Invité sur France Info le 8 décembre 2011, le président de l’Eurogroupe et Premier ministre luxembourgeois s’est prêté au jeu des questions réponses avec la journaliste Raphaëlle Duchemin.
A quelques heures du sommet européen, l'agence américaine Standard and Poor's a menacé de dégrader les notes des banques européennes et de l'Union européenne elle-même. "Je suis très surpris par l’acharnement des agences de notation sur l’Union européenne, sur la zone euro, sur certains pays de la zone euro", réagit Jean-Claude Juncker, pour qui "ce n’est pas la logique des agences de notation qui doit prévaloir". "C’est sans doute un hasard que l’agence ait choisi ces jours-ci pour attirer notre attention sur un problème qui existe mais dont nous n’ignorons pas l’existence", poursuit le président de l’Eurogroupe. Car, si un "un peu de pression est la bienvenue", comme il l’admet, dans le cas présent, la pression est bien présente sans de telles annonces, rappelle Jean-Claude Juncker.
Pour ce qui est des discussions qui vont suivre dans les prochaines heures au sujet d’une révision des traités, alors que sont sur la table d’une part la lettre d’Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy et d’autre part le document préparé par Herman Van Rompuy, Jean-Claude Juncker et José Manuel Barroso sur mandat du sommet d’octobre, Jean-Claude Juncker est d’avis qu’il faut "un accord solide pour établir une architecture plus complète que celle dont nous disposons". "Moi je souhaiterais que nous nous mettions d’accord sur un traité à 27", plaide-t-il, mais il ajoute aussi que, "si jamais parmi les 27 il devrait y avoir des pays qui ne voudraient pas nous accompagner dans la recherche de cette architecture mieux construite, nous ferons un traité à 17". Car, à ses yeux, mieux vaut construire du solide à 17 si on n’y arrive pas à 27.
Jean-Claude Juncker, qui s’est investi dans un exercice qui consiste à collecter les éléments permettant de trouver un accord entre les 17, dit ne s’être pas trop occupé ces derniers temps de la position britannique qui pourrait, comme le souligne la journaliste, causer quelques blocages lors du Conseil européen. Mais "je n’accepterai pas que la Grande-Bretagne se voie reconnus, en matière financière par exemple, des droits et des libertés d’actions que les autres n’auraient pas", prévient-il cependant.
Pour ce qui est d’introduire des euro-obligations, idée que Jean-Claude Juncker avait lui-même mise sur la table il y a un an de cela, comme il le rappelle, il réitère sa position. "La mutualisation des dettes européennes est un pas que nous devrions prendre", déclare-t-il ainsi, reconnaissant toutefois qu’il est "trop tôt" pour ce faire dans la mesure où cette mutualisation présuppose "une union fiscale bien articulée". C’est donc là "un sujet qui n’est pas d’actualité, mais qu’il va falloir creuser pour que le moment venu, cet instrument puisse être mis en place rapidement", selon le président de l’Eurogroupe. Ce qui prendra des années, convient-il.
Interrogé sur les modalités de renforcement du pare-feu financier en introduisant de nouveau mécanismes financiers, sujet sur lequel, selon la journaliste, tout le monde n’est pas d’accord, Jean-Claude Juncker précise qu’un accord a été trouvé il y a de cela des mois pour renforcer les moyens de l’EFSF. "Nous avons une idée à peu près précise des moyens qui seront mis à disposition du mécanisme européen de stabilité", répond ainsi le président de l’Eurogroupe qui précise que ces sujets seront abordés lors du Conseil. "Comme il nous faudra négocier un traité qui nous permettra la mise en place du mécanisme européen de stabilité, nous allons préciser, me semble-t-il aujourd’hui et demain, que cet aspect important qui concerne l’implication du secteur privé était une démarche qui concerne exclusivement la Grèce". Il sera par ailleurs précisé que cette implication doit se faire en ligne avec les pratiques du FMI.
Quant à la majorité super-qualifiée proposée par l’Allemagne et la France, elle n’est, rappelle Jean-Claude Juncker, en rien un concept nouveau dans la mesure où ces deux pays s’étaient opposés à cette même idée il y a un an à peine. "Je me félicite que l’Allemagne et la France proposent aujourd’hui ce que nous avions proposé à plusieurs il y a un an", déclare donc Jean-Claude Juncker.
Herman Van Rompuy suggère de transformer le fonds de stabilité en banque européenne, ce qui lui permettrait d’avoir des fonds auprès de la BCE, avance la journaliste. "Nous sommes plusieurs à considérer que c’est une piste à creuser et nous examinerons ce sujet avec le soin et la sérénité requise", lui confirme Jean-Claude Juncker.
"L'euro lui-même, en ce qui concerne sa valeur interne, en ce qui concerne le régime de change, n'est aucunement menacé", affirme enfin Jean-Claude Juncker. "Nous devons tout faire pour mettre en place des instruments et des mécanismes de pare-feu pour éviter la contagion vers les pays qui relèvent du centre de la zone euro", ajoute-t-il avant de conclure : "Il doit y avoir un accord."