Le 23 avril 2010, le Conseil de la Justice et des Affaires intérieures (JAI) a conclu le mandat qui permet à la Commission européenne de négocier avec les États-Unis un nouvel accord de transfert de données bancaires via le réseau Swift. Le mandat n'a cependant pas pu être adopté officiellement en l'absence d'un quorum nécessaire au sein du Conseil. "Son adoption officielle aura lieu lors du Conseil des Affaires générales prévu le 10 mai" a indiqué le ministre espagnol de l'Intérieur, Alfredo Pérez Rubalcaba à l'occasion de la conférence de presse suivant la réunion. Suite au nuage de cendres volcaniques venant d'Islande, seulement 12 sur 28 des ministres de l’Intérieur de l’UE étaient présents lors de cette réunion qui s’est tenue à Bruxelles et non pas, comme initialement prévu, au Luxembourg. Le Grand-Duché a été représenté par son ministre de la Justice, François Biltgen.
Selon Alfredo Pérez Rubalcaba, le mandat de la Commission pour négocier un nouveau programme Swift contient, "en toute logique", certaines précautions que le Parlement européen avait exprimées concernant le transfert de données. Les eurodéputés avaient jugé le 21 avril 2010 que différentes questions devraient être résolues avant qu’ils n'approuvent le nouvel accord Swift. Dans un projet de résolution qui sera soumis au vote le 6 mai, ils insistent pour que "tout échange d'informations soit strictement limité à ce qui est nécessaire à des fins de lutte contre le terrorisme" et se disent opposés au transfert de données "en vrac", non ciblées.
La commissaire européenne chargée des affaires intérieures, Cecilia Malmström, a ajouté que "nous disposons d'un mandat très ambitieux mais pragmatique, qui comprend des mesures supplémentaires visant à renforcer la protection des données, afin de nous assurer d'une part que son objectif se cantonne à la lutte contre le terrorisme et, d'autre part, que nous ayons à notre disposition les mécanismes de compensation dus".
"Le débat a été passionnant et il en est sorti un accord politique ratifié par l'ensemble des États membres, ce qui me permet d'engager le dialogue avec les États-Unis lors de la première semaine de mai afin que nous puissions entamer des négociations officielles, lorsque tout les détails seront convenus", a annoncé la commissaire. "Aucun transfert de données n'a lieu pour l'instant et ils ne reprendront qu'en cas d'accord", a-t-elle également tenu à souligner. Et d’ajouter que "les Américains sont conscients des réserves et des inquiétudes exprimées par les Européens".
Swift est le nom de l'entreprise en charge de la gestion de la majorité des données relatives aux opérations bancaires, qui permettent de suivre la piste financière de terroristes présumés. Le Parlement européen ayant rejeté l'accord Swift en février dernier, un nouvel accord doit être négocié. La Commission européenne a pour objectif de le faire signer avant la fin du mois de juin. En rejetant l'accord précédent, les députés ont vivement critiqué le fait qu'il ait permis des transferts de données concernant non seulement des suspects spécifiques mais aussi un grand nombre de personnes "en vrac". Ils ont aussi estimé que les droits des citoyens concernant leurs propres données à caractère personnel, notamment les droits d'accès, de rectification et d'indemnisation, n'ont pas été convenablement définis.
Le Conseil JAI a également évoqué le système d'information Schengen II (SIS II), un système d'information de deuxième génération à grande échelle contenant des signalements concernant des personnes ou des objets. Ce système pourra être utilisé par les garde-frontières, les agents des douanes, les forces de police et autres autorités compétentes de l'espace Schengen.
"Nous nous sommes mis d'accord sur le fait que la première étape a été menée avec succès. Il existe quelques réticences mineures de la part de certains pays mais, dans l'ensemble, nous sommes passés à l'étape suivante d'un sujet très délicat et sur lequel nous réalisons tous de nombreux efforts pour parvenir à une résolution", a expliqué Alfredo Pérez Rubalcaba.
Le ministre a souligné la volonté d'apporter aux citoyens la garantie "que la libre circulation dans nos pays n'affecte pas leur sécurité" et que, par conséquent, l'UE "tient à ce que le SIS II fonctionne correctement pour des coûts financiers les plus faibles possibles".
Le Conseil des Affaires intérieures a par ailleurs mentionné des progrès concernant d'autres sujets tels que l'"Erasmus" policier ou encore la lutte contre la violence à caractère sexiste, en attente d'une adoption officielle.
"Nous avons adopté aujourd'hui certaines mesures que nous considérons extrêmement importantes et qui visent à renforcer nos mécanismes de formation commune. Nous avons adopté l'Erasmus policier, à travers la création d'équipes de recherche et de coopération policière. Et nous avons avancé certaines conclusions concernant l'échange d'informations et le traitement des explosifs", a souligné le ministre espagnol de l’Intérieur.
Quant à la violence à caractère sexiste, le ministre a attiré l'attention "sur un Livre blanc que nous avons rédigé concernant les meilleures pratiques des divers États membres dans ce domaine, et qui reprend un ensemble d'interventions que les États mettent en œuvre pour empêcher ce terrible problème qu'est la violence à caractère sexiste et qui touche tous les pays de l'Union européenne".
Lors du Conseil des ministres de la Justice, quinze États membres ont soutenu la proposition de la Présidence espagnole visant à créer l'ordonnance de protection européenne des victimes de maltraitance. Pour le ministre espagnol de la Justice, Francisco Caamaño, la "priorité" est de donner aux citoyens européens un instrument qui leur permette "d'être protégés face à des agressions contre leur vie, leur intégrité physique, psychique ou sexuelle".
"Nous continuerons à travailler pour remettre cette initiative au Parlement le plus tôt possible, d'ici à notre prochaine réunion, nous ferons en sorte d'obtenir la majorité entre tous les États et de nous rapprocher également de la position de la Commission", a-t-il assuré.
La commissaire européenne en charge de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, Viviane Reding, a soutenu la nécessité de protéger les victimes de la violence sexiste, mais elle a considéré que l'initiative de la Présidence espagnole "n'était pas mûre", malgré le soutien majoritaire dont celle-ci a bénéficié, et qu'elle doit être envisagée comme un "un point de départ" en vue d'un travail plus approfondi.
Viviane Reding a insisté sur le fait qu'il est nécessaire de créer un groupe d'experts chargés d'analyser "une proposition législative solide", incluant "les droits administratifs, civils et pénaux de la victime".
Selon Francisco Caamaño, le Conseil a traité un autre point important, à savoir "disposer le plus rapidement possible du mandat pour l'adhésion de l'UE à la Convention européenne des droits de l'homme", un sujet qui, a-t-il assuré "progresse de manière très significative".
Les ministres ont en outre approuvé les conclusions des travaux réalisés en matière de crise économique, en réponse à la question sur les moyens dont dispose la justice pour éviter une crise économique comme celle qui s'est récemment produite. "Les représentants des différents États membres ont mis en évidence que la justice et la sécurité juridique sont fondamentales pour surmonter une crise économique et pour maintenir la régulation des marchés, générant ainsi la confiance", a conclu le ministre espagnol.
L'état de la mise en marche du portail "e-Justice" et les débats sur le parquet européen, point auquel la Commission accorde une importance toute particulière, ont également été abordés par le Conseil.