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Economie, finances et monnaie
Evaluation ex ante des orientations budgétaires : dans sa réponse à une question parlementaire de Fernand Kartheiser, Luc Frieden revient en détail sur la proposition de la Commission
11-06-2010


Le 20 mai 2010, le député Fernand Kartheiser (ADR) a adressé au ministre des Finances une question parlementaire concernant le projet d’évaluation ex ante des orientations budgétaires qui, depuis qu’il a été présenté par la Commission européenne le 12 mai dernier dans le cadre de sa proposition pour renforcer la coordination des politiques économiques et budgétaires, fait l’objet de nombreuses discussions.

Le 17 mai 2010, le sujet était déjà sur la table des ministres des Finances de la zone euro et le député commence donc par souligner dans sa question que ces derniers "ont, semble-t-il, accepté que la Commission Européenne puisse revoir et commenter les projets de loi budgétaire des gouvernements des pays-membres avant que ceux-ci ne déposent ces projets devant leur parlement national".

Les inquiétudes exprimées par le député Fernand Kartheiser

"A cet égard, il y a lieu de rappeler tout d'abord qu’il n'appartient pas à des institutions européennes de s'immiscer dans les procédures budgétaires nationales qui sont de la  compétence exclusive des Parlements des Etats membres", plaide Fernand Kartheiser qui ajoute qu’il "n'appartient pas non plus à des institutions européennes de continuer à saper les droits souverains des Etats membres peu de temps après l'adoption difficile du Traité de Lisbonne".

"Sur le plan pratique, les délais envisagés, à savoir un examen des projets budgétaires par la Commission européenne au printemps, créent des problèmes inutiles aux administrations chargées d'élaborer les propositions budgétaires et mènent ainsi à des prévisions incertaines.", poursuit le député.

"Il est à noter en outre que les différents Etats membres suivent des procédures très divergentes en matière d’élaboration du budget, d'autonomie des ministères ou administrations en matière financière, de spécificité ou de précision dans les sections ou lignes budgétaires, de méthode de planification des dépenses selon leur nature ou leur objectif ou encore en matière de nomenclature. Même les spécialistes nationaux éprouvent souvent quelques difficultés à identifier clairement l'objet de certaines lignes budgétaires". Fernand Kartheiser se demande par conséquent "si les institutions européennes ne réclameront pas prochainement une harmonisation des budgets afin d'assurer leur lisibilité sur une base comparative".

"Il y a également lieu de constater que la Commission européenne recevra dans la réalité plus de moyens d’influence dans la procédure budgétaire que la Chambre des Députés. Celle-ci reçoit souvent un projet de loi budgétaire qui est adopté par la majorité sans examen détaillé ni discussion préalable dans les commissions parlementaires" lance-t-il avant de poser au ministre une série de questions pratiques auxquelles Luc Frieden a répondu le 9 juin 2010 :

  1. Quelle est la base légale sur laquelle a été décidé un examen des lois budgétaires nationales par la Commission européenne?
  2. Comment sera agencée dorénavant la procédure budgétaire nationale au Luxembourg ?
  3. Quelle sera l’étendue des commentaires que la commission Européenne sera autorisée à faire au sujet des projets de loi budgétaires ?
  4. Est-ce que le Gouvernement renforcera dorénavant les droits de la Chambre des Députés dans la procédure budgétaire en prévoyant par exemple parlementaire compétente ?
  5. Est-ce que la Commission européenne revendique une harmonisation de la présentation des budgets nationaux ?
  6. Quelle est la procédure envisagée par les Gouvernements pour le traitement des commentaires de la Commission ? Est-ce qu’ils seront publics? Est-ce que ceux-ci seront présentés directement aux Parlements ou est-ce qu’ils mèneront le cas échéant à des modifications du projet de loi budgétaire avant le dépôt de celui-ci ?

La réponse que le ministre Luc Frieden a transmise au député le 9 juin 2010

La Commission européenne et le Conseil surveillent les politiques budgétaires des Etats membres de l'Union européenne conformément aux dispositions des articles 121 et 126 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), ainsi que le Protocole n°12 sur la procédure concernant les déficits excessifs. L'article 121 dispose notamment que les Etats membres considèrent leurs politiques économiques comme une question d'intérêt commun et les coordonnent au sein du  Conseil. L'article 126 dispose que les Etats membres évitent les déficits excessifs.

Dans le cadre de l'évaluation budgétaire exercée par la Commission et le Conseil, les Etats membres sont invités à présenter un programme de stabilité (ou un programme de convergence pour les Etats membres dont la monnaie n'est pas l'euro) à la Commission européenne. Le programme de stabilité présente les objectifs budgétaires des Etats membres, ainsi que les orientations stratégiques de la politique budgétaire à court et moyen terme.

Le code de conduite sur le format et le contenu des programmes de stabilité prévoit que les Etats membres doivent présenter leurs programmes de stabilité avant le 1er décembre de chaque année. Le programme est ensuite évalué par la Commission européenne. Sur base de l’évaluation de la Commission, le Conseil Ecofin formule un avis sur le programme de stabilité et émet des recommandations pour assurer la conformité de la politique budgétaire avec le Pacte de stabilité et de Croissance et l'article 121 TFUE.

Compte tenu du calendrier susmentionné, l'avis et les recommandations du Conseil interviennent en général en février ou mars de l'année qui suit la présentation du programme de stabilité et de l'adoption parlementaire de la loi budgétaire sur laquelle le programme est basé. Ainsi, l'évaluation budgétaire par la Commission européenne et le Conseil est effectuée sur une base ex post, c'est-à-dire après que les orientations budgétaires ont été arrêtées au niveau gouvernemental et après le vote par le parlement sur le budget définitif (le budget de "année T). Dans le cadre de l'élaboration du budget pour l'exercice suivant (le budget de l'année T+1), le gouvernement doit agir pour se conformer aux recommandations du Conseil. Or, entre la formulation de ces recommandations sur base du budget T et leur prise en compte dans le cadre du budget T+1, une année complète est révolue.

En date du 12 mai 2010, la Commission européenne a présenté une Communication sur le renforcement de la coordination des politiques économiques nationales. Dans cette Communication, la Commission européenne propose d'avancer la date de la présentation des programmes de stabilité au premier semestre, c'est-à-dire avant que les orientations pour le budget de l'année T ne soient arrêtées au niveau gouvernemental et que le vote du budget par le parlement ne soit intervenu. Ainsi, les recommandations formulées par la Commission et adoptées par le Conseil interviendraient en temps utile pour être pris en compte dans l'élaboration du projet de budget pour l'année T. Par conséquent, l'évaluation budgétaire par la Commission européenne et le Conseil serait effectuée sur une base ex ante, au lieu d'une base ex post. Ainsi, la pertinence des recommandations pour la politique budgétaire nationale est augmentée et l'effet de transmission entre l'avis du Conseil et le budget pour l'année T est immédiat.

Ce calendrier n'implique nullement un examen par la Commission européenne et le Conseil du projet de budget avant que celui-ci ne soit approuvé par le parlement, mais un examen ex ante des grandes orientations de la politique budgétaire. La Commission européenne n'a ni l'intention, ni mêmes les moyens pour examiner les projets de budget des 27 Etats membres avant que ceux-ci ne soient soumis à l'approbation par les parlements nationaux.

Les prérogatives des parlements nationaux en matière budgétaire ne sont pas affectées par cette procédure. En effet, dans sa Communication du 12 mai 2010, la Commission observe: “The submission of the stability and Convergence Programmes should take place in the first half of the year rather than towards the end of the year as is the current practice. ln full respect of the prerogatives of national Parliaments, the early peer-review would provide guidance for the preparation of the national budgets in the following year”.

La modification du calendrier pour la présentation des programmes de stabilité n'a pas d'incidence sur la procédure budgétaire nationale. Aucune harmonisation de la présentation des budgets nationaux n'est prévue.

L'évaluation budgétaire effectuée par la Commission européenne et le Conseil porte sur le respect du Pacte de Stabilité. Par ailleurs, l'évaluation budgétaire de la Commission européenne et du Conseil porte également sur la durabilité à long terme des finances publiques, sur la conformité de la politique budgétaire avec les Grandes Orientations de Politique Economique et sur toutes les évolutions qui risquent de compromettre le bon fonctionnement de l'Union économique et monétaire. Les avis du Conseil et de la Commission européenne sont rendus publics.

A noter qu'en outre des propositions pour renforcer la coordination des politiques budgétaires au sein de l'Union européenne présentées dans la Communication du 12 mai 2010, la Commission européenne fait aussi des propositions pour garantir un respect plus strict du Pacte de Stabilité et de Croissance et de surveiller de plus près l'évolution de la situation économique dans la zone euro afin de détecter à un stade précoce des évolutions qui pourraient compromettre la stabilité économique et financière de la zone euro. Ces propositions sont actuellement discutées au niveau de la Task Force présidée par le Président du Conseil européen.

A noter que la modification du calendrier pour la présentation des programmes de stabilité est une proposition de la Commission européenne. Aucune décision n'a été prise à ce stade. Les propositions de la Commission seront discutées dans les enceintes appropriées du Conseil et in fine, il appartient au Conseil de décider s'il convient, ou non, de modifier le calendrier de la présentation des programmes de stabilité.