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Economie, finances et monnaie
Yves Mersch, le président de la BCL, critique le retard que le Luxembourg a pris pour s'adapter au nouveau contexte économique européen
22-06-2010


Yves Mersch dans le Luxemburger WortLe 22 juin 2010, le président de la Banque centrale du Luxembourg, Yves Mersch, dont le mandat vient d’être prolongé une troisième fois, a donné au Wort une interview dans laquelle il aborde la façon dont le gouvernement gère la crise dans un contexte européen devenu plus rude. Par ailleurs, il donne des explications relatives aux changements selon lui nécessaires pour que la place financière puisse être consolidée en tirant les leçons de la crise financière, les questions liées au respect des normes du pacte de stabilité et de croissance, les avantages de l’euro et les tâches de la BCE.

La crise au Luxembourg

Yves Mersch n’est pas avare en critiques à l’égard du programme d’assainissement du gouvernement luxembourgeois qu’il juge à l’aune européenne. Très critique à l’égard du fait que la prise de décision sur certaines questions centrales a été remise jusqu’en septembre, Yves Mersch est d’avis que "le Luxembourg ne doit pas laisser échapper l’occasion de la fenêtre qui s’est ouverte maintenant en Europe pour agir. Ne rien entreprendre n’est pas une solution". Yves Mersch, qui s’oppose à des augmentations d’impôts qui selon lui freinent la croissance, voudrait que les transferts sociaux soient adaptés aux rentrées fiscales qui se sont réduites. "L’impôt sur la crise pénalise ceux qui sont productifs", déclare-t-il. L’idée qu’il pourrait stimuler la consommation par un mécanisme de redistribution équivaut pour lui à verser précisément dans cette "hystérie consumériste" qui est responsable de la crise. L’Etat pourrait selon lui faire de grandes économies rien qu’en gelant les traitements des fonctionnaires, "alors que dans beaucoup de pays, ces traitements sont réduits".

La prévision pour l’automne d'Yves Mersch: "Si le Luxembourg n’arrive pas à s’adapter par ses propres forces, alors des dérives comme celles qui ont eu lieu en Grèce et qui auront lieu au Luxembourg, si aucune contre-mesure n’est prise, ne seront pas tolérées au niveau européen." Les coûts salariaux unitaires du Luxembourg s’avèrent être les plus élevés d’Europe et augmentent aussi le plus rapidement. Cela rend difficile selon Yves Mersch la création d’emplois.

La place financière luxembourgeoise n’est pas assez bien outillée selon le président de la BCL. Face à d’éventuelles crises, elle ne dispose pas d’un fonds de garantie. Il ne suffit pas de s’en remettre aux maisons-mère. "Nous ne pouvons plus, en Europe, continuer à encaisser les impôts des filiales quand les temps sont favorables, et demander en cas d’urgence que des capitaux soient mis à disposition par les maisons-mère", pense Yves Mersch qui recommande que dorénavant des fonds soient provisionnés. En même temps, "si le Luxembourg veut rester une place financière sérieuse, il doit, en cas de crise, porter sa part dans un contexte européen" pour recapitaliser les banques en péril.

Test de stress bancaire, pacte de stabilité et de croissance et euro

Yves Mersch pense que la publication des résultats des tests de stress des 25 à 35 plus grandes banques européennes est une bonne chose, mais de tels tests élargis aux niveaux nationaux devraient donner une image plus claire de la situation et contribuer à calmer les marchés. L’achat par la BCE d’obligations d’Etats en difficulté est pour Yves Mersch "une mesure extraordinaire" qu’il approuve, mais qui n’a pas mené à "des solutions structurelles".

Dans l’entretien avec le Wort, Yves Mersch s’étonne que l’Allemagne ait si tard et si durement critiqué le non-respect par la Grèce du Pacte de stabilité et de croissance, alors qu’elle-même ne l’a pas respecté et obtenu, de concert avec la France, que les règles soient changées, donnant ainsi "le plus mauvais exemple possible". Le traité de Lisbonne, le Pacte de stabilité aussi prévoient des sanctions. Mais Yves Mersch est contre une modification du traité de Lisbonne. Il suffit d’appliquer le Pacte de stabilité et de rendre les sanctions prévues automatiques.        

L’euro, quant à lui, est pour Yves Mersch "la seule devise au monde qui ait depuis son introduction aussi bien protégé le pouvoir d’achat des personnes qui l’utilisent. La hausse des prix se situe en moyenne à 1,98 % depuis 1998." Or la stabilité des prix et du pouvoir d’achat est ce qui est ce qui compte le plus pour les investisseurs.