Charles Goerens, l’eurodéputé luxembourgeois qui a été élu avec le plus grand nombre de voix, a, juste avant de partir à Strasbourg le 13 juillet 2009, expliqué pourquoi il ne votera pas pour José Manuel Barroso comme président de la Commission européenne. Pour Goerens, Barroso, qui est candidat à sa réélection, a échoué dans son rôle de gardien des traités européens lorsqu’il a laissé en plan les petits Etats membres de l’Union européenne, dont le Luxembourg, au moment où les quatre grands ont décidé entre eux, en G4, des mesures à prendre contre la crise financière et économique. Goerens reproche également à Barroso d’avoir été trop aux ordres du Conseil afin de s’assurer sa réélection à la tête de la Commission.
L’eurodéputé libéral s’est en tout cas réjoui du report du vote sur la présidence de la Commission au Parlement européen, où il ira siégera dans les rangs de l’ALDE. Son groupe politique, a-t-il expliqué, demandera par voie de mémorandum des clarifications à José Manuel Barroso avant de prendre position sur la question du vote.
Les points essentiels de ce mémorandum, qui devrait être rendu public en fin de semaine, évoquent les moyens spécifiques de l’UE pour lutter contre la crise, la dimension sociale de l’UE, la lutte contre le changement climatique et la "dérive institutionnelle" de l’UE, qui préoccupe particulièrement Charles Goerens.
L’ALDE demande dans le cadre de ce mémorandum qu’une commission de travail parlementaire soit créée qui s’occupe spécialement de la crise. Selon Charles Goerens, cette proposition a été bien reçue par les autres groupes politiques et il semblerait qu’elle puisse être créée avec un membre de l’ALDE à sa tête.
Pour lutter contre la "dérive institutionnelle", Goerens voudrait que le mémorandum prône un accord interinstitutionnel entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen qui empêche des faux pas comme le G4. Le G4 ne correspondait selon Charles Goerens "formellement à aucune configuration prévue par le Traité" et était "loin de répondre à l’approche inclusive d’une ‘Europe sans cesse plus étroite’, comme cela est écrit dans les traités européens".
Comme nombre de ses collègues, Charles Goerens est d’avis que le vote sur la présidence de la Commission européenne ne devrait avoir lieu qu’après le référendum irlandais et que trois autres pays auront terminé leur processus de ratification : l’Allemagne, qui doit encore ajuster sa législation de transposition, avant que le président ne puisse signer, la Pologne, dont le président ne signera que si les Irlandais disent oui au traité, et la République tchèque, dont le président s’oppose au traité et refuse de le signer.
Charles Goerens est, selon ses propres dires, beaucoup plus critique à l’égard de José Manuel Barroso que son groupe. Pour ce qui est de sa position personnelle, il est d’avis que José Manuel Barroso "n’a pas rempli son rôle en prenant des initiatives en matière de droit dérivé, pour lutter contre la crise ou lors des négociations sur la nouvelle réglementation du commerce international". Il a aussi, en relation avec l’omission de Barroso d’impliquer tous les partenaires dans les prises de décision au sein de l’UE, omission qui a privilégié une Présidence française du Conseil forte qui a géré la crise financière à sa manière et à celle des autres grands Etats membres, cité l’ancien président de la Commission, Jacques Santer. Ce dernier avait récemment écrit dans la préface d’un ouvrage du nouveau député européen Frank Engel, en commentant le G20 qui avait suscité un grand tollé au Luxembourg, que la Commission européenne avait "omis de se servir de ses prérogatives les plus élémentaires et a plutôt dégénéré en secrétariat exécutif des ‘grands’".
Pour Goerens, seule une Union européenne qui implique tous ses Etats membres dans ses processus de décision et qui maintient l’équilibre entre les trois organes qui lui permettent de fonctionner – le Conseil, le Parlement et la Commission – sera capable de lutter efficacement contre la crise, pour la traçabilité des risques, contre le changement climatique et dans le sens d’une gouvernance internationale, et de parler d’une voix dans des institutions aussi importantes que le FMI, la Banque mondiale ou l’OIT, où elle doit se contenter actuellement de strapontins.
L’ALDE définira sa position à l’encontre de José Manuel Barroso en fonction de sa réaction à son mémorandum. Elle exigera un discours limpide, cohérent et engagé de la part du candidat à la présidence de la Commission, et n’acceptera pas qu’il caresse tous les groupes politiques dans le sens du poil, en se donnant libéral chez les libéraux, écolo chez les verts, social chez les sociaux-démocrates, etc. Mais quoiqu’il advienne, pour Charles Goerens, "Barroso a démérité" et l’eurodéputé luxembourgeois ne votera pas pour lui.
Charles Goerens souhaite qu’il y ait à l’avenir une coopération plus étroite et des échanges réguliers entre le gouvernement et la Chambre des députés au sujet de la politique européenne, que ce soient les décisions à prendre au Conseil ou les textes législatifs à adopter avant qu’ils ne soient transposés dans la législation nationale. Dans ce cadre, Goerens a réitéré sa proposition que les textes législatifs soient rapidement transmis à la Chambre et qu‘une note explicative leur soit jointe qui définirait leur intérêt européen et leurs enjeux nationaux.
Dans ce même ordre d’idées, l’eurodéputé libéral s’est montré favorable à une approche participative de la Chambre des députés, qui pourrait à l’avenir, comme récemment proposé par Claude Turmes, être consultée avant que le candidat luxembourgeois pour la Commission européenne ne soit désigné par le gouvernement.
Charles Goerens a expliqué que l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande sur la conformité du traité de Lisbonne avec la constitution allemande ne remettait pas en question le traité de Lisbonne, mais qu’il retardait sa ratification en Allemagne. Dans ce contexte, il pense qu’un mandat impératif de la Chambre des députés au gouvernement ne serait pas une option pour le Luxembourg, dans la mesure où un tel mandat affaiblirait les positions de négociation du gouvernement luxembourgeois et réduirait sa capacité à conclure des compromis.
Abordant les commissions de travail auxquelles il aimerait participer au Parlement européen, Charles Goerens a expliqué qu’il s’intéresse surtout aux Affaires étrangères, au Développement et au Commerce international, sujets qui se recoupent d’une certaine façon. Une autre constellation de ses groupes de travail pourrait être Développement, Affaires institutionnelles et la commission de travail qui sera spécialement mise en place pour traiter la crise économique et financière. Charles Goerens a également déclaré qu’il a l’intention de suivre de près la politique agricole.