Après une longue nuit de discussions consacrées notamment à la situation de la Grèce, les ministres européens des Finances ont poursuivi "un cortège de réunions" qui se sont tenues le 20 juin 2011 à Luxembourg.
Une nouvelle réunion extraordinaire de l’Eurogroupe a été convoquée le 3 juillet 2011 en vue d’une décision concernant le versement de la cinquième tranche du plan d’aide à la Grèce au vu des décisions qu’auront prises d’ici là les autorités grecques, et notamment le parlement dont le vote est attendu sur le nouveau programme d’ajustement qui a été discuté avec l’UE et le FMI. Une nouvelle mission de la troïka (BCE-Commission-FMI) est d’ailleurs attendue à Athènes le 23 juin pour faire le point sur la mise en œuvre du programme d’ajustement.
Alors que les protestations enflent en Grèce, Jean-Claude Juncker s’est dit "interpellé" par les réactions venues de la rue. "J’estime que le peuple grec doit prendre sur lui des sacrifices énormes", a reconnu en effet le président de l’Eurogroupe qui a évoqué un "sentiment d’iniquité sociale" dont il ne faudrait pas selon lui "sous-estimer l’effet contagieux". Pour autant, Jean-Claude Juncker juge qu’il n’y a pas d’alternative à la consolidation. C’est par une politique de croissance que le peuple grec peut selon lui retrouver l’espoir dont il a un évident besoin.
Interrogé sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg à l’issue de la réunion de l’ECOFIN, le ministre Luc Frieden, qui représentait le Luxembourg au cours des différentes réunions qui se sont enchaînées, est revenu sur la situation de la Grèce. Pour lui, le risque de faillite de l’Etat grec existe, et il convient donc de tout faire pour l’éviter dans la mesure où un défaut de paiement de la Grèce aurait un impact sur la stabilité de l’ensemble de la zone euro. Et la part qui revient à la Grèce dans ces efforts est importante.
"Le parlement grec doit absolument dire oui au programme d’ajustement et de privatisations", a ainsi déclaré Luc Frieden, rappelant qu’il s’agissait là d’une pré-condition au versement de l’aide financière. "Nous avons promis 200 millions d’euros à la Grèce, nous en avons déjà versé 100, et nous ne verserons les deux prochaines tranches que si les conditions sont remplies", a précisé le ministre luxembourgeois.
Comme Luc Frieden l’a précisé au journaliste, le Luxembourg n’a pas prêté beaucoup d’argent à la Grèce : si près de 7 milliards d’euros seraient concernés, dont un quart ont été prêtés à l’Etat grec, et la moitié aux banques grecques, ce chiffre représente en effet à peine 1 % du bilan total de la place financière luxembourgeoise. "Mais il en serait autrement pour l’Espagne et l’Italie", a cependant indiqué le ministre des Finances luxembourgeois, mettant en garde contre le risques qu’aurait pour le Luxembourg une contagion de la crise de la dette.
Pour ce qui est de l’implication des créanciers privés à un prochain plan d’aide à la Grèce, Luc Frieden a insisté sur la prudence qui a été de mise au sein de l’Eurogroupe pour éviter que les banques les plus exposées ne se retrouvent dans des difficultés telles que les Etats aient besoin de les renflouer, ou que les épargnants aient à en souffrir. Le caractère volontaire de cette participation sur lequel se sont entendus les ministres est en ce sens essentiel à ses yeux puisque toute participation contraignante impliquerait un risque d’une perte de confiance de la part des marchés dans les obligations émises dans la zone euro, ce qui entraînerait une hausse des taux d’intérêt qui ne servirait en aucun cas l’économie européenne. Luc Frieden assure par ailleurs que les grandes institutions bancaires concernées devraient se montrer prêtes à aider à sauver la Grèce en attendant plus longtemps pour récupérer l’argent placé.
Les ministres des Finances de la zone euro, rejoints par les autres ministres des Finances de l’UE, ont tenu une réunion intergouvernementale qui leur a permis de dégager un accord sur le traité entre les Etats membres de la zone euro qui établira le Mécanisme européen de stabilité (ESM) selon les modalités sur lesquelles les chefs d’Etats et de gouvernements s’étaient entendus lors du Conseil européen de mars 2011. Tous les ministres devraient signer le traité dans les prochains jours afin que les procédures nationales de ratification puissent être lancées au plus vite.
Le futur ESM, qui aura le statut d’une institution internationale basée sur ce traité, devrait entrer en vigueur fin 2012 pour pouvoir prendre le relais de l’EFSF et de l’EFSM lorsque ces derniers arriveront à échéance, à la mi-2013. Le siège devrait être, comme celui de l’EFSF, au Luxembourg. Le mécanisme pourra être activé d’un commun accord en cas de nécessité, et comme pour les mécanismes actuels, l’assistance financière se fera sous forme de prêts accordés sous une stricte conditionnalité. L’ESM pourra aussi acheter des obligations d’Etats membres en difficulté sur le marché primaire et l’implication du secteur privé devrait être désormais la règle. Les Etats non membres de la zone euro pourront participer à ce mécanisme qui sera doté d'une capacité de prêts effective de 500 milliards d'euros, complétée par la participation du FMI.
En attendant, les ministres des Finances de la zone euro se sont aussi entendus sur des amendements à apporter à l’accord cadre entre EFSF et Etats membres. La capacité effective de prêt de l’EFSF sera ainsi portée de 250 à 440 milliards d'euros, tandis que ses moyens d'action vont aussi être élargis pour lui permettre d'acheter, à titre exceptionnel, des obligations de pays en difficulté sur le marché primaire. Une baisse des taux pratiqués est aussi envisagée. Et l’Estonie a rejoint le mécanisme. Les Etats membres doivent lancer la procédure nationale pour entériner cet accord, en sachant que l’augmentation de la capacité effective de prêt se fait notamment par une augmentation des garanties apportées par les Etats membres.
Les ministres des Finances des 23 Etats membres qui se sont engagés dans le cadre du Pacte Euro Plus ont par ailleurs validé le rapport au sujet des mesures spécifiques qui sera transmis au Conseil européen des 23 et 24 juin. Un rapport qui sera transmis, avec celui rédigé par les ministres en charge des Affaires sociales, à Herman Van Rompuy pour une évaluation au cours du Conseil européen.
Au cours du Conseil ECOFIN qui a suivi dans l’après-midi du 20 juin 2011, les ministres des Finances de l’UE ont notamment fait le point sur leur approche générale concernant le paquet sur la gouvernance économique qui fait actuellement l’objet de négociations avec le Parlement européen. Mais ils ont aussi adopté les recommandations faites par la Commission européenne aux différents Etats membres dans le cadre du semestre européen.
"Ce ne sont plus désormais les recommandations provenant juste de la Commission", a souligné Luc Frieden avant de rappeler aux auditeurs de RTL les quatre grandes recommandations faites pour le Luxembourg, à savoir, dans la mesure où les recettes sont meilleures que prévues, que le Luxembourg devrait viser un excédent budgétaire dès 2012, qu’une réforme du système de pension est nécessaire, que des négociations pour réformer le système d’indexation des salaires sont requises et enfin qu’il convient de prendre des mesures pour lutter contre le chômage des jeunes.
"Nous sommes dans le cadre d’une procédure européenne, et nous devons veiller à ce qu’aucun pays ne sorte de la danse", a expliqué Luc Frieden sur les ondes, insistant sur le fait qu’il en va de la coordination des politiques économiques et budgétaires. "Or, nos collègues européens trouvent que nous avons un gros problème en matière de retraites, en matière d’évolution des salaires, qui a été plus forte au Luxembourg que dans les autres pays et plus forte que l’inflation, en matière de chômage et en matière de déficit". Le gouvernement va donc s’atteler sérieusement à ces quatre sujets dans les prochains mois, a prévenu le ministre des Finances.
Quant à savoir si l’index devra par conséquent être supprimé ou réformé, Luc Frieden souligne que "le Conseil européen ne peut pas nous l’imposer". Mais il insiste aussi sur le fait que la BCE, le Conseil et la Commission sont d’avis que l’évolution des salaires est trop forte au Luxembourg, en partie à cause de l’index. "Je pense donc que la discussion, que le Premier ministre a annoncée dans son discours sur l’état de la Nation, doit être menée à la lumière de l’évolution de l’inflation", a annoncé le ministre.
"Je pense qu’il y a un besoin de réforme de l’index", a-t-il même ajouté, avançant la nécessité de "ne pas fermer les yeux sur la réalité économique" au vu de la hausse rapide de l’inflation et du prix du pétrole. Luc Frieden a donc émis l’espoir que le pays aurait "le courage" de mener une réforme de l’index, sans qu’il s’agisse pour autant de le supprimer.
Pour ce qui est d’atteindre un excédent budgétaire dès 2012, Luc Frieden prévient que cet objectif ne se sera pas atteint aussi vite que le souhaitent la Commission et le Conseil. "Nous n’avons pas d’excédent, mais le budget des cinq premiers mois est tel que nous l’avions prévu", a-t-il expliqué à la radio. "Il y a quasiment un équilibre entre les dépenses et les recettes pour ces cinq premiers mois", a reconnu le ministre des Finances tout en soulignant que "les dépenses sont comptées sur cinq mois" alors que "les recettes ne sont pas linéaires". Aussi, Luc Frieden rappelle qu’un déficit reste prévu sur l’ensemble de l’année, notamment pour l’Etat central.
A ses yeux, le gouvernement et la Chambre devraient s’en tenir au calendrier prévu : "notre objectif est 2014 parce que nous voulons maintenir la politique sociale et la politique d’investissement à un niveau raisonnable", a plaidé Luc Frieden qui assure cependant que le maître mot de la politique budgétaire reste la discipline.