Dans son avis sur le projet de loi budgétaire pour l’exercice 2011, la Chambre des salariés (CSL) a répété ses craintes relatives à la nouvelle gouvernance européenne qu’instaure le semestre européen. Alors que les débats sur le projet de loi budgétaire pour 2011 battaient leur plein au parlement, la CSL a adressé à la Chambre des députés, le 7 décembre 2010, dans le cadre de la procédure de consultation sur des dossiers européens, une note extraite de son avis pour faire part de ses inquiétudes à ce sujet.
Des inquiétudes dont s’était d’ailleurs fait l’écho le député socialiste Ben Fayot lors du débat qui avait suivi la déclaration de politique étrangère du ministre Jean Asselborn, le 17 novembre dernier.
"L’avènement du semestre européen - première partie de l’année consacrée à l’analyse des dossiers nationaux par les autorités européennes - permettra à l’Union européenne de coordonner à la fois la politique budgétaire, la politique économique et les réformes structurelles des États membres tout en renforçant l’emprise de la gouvernance européenne sur celles-ci. Selon la nature des déséquilibres constatés, les prescriptions politiques adressées aux pays de la zone euro, sous peine de lourdes sanctions, pourraient potentiellement porter sur des aspects de leur politique non seulement budgétaire, mais aussi salariale et macro-structurelle", explique le communiqué diffusé par la CSL au sujet de sa note.
"Alors que les politiques budgétaires, économiques et structurelles seront surveillées pendant une période annuelle de six mois afin de détecter toute incompatibilité et tout déséquilibre naissant, une nécessité démocratique d’appropriation nationale des programmes européens de coordination et de réforme, notamment par le biais du Parlement et de la société civile, se fait légitimement jour", note la Chambre des salariés qui observe que "la pratique de ces procédures anciennes, et désormais renforcées, nous a montré que, jusqu’à présent, celle-ci fait défaut".
La CSL appelle dans son avis à "s’interroger sur l’opportunité d’instaurer une nouvelle procédure budgétaire, voire, au-delà, une procédure globale et intégrée relative aux orientations budgétaires, macroéconomiques et structurelles de l’année, qui permettra aux corps constitués et à la société civile d’être saisis et consultés en temps et en heure sur ces orientations fondamentales".
Dorénavant, le programme de stabilité budgétaire mais aussi le programme national de réforme doivent être déposés en avril, ceux-ci préfigurant notamment des grandes orientations budgétaires d’octobre. "Ceci implique une analyse des données budgétaires et macroéconomiques bien avant le traditionnel mois d’octobre, respectivement avant le nouveau mois d’avril", poursuit la Chambre des salariés qui précise, pour ce qui concerne le budget à proprement parler, qu’une "nouvelle procédure en deux temps permettrait par exemple aux Chambres professionnelles de se consacrer à l’analyse de grandes orientations budgétaires en première étape (semestre européen) et aux détails des politiques nationales au cours de la seconde étape (semestre national)".
La CSL donne aussi à considérer que le semestre européen, impliquant l’avancement au mois d’avril des programmes de stabilité des États membres, génère "une incertitude accrue en ce qui concerne la préparation des décisions macroéconomiques". De ce fait, poursuivent les auteurs de l’avis, "on ne saurait être trop prudent face à l’utilisation de versions trop récentes des comptes nationaux et des indicateurs de `compétitivité´ qui en découlent". Selon le Statec, il faut en effet attendre près de quatre années avant de connaître la version définitive des comptes au Luxembourg, et, en outre, les révisions qui les touchent peuvent y être plus prononcées qu’ailleurs en Europe, précise encore la note de la CSL.
La CSL note aussi qu’en matière de déséquilibre macroéconomique excessif, "les indicateurs de compétitivité qui seront retenus dans le tableau de bord de la Commission promettent certainement des erreurs de jugement et une course perdue d’avance au Luxembourg". Ainsi, ajoutent les auteurs de la note, n’est-il pas interdit de penser que le Luxembourg devra désormais s’acquitter d’une amende s’il veut maintenir son système d’indexation automatique des salaires.
Pour la CSL, qui estime que "la nouvelle gouvernance européenne pousse à la déflation salariale", il s’agirait à la fois "d’empêcher les États membres de recourir au dumping fiscal et social et d’exploiter le développement commun et coordonné de la demande intérieure de l’UE, qui aurait un effet multiplicateur sur la croissance et l’emploi". La zone euro ne peut en effet pas se passer d’une demande interne soutenue, comme le soulignent les auteurs de la note avant de souligner que "si besoin d’intervention des instances européennes il y a, c’est uniquement pour organiser une coopération entre les pays membres ou pour entraver des comportements dangereux des partenaires".
La coordination des politiques économiques ne devrait, de l’avis de la Chambre des salairés, pas être "arc-boutée sur l’équilibre budgétaire", mais plutôt "soutenir l’activité et la réalisation d’objectifs de développement économique, social et environnemental durables". "C’est par l’instauration de solidarités et de coopérations pérennes, par exemple budgétaires, au lieu de recourir à des instruments inadéquats de gouvernance économique, que l’Europe sortira de la crise par le haut", plaide la CSL.
La Chambre est par ailleurs d’avis que la priorité immédiate n’est pas 2020, mais la poursuite au niveau européen des mesures de soutien de la conjoncture en vue de relancer les emplois et la mise en œuvre des programmes destinés à réduire le chômage en offrant aux chômeurs un travail de qualité et une formation. Au-delà de la lutte contre le chômage, la nouvelle stratégie doit s’engager en faveur du plein emploi et de l’emploi de qualité, avec à l’appui de cet engagement des objectifs numériques précis, précisent les auteurs de cette note qui appellent à limiter les risques de voir une fois encore les institutions financières provoquer une crise majeure, comme elles l’ont fait il y a deux ans.