. Si le temps peut diminuer la probabilité qu'accepter un emploi enfreigne le devoir d'agir avec discrétion et intégrité, il ne l'élimine pas." La médiatrice rappelle que dans une affaire conclue le 30 juin 2016, elle avait fait des propositions de réformes et notamment suggéré que le Code de conduites inclue une série de sanctions administratives. Elle avait auparavant aussi proposé que le comité d'éthique ait un mandat plus large et mieux défini. 

Une proposition pour autoriser les Commissaires à se présenter aux élections européennes sans avoir à se mettre en congé de leur poste

Dans sa lettre, le président de la Commission européenne demande également la consultation du Parlement européen pour une proposition de mise à jour de l"Accord-cadre de 2010 sur les liens entre le Parlement et la Commission européen afin d"autoriser les Commissaires à se présenter aux élections européennes sans avoir à se mettre en congé de leur poste. Il avait déjà fait connaître cette intention dans son discours sur l"état de l"Union tenu le 14 septembre 2016, dans lequel il avait souligné que "si nous voulons une Commission qui réponde aux attentes du monde réel, nous devrions encourager les commissaires à prendre rendez-vous comme il se doit avec la démocratie. Et non pas l"empêcher".

"A l"avenir, comme cela est de pratique courante dans tous nos Etats membres, je veux que les membres de la Commission puissent être candidats aux élections au Parlement européen sans avoir à quitter leur poste comme l"exige actuellement l"Accord-cadre", a-t-il cette fois déclaré. "Les élections au Parlement européen sont et doivent être un rendez-vous nécessaire avec la démocratie, et ce également pour la Commission". Des mesures de sauvegarde appropriées seront mises en place pour empêcher l"utilisation du personnel ou des ressources de la Commission à des fins de campagne.