Le 29 septembre 2010, la Commission mettait sur la table un paquet de six propositions législatives visant à renforcer la gouvernance économique. Quatre propositions portaient sur les aspects budgétaires, prévoyant une réforme en profondeur du pacte de stabilité et de croissance, tandis que deux nouveaux règlements visaient à déceler l'apparition de déséquilibres macroéconomiques dans l'UE et dans la zone euro, et à y remédier efficacement.
C’est donc un an après, quasiment jour pour jour, que la Commission a présenté ces textes que le Parlement européen a pu se prononcer en faveur de ce paquet de mesures qui a entre temps trouvé le petit nom de "Six-Pack".
Il faut dire qu’il a fait l’objet d’intenses négociations entre Conseil et Parlement européen. En juin dernier, le Parlement européen avait tenu un débat à l’issue duquel il n’avait finalement pas voté, l’idée étant alors de laisser aux gouvernements une ultime chance de céder à certaines des revendications du Parlement européen.
L’accord arraché au grand soulagement de la Présidence polonaise le 14 septembre dernier, s’il a été confirmé de façon informelle par les ministres des Finances le 17 septembre 2011, devait encore arriver à passer au Parlement européen où certains aspects de l’accord ne faisaient pas l’unanimité.
Les groupes de centre-gauche se sont abstenus et ont voté contre certaines parties de l'accord : ils craignent en effet que le paquet ne se concentre trop sur la correction budgétaire, au détriment de la croissance et de l'emploi. La partie de l'accord qui traite des déséquilibres macroéconomiques a rassemblé en revanche une importante majorité, les groupes de centre-gauche étant d'avis qu'un équilibre adéquat a été trouvé entre les impératifs sociaux et financiers.
C’est donc de justesse que la majorité a pu être trouvée sur l’ensemble de ces six textes.
Le rapport de Corien Wortmann-Kool sur le renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques a été approuvé par 354 voix contre 269. Les eurodéputés luxembourgeois étaient partagés sur ce texte, Georges Bach, Frank Engel, Charles Goerens et Astrid Lulling votant pour tandis que Robert Goebbels et Claude Turmes s’y opposaient. Tous ont suivi ce faisant leurs groupes parlementaires respectifs.
Le rapport de Sylvie Goulard sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro a été approuvé par 352 voix contre 237. Comme pour le rapport précédent, Robert Goebbels et Claude Turmes se sont distingués par rapport à leurs collègues luxembourgeois en votant, comme la majorité des parlementaires de leurs partis, contre ce texte.
Le rapport de Carl Haglund sur les mesures d'exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro a été approuvé par 395 voix contre 63, 206 députés, parmi lesquels le groupe socialiste et donc Robert Goebbels, s’étant abstenus.
Le rapport d’Elisa Ferreira sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques a rencontré une bien plus nette majorité puisqu’il a été approuvé par 554 voix contre 90. Les six eurodéputés luxembourgeois ont d’ailleurs tous voté pour ce texte.
Le rapport de Diogo Feio sur la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs a été approuvé par une majorité de 363 eurodéputés contre 268. Robert Goebbels et Claude Turmes ont là encore voté contre ce texte, comme leurs groupes parlementaires.
Enfin, le rapport de Vicky Ford sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres a été adopté par 442 députés. 182 parlementaires se sont opposés au texte, parmi lesquels Robert Goebbels qui était accompagné d’une partie des socialistes.
Les réactions et prises de position des eurodéputés luxembourgeois à l’issue de ce vote donnent un bon aperçu de l’ambiance qui régnait au Parlement ce mercredi 28 septembre 2011, juste après un débat sur l’état de l’Union avec le président de la Commission, José Manuel Barroso.
Pour le libéral Charles Goerens, qui a voté en faveur des six textes, l’adoption de ce paquet est "un signal important", ainsi qu’il l’a déclaré à Guy Kemp, journaliste du Tageblatt. Les Etats membres ne pourront plus tromper les autres impunément, les entraînant ainsi dans leurs déboires, se félicite-t-il. Il aurait certes préféré voir introduire des sanctions automatiques en cas d’infraction aux critères du pacte plutôt que les sanctions semi-automatiques qui vont finalement exister. Mais le caractère graduel des sanctions permettra au moins aux Parlements nationaux de s’emparer des débats sur les déficits budgétaires.
Georges Bach, qui a, comme ses collègues du PPE, Frank Engel et Astrid Lulling, voté lui aussi en faveur des six textes, s’est félicité de la majorité trouvée. "Il est temps d’agir et donner aux citoyens européens un signal clair de notre capacité d’action", commente l’eurodéputé qui juge "important d’introduire dans les prochaines années une stabilité de la politique économique et une politique budgétaire disciplinée".
La version ultime du Six-Pack ne conduit pas obligatoirement, comme le craignaient certains, à des pertes en matière de politique sociale, se réjouit Georges Bach qui salue donc le fait que les Etats membres conservent la possibilité de mener une politique sociale et des investissements raisonnables.
De plus, doté d’un bras préventif et d’un bras correctif, le pacte de stabilité et de croissance réformé va permettre selon lui d’éviter à l’avenir le risque de déséquilibres dans la balance de paiements ou encore de défaut de paiement.
Frank Engel a fait part à Guy Kemp, qui le rapporte dans le Tageblatt daté du 29 septembre 2011, de sa satisfaction à l’idée que les règles seront plus difficiles à bafouer à l’avenir. Pour le benjamin des eurodéputés luxembourgeois, il a été en effet trop facile jusqu’à présent d’enfreindre le pacte de stabilité, ce qui a conduit à la crise.
Astrid Lulling elle, est plus amère, même si elle voit dans le vote de ces textes "un acte important" dont elle regrette cependant qu’il soit intervenu si tard. L’eurodéputée aurait en effet préféré un accord dès le printemps, même si elle juge "heureux" que le Conseil ait cédé sur quelques points essentiels. Pour autant, "ce pacte de stabilité constituera à l'avenir un moyen d'éviter des sorties de route caractérisées", commente-t-elle dans son explication de vote.
L’eurodéputée luxembourgeoise n’est pas tendre avec ses collègues socialistes dont elle dit regretter "l’attitude déplorable" et dont elle condamne "une opposition stérile". "Mal conseillé, le groupe socialiste s'est rendu lui-même le pire service qui soit en ce moment", juge Astrid Lulling qui ne donne pas cher de la crédibilité de ce parti à une période où "la crise de la dette souveraine exige au plus haut point une remise en ordre des finances publiques des Etats membres".
Robert Goebbels s’est expliqué par voie de communiqué sur son vote qui a été conforme à celui de la grande majorité des socialistes. "La discipline budgétaire est tout simplement nécessaire", déclare-t-il, ajoutant que "les Etats doivent accepter d’être contrôlés et, en cas de dérapage, être rappelés à l’ordre". Mais il se dit "contre des sanctions dites automatiques prises au niveau de hauts fonctionnaires, fussent-ils des Commissaires". Selon Robert Goebbels, "les élus du peuple, les députés, les Ministres doivent prendre leurs responsabilités".
L’eurodéputé socialiste luxembourgeois fait preuve d’une touche d’un cynisme qu’on lui connaît parfois en déclarant ne pas croire que les marchés vont être "impressionnés" par le "six-pack" : "L’horizon de la plupart des traders est tellement limité par l’appât du gain, qu’un "six pack" économique leur évoque au mieux 6 cannettes de bière", lance-t-il en effet avant d’appeler l’UE à mettre les marchés sous pression "en leur imposant des restrictions sur les opérations spéculatives et la transparence sur toutes les opérations financières".
Quant à Claude Turmes, il explique dans un communiqué que les Verts ont approuvé trois des six propositions législatives, et rejeté les trois autres. "Dans certaines des propositions, l’équilibre entre stricte discipline budgétaire et investissements d’avenir, entre austérité et répartition juste des richesses, entre exigence et soutien n’est pas garanti", explique l’eurodéputé écologiste.
"Nous soutenons une fiscalité européenne ambitieuse, qui a pour objectif tant la solidarité que la solidité", rappelle Claude Turmes qui juge que cette combinaison se retrouve dans les rapports Ferreira et Haglund sur les déséquilibres économiques. De même le rapport Ford méritait selon lui d’être soutenu dans la mesure où il améliore la transparence et la qualité des données budgétaires des Etats membres.
Mais les rapports Wortmann-Kool, Feio et Goulard, même s’ils visaient à plus de discipline budgétaire, avaient pour défaut, selon lui, d’occulter complètement la question des recettes.