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Institutions européennes
Les eurodéputés luxembourgeois tirent le bilan de la législature 2004-2009 du Parlement européen
12-05-2009


Marie-Thérèse Klopp, Lydie Polfer, Jakub AdamowiczLe bureau d’information du Parlement européen à Luxembourg avait convié le 12 mai 2009 à une réunion avec les 6 députés européens luxembourgeois sortants pour qu’ils puissent, devant les représentants de la presse, présenter ou tirer le bilan de leurs cinq ans de mandat. Cinq députés ont répondu à l’invitation. Erna Hennicot-Schoepges, députée sortante et qui quitte la vie politique, n’est pas venue.

Les bilans

Lydie Polfer, eurodéputée sortante qui n’est plus candidate à sa réélection, puisqu’elle se présente aux législatives dans la circonscription Centre, s’est félicitée du fait que le Luxembourg gardera ses 6 députés au nouveau Parlement européen qui comptera 736 députés sous les règles du Traité de Nice, et peut-être 751 si le Traité de Lisbonne devait entrer en vigueur. L’atmosphère, a-t-elle cependant signalé, est en train de changer dans l’UE, où "le vent qui souffle est de plus en plus froid" et où le Luxembourg doit veiller à ses intérêts en s’engageant pour une Union qui Jean Spautzsoit une "véritable communauté de droit", seul paratonnerre pour les petits Etats membres.

Jean Spautz, qui quitte la vie politique après 50 ans de présence ininterrompue sur le devant de la scène, a expliqué à quel point il était impressionné par la rapidité des changements et le haut degré d’organisation du PE.

Pour Robert Goebbels, qui est candidat tête de liste des socialistes aux européennes, le PE est devenu un vrai facteur de pouvoir dans l’UE. Il arrive selon lui à faire plier le Conseil, "car il est mieux organisé et les députés européens connaissent souvent mieux leur dossier que les ministres". Au Parlement européen, explique-t-il, il n’y a ni majorité ni opposition, et il n’y a pas de gouvernement, même si la Commission a certaines prérogatives exécutives. "La Commission propose, le Parlement dispose", résume-t-il, en ajoutant, "avec des majorités changeantes".

Un bon rapporteur peut, selon Robert Goebbels, qui parle d’expérience, construire une majorité pour son projet de directive et faire céder le Conseil. Il doit d’ailleurs compter avec "ses ombres", des rapporteurs dits "fictifs" désignés par les autres groupes politiques, qui, s’il s’entend bien avec eux, peuvent l’aider à construire la majorité qui permettra à un projet de passer "comme lettre à la poste". Le PE est pour Goebbels également "une sorte d’addition de parlements, ces parlements étant les commissions de travail qui comptent autour d’une centaine de députés, et qui ont donc une taille supérieure ou égale à plus d’un parlement d’Etat membre. Une autre personne importante est le coordinateur, nommé par son groupe politique dans une commission, qui peut construire des majorités avec les autres coordinateurs de groupes politiques."

Robert GoebbelsPour sa propre personne, Robert Goebbels revendique sa contribution à la réécriture de la directive Bolkestein, devenue la directive services, moins le dumping social que la première risquait d’induire en Europe, à la stratégie de Lisbonne et aux lignes directrices pour l’emploi (LDE), à la directive REACH, la plus importante réglementation pour l’admission de produits chimiques qui compte entretemps en Chine et aux Etats-Unis. Goebbels s’est aussi engagé pour les intérêts luxembourgeois dans le cadre des discussions dans les domaines de la santé - via la directive sur les droits des patients en matière de soins transfrontaliers - , du paquet Télécom et de la privatisation des services postaux.

Invitée elle aussi à dresser un rapide bilan de son mandat d’eurodéputée, Astrid Lulling, qui est candidate à sa réélection, a dans un premier temps insisté sur les activités qu’elle a menées en tant que questeur.

Les questeurs sont au nombre de 6 depuis janvier 2007 et ils sont en charge des questions administratives et financières. A ce titre, Astrid Lulling a donc participé à l’élaboration des règles d’application du statut unique des députés, qui met un terme notamment à la disparité de rémunération des députés européens selon leur pays d'origine, ainsi qu’à la récente réforme du statut des assistants accrédités. L’eurodéputée a aussi suivi avec attention les dossiers de la politique immobilière du Parlement européen ; ainsi le projet d’agrandissement du bâtiment Konrad Adenauer à Luxembourg a-t-il été finalisé au cours de la législature.Jakub Adamowicz et Astrid Lulling

Astrid Lulling a ensuite insisté sur le travail qu’elle a réalisé dans le cadre des deux commissions dont elle est membre, la commission des affaires économiques et monétaires (ECON) d’une part et la commission des droits de la femme et de l’égalité des chances (FEMM), qui lui tient particulièrement à cœur. Au programme de ce mandat, l’architecture des services financiers a tenu une place importante, avec l’adoption des directives "Bâle II" et "solvency". Elle a été par ailleurs rapporteur fictif du PPE pour la quatrième directive UCITS qui encadre les fonds d’investissement en Europe. Si elle reconnaît à ce texte du bon, c’est avec circonspection qu’elle regarde cependant l’introduction, sans les garanties nécessaires à ses yeux, d’un passeport européen pour les sociétés de gestion.

Astrid Lulling a enfin souligné qu’elle veillait, dans le contexte des débats en matière de fiscalité de l’épargne, à ce que soit préservée et reconnue la coexistence des deux modèles que constituent l’échange d’informations et la retenue à la source. Enfin, en tant que membre suppléant de la commission de l’agriculture, Astrid Lulling a été très impliquée dans la discussion concernant la réforme de l’organisation commune du marché du vin et le bilan de la santé de la PAC et elle a tenu dans ce cadre à défendre "les intérêts de l’agriculture et de la viticulture luxembourgeoise".

Revenant elle aussi sur le fonctionnement du Parlement européen, Astrid Lulling a expliqué combien il était important, dans le cadre de la procédure de codécision, d’arriver à trouver un consensus dès la première lecture.

Claude TurmesClaude Turmes, candidat à sa réélection, a salué dans son rapide bilan les avancées faites en matière de protection des consommateurs et de protection de l’environnement. Ainsi, par exemple a-t-il cité REACH qui constitue à ses yeux un progrès d’autant plus grand que cette réglementation sur les produits chimiques tend à faire de l’Union européenne un législateur d’envergure internationale puisque ce texte est pris en compte dans une grande partie du monde. Seul bémol aux yeux de l’eurodéputé vert, la délégation de beaucoup de responsabilités à une agence exécutive qu’il s’agira de contrôler avec attention car elle risque selon d’être la cible de puissants lobbyistes.

Les polémiques

Robert Goebbels a tenu à souligner que le groupe des 6 eurodéputés luxembourgeois ne constituait pas une équipe soudée, mais qu’ils appartenaient bien à des groupes politiques différents, qu’ils représentaient des intérêts différents et votaient souvent de manière différente.

La suite des débats n’a pas tardé d’ailleurs à le montrer car le ton est monté à l’évocation de sujets qui ont beaucoup occupés les parlementaires européens au cours des cinq dernières années.

La directive relative aux droits des patients en matière des soins de santé transfrontaliers a polarisé tout récemment les débats au Parlement européen et si Astrid Lulling a déclaré, en l’absence de Claude Turmes qui a rejoint les débats un peu plus tard, qu’elle ne comprenait absolument pas pourquoi les Verts avaient voté contre, Robert Goebbels, qui s’était pour sa part abstenu lors du vote fin avril, a rappelé qu’il avait soutenu le principe d’une autorisation préalable inconditionnelle tout en exigeant que la directive ait pour base légale non seulement l’article 95 du TUE, qui concerne le marché intérieur, mais aussi l’article 152 du TUE duquel relèvent les questions de santé publique.

Le paquet climat-énergie a suscité lui aussi de vives discussions qui se sont poursuivies de façon plus générale au sujet de la lutte contre le changement climatique. Claude Turmes a salué, au sein du paquet climat-énergie, la directive énergies renouvelables qui est pour lui un bon signe en vue d’une nouvelle politique industrielle en Europe. Autre élément positif : l’obligation pour les producteurs d’électricité de payer des certificats d’émission de CO2.

Robert Goebbels a malgré tout critiqué le fait que le Parlement européen soit de plus en plus souvent – avec le paquet climat/énergie et le paquet anticrise – obligé par le Conseil européen à procéder à des votes bloqués, c’est-à dire sans vrai débat de fond - sur de grandes questions. En bref : "le Conseil européen doit cesser de se mêler de la codécision entre Parlement européen et Conseil".

Pour Turmes, un combat est encore à mener dans le contexte de la lutte contre le changement climatique. Il s’agit d’empêcher des transferts – que Turmes impute à la pression de lobbys - au sein de la Commission de dossiers liés à la lutte contre le changement climatique de la DG Environnement – récemment dotée d’un nouveau directeur général particulièrement versé dans le volet commercial de ces dossiers - vers la DG Energie. Turmes craint en effet que l’UE soit par ce transfert moins bien outillée lorsqu’il s’agira d’entrer dans les négociations décisives de la Conférence de Copenhague.

Réplique de Goebbels : tout le monde a le droit de défendre ses intérêts par des lobbys. "Les écologistes le font bien par le biais de Greenpeace par exemple". Par ailleurs, il est crucial aux yeux de l’eurodéputé socialiste que les certificats d’émission deviennent une pratique admise par tous les acteurs globaux du marché des énergies, "sinon ile système ne présente aucun intérêt".