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Economie, finances et monnaie
Dans un entretien publié dans Die Welt, Yves Mersch appelle l’Allemagne et la France à "faire avancer l’intégration européenne dans le respect de l’esprit communautaire"
Le président de la BCL compte sur le Parlement européen dans l’espoir de voir introduire des sanctions automatiques
18-11-2010


Dans un entretien qu’il a accordé au journaliste Martin Greive publié dans l’édition du 18 novembre 2010 du quotidien allemand Die Welt, Yves Mersch, président de la Banque centrale du Luxembourg (BCL), revient point par point sur l’actualité économique et financière européenne.

Selon Yves Mersch, l’Allemagne et la France "doivent faire avancer l’intégration européenne dans le respect de l’esprit communautaire, et non retomber dans une politique de renationalisation"

S’il dit ne pas avoir de doute quant au fait que l’euro surmontera la crise qu’il traverse en ce moment, Yves Mersch confie d’emblée au journaliste allemand les inquiétudes que lui causent "le comportement de certains Etats Die Weltmembres". "Certes ils n’ont de cesse de clamer qu’ils veulent soutenir l’euro, mais en même temps, ils attisent les turbulences des marchés financiers en faisant cavalier seul au niveau national, ou encore par une mauvaise communication", accuse le banquier luxembourgeois.

C’est Martin Greive qui lance sans hésiter les noms de l’Allemagne et de la France en évoquant en suivant l’accord trouvé à Deauville entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Sur ce sujet, Yves Mersch est sans appel : "Malheureusement, nous sommes là sur la mauvaise voie", répond-il en expliquant que la BCE avait prévenu les politiques "qu’un saut quantique était nécessaire pour rendre l’union monétaire plus résistante aux crises". Il plaide pour des règles plus strictes en matière d’endettement, pour des sanctions automatiques en cas de non-respect du pacte de stabilité et pour une surveillance de la compétitivité des pays de la zone euro. "Mais ce que nous vivons en ce moment, ce n’est pas plus de culture de la stabilité, mais plus de manœuvres politiques", regrette Yves Mersch.

"Vous sentez-vous, vous et les autres plus petits Etats de la zone euro, dupés par la France et l’Allemagne ?", demande sans ambages le journaliste. Yves Mersch n’a, sur le principe, rien contre un moteur franco-allemand bien huilé, mais il précise que "les deux Etats doivent faire avancer l’intégration européenne dans le respect de l’esprit communautaire, et non retomber dans une politique de renationalisation". "Qui est pour l’euro, doit agir autrement", lance-t-il enfin, rappelant que l’affaiblissement du pacte de stabilité en 2003 n’avait pas été un exemple modèle.

Yves Mersch compte sur le Parlement européen pour renforcer le Pacte de stabilité

Yves Mersch place donc désormais ses espoirs dans le Parlement européen qui va se pencher très bientôt sur les propositions législatives de la Commission européenne, lesquelles prévoient des sanctions automatiques. "Le Parlement a déjà pris une position très claire sur la surveillance de la stabilité financière", estime Yves Mersch qui apprécierait que le Parlement européen fasse de même sur la question du Pacte de stabilité.

Interrogé au sujet de l’idée, soutenue par Angela Merkel, d’impliquer les investisseurs sur le plan financier en cas d’insolvabilité d’un Etat, Yves Mersch a fait appel à la prudence. "Mettre d’avance dans un même panier toutes les constellations possibles conduirait aussitôt à une augmentation des taux des emprunts obligataires des Etats de la zone euro", prévient-il en expliquant que les investisseurs anticiperaient ainsi le risque de ne pas revoir une partie de leurs fonds. "Je ne suis en principe pas contre la possibilité d’une participation des créanciers", ne manque cependant pas de nuancer Yves Mersch qui appelle à se baser sur l’expérience du FMI qui n’a pas pour habitude d’appliquer cette solution de façon systématique, mais au cas par cas.

Il revient à l’Irlande de décider si elle demande ou non une aide, rappelle Yves Mersch qui se montre plutôt confiant quant à la Grèce, au Portugal et à l’Espagne

A la remarque de Martin Greive qui avance que "l’Eurozone se retrouve dans la même situation qu’au mois de mai 2010", Yves Mersch tique. "En mai, nous n’avions pas de mécanisme de sauvetage", corrige-t-il, précisant que "le problème est que l’on ne parle désormais plus que de lui au lieu de s’attaquer au vrai point faible de l’union monétaire, à savoir le pacte de stabilité, dont il faut renforcer le volet préventif".

Au sujet de l’Irlande et de la crise qu’elle traverse en ce moment, Yves Mersch se contente de préciser que la décision de demander une aide revient uniquement à l’Irlande, même si la BCE va vérifier sa gestion du risque. Mais il souligne aussi qu’il ne saurait être reproché à l’Irlande de ne pas avoir pris des mesures suffisantes pour consolider son budget. Le problème est selon lui que le secteur bancaire irlandais est en surtension.

Quant aux risques qui pourraient peser sur tous les pays fortement endettés, ils ne sont pas à exclure, selon Yves Mersch. A ses yeux, il revient à chaque pays de gagner la confiance des marchés et des investisseurs par des réformes, mais il revient aussi à la zone euro dans son ensemble de prendre les bonnes décisions. Pour Yves Mersch, la Grèce a, si elle garde le cap dans le processus de consolidation engagé, de grandes chances de s’en sortir. De même, assure-t-il que le Portugal a "suffisamment d’arguments pour éviter un risque de contagion", tandis qu’il juge "complètement absurde" d’imaginer une insolvabilité espagnole dans un proche avenir.

Pour Yves Mersch, les risques que pourraient causer des taux directeurs maintenus bas pendant trop longtemps sont "plus forts encore qu’auparavant". Pourtant, comme le fait remarquer le journaliste, la BCE peut à peine les augmenter tant que l’Irlande ou le Portugal font face à des turbulences. "La BCE ne peut pas toujours jouer le libéro", répond à cela Yves Mersch qui souligne que c’est bien pour cette raison qu’il s’agit selon lui de faire pression pour renforcer la surveillance de la compétitivité des Etats afin de pouvoir anticiper les crises à l’avenir.