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Changement climatique - Énergie - Environnement
Le ministre de l'Economie, Etienne Schneider, et l'eurodéputé vert, Claude Turmes, poursuivent leur débat à distance sur la proposition de directive sur l'efficacité énergétique
10-04-2012


directive-efficacite-energetiqueDans une lettre ouverte intitulée "Il n'y a pas de réponses faciles" et publiée dans l'édition du Luxemburger Wort du 7 avril 2012, le ministre de l'Economie et du Commerce extérieur, Etienne Schneider livre sa vision sur la politique énergétique qu'il entend mener en tant que ministre chargé de ce domaine.

Il revient dans un premier temps sur la situation du pays, et notamment sa forte dépendance aux importations. Ainsi, 98 % de l'énergie consommée dans le pays est importée. L'approvisionnement en  gaz et en pétrole dépendent entièrement de ces importations. La moitié de l'électricité consommée est toutefois produite au Luxembourg. La part d'énergie renouvelable dans la production nationale d'énergie s'élève pour sa part à 4 %. Etienne Schneider souligne que même si cette part d'énergie renouvelable était multipliée par cinq d'ici 2020, tout en prenant en compte des "efforts essentiels" d'économies d'énergie, le rapport actuel resterait le même. Les chiffres ne sont certes "pas réjouissants" mais ont une "signification fondamentale" pour planifier une politique énergétique responsable à long terme.

Pour se libérer "à court et long termes" de la dépendance qu'il décrit, le ministre entend bien miser sur l'efficacité énergétique, les économies d'énergie et l'augmentation de la part des énergies renouvelables. Toutefois, il prévient que durant une "longue période de transition", il ne sera pas possible d'éviter le recours aux formes traditionnelles d'énergie.

Il est "irréaliste" de renoncer à l'importation d'énergie nucléaire

Le ministre de l'Economie et du Commerce extérieur réaffirme ensuite sa position en faveur d'un nouveau raccordement du pays à l'électricité française. Le marché libéralisé de l'électricité permet de toute façon aux clients de choisir leur énergie. "De nouveaux raccordements vers l'étranger ne peuvent pas influencer directement le mix énergétique. Ce mix se compose au final de la somme des décisions d'achats des clients luxembourgeois", écrit-il.

Pour autant, cela ne signifie pas un infléchissement de la position du gouvernement vis-à-vis de l'énergie nucléaire et plus particulièrement de la centrale nucléaire mosellane de Cattenom. "Le gouvernement se positionne négativement vis-à-vis de l'énergie nucléaire et en raison des stress tests menés jusque maintenant, il fera tout pour empêcher la poursuite de l'exploitation de la centrale de Cattenom."

Par contre, une interdiction d'importation d'énergie nucléaire, déjà suggérée par des opposants à cette source d'énergie, est "irréaliste".  Il ne s'agit pas uniquement d'une décision politique "qu'on pourrait prendre quand on le voudrait". "Même si une telle décision serait possible au niveau du droit européen, elle désavantagerait hautement le Luxembourg vis-à-vis des autres pays", poursuit-il. Au final, un tel choix pousserait les prix vers le haut pour ensuite mener à l'introduction de plus de gaz et d'électricité issue du charbon. De surcroît, cela n'aurait aucun impact sur la politique nucléaire des pays voisins. "Aussi dans le domaine de l'énergie, il n'y a pas de réponse facile à des questions compliquées."

Etienne Schneider affirme sa volonté de créer les conditions pour doubler la part des énergies renouvelables d'ici 2015 et poser des jalons en termes d'efficacité énergétique. Le ministre souligne ainsi que le Luxembourg est le "seul pays" qui soutient "clairement" la présidence danoise pour une nouvelle directive sur l'efficience énergétique. Il avait déjà fait cette déclaration à la Chambre des députés, le 29 mars 2012, lors du débat sur le Programme national de réforme et ainsi répondu aux critiques exprimées le 16 mars 2012 par l'eurodéputé vert, Claude Turmes dans une lettre adressée au Premier ministre.

Etienne Schneider est prêt le cas échéant à prendre une décision unilatérale en matière d'efficacité énergétique qui placerait le Luxembourg parmi les "pionniers en Europe"

Les négociations entre le Conseil et le Parlement européen au sujet de la proposition de directive débutent le 11 avril 2012. Si celles-ci échouaient, le ministre déciderait "unilatéralement" d'introduire un objectif de 1,5 % d'efficacité énergétique par année, fait-il encore savoir. De même, les exigences en la matière dans les constructions nouvelles seront rehaussées à partir du 1er juillet 2012 puis en plusieurs étapes jusqu'en 2017. Ce "chemin clair vers des bâtiments à quasiment zéro énergie" rangerait alors le Luxembourg parmi les "pionniers en Europe".

Etienne Schneider finit sa prise de position en annonçant qu'il présentera cette année un document de fonds sur la stratégie énergétique du Luxembourg, matière à une large discussion publique.

L'eurodéputé vert Claude Turmes et rapporteur de la proposition de directive sur l'efficacité énergétique, a été invité à réagir à la lettre ouverte d'Etienne Schneider, lors d'une interview accordée à RTL Radio le 10 avril 2012. "On ne peut (…) pas dire que Luxembourg, avec les positions défendues par le gouvernement, m'est d'une grande aide pour que la directive aille dans la bonne direction", a-t-il notamment affirmé.

L'eurodéputé luxembourgeois considère qu'Etienne Schneider "repeint en rose" sa propre action au sein du Conseil européen. "Luxembourg a essayé de faire passer deux choses: la première consiste en l'introduction d'un marché de certificats d'efficience énergétique ; la seconde est qu'il a soutenu le gouvernement Sarkozy, donc le lobby du nucléaire, pour qu'il y ait dans l'ensemble moins d'économies d'énergie".

L'eurodéputé donne ainsi une autre lecture du taux de 1,5 % par année que le ministre de l'Economie entend décréter si les négociations sur la directive échouent. Ce taux, "c'est justement l'objectif que j'essaie, en tant que député qui mène les négociations, de faire passer", dit-il avant de poursuivre : "Là où nous avons des positions différentes par rapport au gouvernement, (…) c'est que nous évoquons en tant que Parlement 1,5 % de toute l'énergie qui est consommée. Or, le gouvernement luxembourgeois qui soutient la France, dit en fait que le transport doit en être écarté, tout comme l'industrie. Cela signifie qu'à la fin, au Luxembourg, au plus un tiers de toute l'énergie tomberait sous la directive. Et il y a bien sûr une différence selon qu'on économise 1,5 % de 30 %, comme le veut M. Schneider ou 1,5 % de 100 % comme le Parlement européen le demande".

Pour Claude Turmes, la position du gouvernement ne protège pas les citoyens et les entreprises du pays

Considérant l'extrême dépendance du Luxembourg envers le pétrole et le gaz, Claude Turmes estime qu'il faudrait en fait "beaucoup plus" investir, et plus particulièrement pour aider les habitants à rénover les bâtiments existants mais aussi les PME à économiser plus d'énergie. Par sa posture dans les négociations, "le gouvernement veut que le Luxembourg ne soit pas contraint d'investir avec l'artisanat, les architectes, les ingénieurs, les petites entreprises dans l'efficience énergétique mais qu'il puisse prendre les rentrées fiscales luxembourgeoises et acheter des certificats n'importe où en Europe. Ce n'est pas idéal, car ainsi nous ne créons pas d'emploi au Luxembourg. (...) Ensuite, nous ne protégeons ni les entreprises ni les personnes qui vivent au Luxembourg, si dans le futur, comme il est à craindre, l'énergie devient toujours plus chère".

Claude Turmes juge par ailleurs " encore plus grave" que la Chambre des députés n'a jusqu'à maintenant pas encore discuté du sujet, pas plus que les artisans, architectes et ingénieurs n'ont été consultés. Interrogé sur le sujet, l'eurodéputé  mentionne aussi qu'il n'a pas eu de réponse à la lettre qu'il avait envoyé à la mi mars 2012.