En amont du Conseil européen qui doit se tenir les 28 et 29 juin 2012, l’eurodéputé vert Claude Turmes et le président de la fraction des Gréng à la Chambre des députés, François Bausch, ont souligné par voie de communiqué ce qu’ils identifient comme les principaux enjeux de ce sommet. "Deux décisions importantes vont être prises", résument-ils, l’une portant sur l’introduction d’une taxe sur les transactions financières (TTF) et l’autre sur une union bancaire. En clair, il s’agit à leurs yeux de décider si l’on veut d’une Europe des marchés ou d’une Europe de la politique de régulation. Et dans ce choix, insistent les deux parlementaires écologistes, le Luxembourg aura son mot à dire.
Claude Turmes et François Bausch reviennent sur les discussions récentes qui ont eu lieu au sujet de la TTF. S’ils ne les citent pas explicitement, ils semblent faire référence aux arguments avancés par le ministre luxembourgeois des Finances lors du Conseil Ecofin du 22 juin 2012. Ce dernier expliquait que la finalité de cette taxe n’était pas encore clairement définie, la question de savoir s’il s’agissait de lutter contre la spéculation ou de remplir les caisses publiques restant ouverte. Pour les Verts, il n’y pas là la moindre contradiction : ils trouvent juste de soumettre le monde de la finance à une réglementation plus stricte et de l’impliquer plus dans le financement de la lutte contre la crise en assurant aux communes et aux Etats de nouvelles ressources.
"La TTF est absolument indispensable", affirment les deux parlementaires qui estiment que ceux qui s’y opposent n’ont jusqu’ici pas proposé la moindre alternative valable. Et ils ne manquent pas de souligner d’ailleurs que "les citoyens luxembourgeois sont sur ce point en avance sur la politique" dans la mesure où, rapportent-ils, 70 % de la population luxembourgeoise est en faveur de l’introduction d’une telle taxe. Preuve selon eux que l’argument selon lequel une TTF pèserait sur les petits investisseurs, qu’ils jugent fallacieux dans la mesure où elle les protègerait tout en les touchant que de manière infime, n’est pas jugé valable. La TTF toucherait surtout les fonds qui participent à des transactions spéculatives à haute fréquence et les acteurs qui font le commerce de dérivés, expliquent en effet les deux parlementaires.
Quant à l’argument d’un risque de perdre les revenus de la taxe d’abonnement luxembourgeoise du fait de l’introduction d’une TTF, François Bausch et Claude Turmes ne le jugent pas plus recevable : la taxe d’abonnement, qui rapporte 600 millions d’euros par an à l’Etat luxembourgeois, est prélevée sur la base de la valeur d’une action ou d’une obligation, sans tenir compte de la fréquence de transactions concernant le titre en question. Or, rapportent-ils, selon les estimations de l’Efama, la TTF pourrait rapporter au Luxembourg 11 milliards d’euros. En envisageant un transfert vers le budget de l’UE d'une partie de ces revenus, il suffirait qu’il reste 6 % de cette ressource au Luxembourg pour que le Grand Duché s’y retrouve aussi bien qu’avec la taxe d’abonnement, calculent les deux parlementaires.
Ils en concluent que l’opposition à la TTF est plus une question de principe que de contenu. François Bausch et Claude Turmes se réfèrent d’ailleurs à des conversations informelles avec des représentants de la place financière luxembourgeoise qui seraient d’avis que le Luxembourg devrait lever son opposition à la TTF et que la place luxembourgeoise aurait ses chances dans le cadre d’une régulation plus stricte. Par ailleurs, glissent l’eurodéputé et le député, d’un point de vue tactique, il est toujours avantageux de participer à l’élaboration d’une nouvelle taxe plutôt que de devoir s’adapter ensuite aux décisions négociées par des pays précurseurs.
Autre grand sujet au menu des chefs d’Etat et de gouvernement, l’idée d’une union bancaire, et notamment d’une surveillance bancaire commune des grandes banques européennes au sujet de laquelle les deux parlementaires jugeraient appropriés "un plus grand sens des réalités". Luc Frieden s’était exprimé au sujet des projets d’union bancaire dans un entretien au Tageblatt daté du 14 juin 2012 : En termes de surveillance, il est d’avis que le système actuel est suffisant pour établir une bonne coordination, avait-il expliqué.
Or, en 2010, 11 banques européennes ont reçu des aides d’Etat à hauteur de plus de 100 milliards d’euros, rappellent François Bausch et Claude Turmes, soulignant que les aides étaient d’autant plus élevées que les banques avaient des fonds propres relativement bas. Les deux parlementaires citent l’exemple de Dexia, qui témoigne selon eux de l’importance qu’aurait, au minimum, une supervision bancaire coordonnée pour les grandes banques actives dans plusieurs pays de l’UE. L’idée de la BCE, soutenue par la Commission, de créer une supervision bancaire européenne commune serait à leurs yeux tout à fait fondée.
Mais, déplorent les deux parlementaires, "le gouvernement luxembourgeois est contre cette supervision bancaire", ce qu’ils jugent d’autant plus incompréhensible que l’avenir de la place financière luxembourgeoise dépend de la stabilité de ses grands acteurs. Ils estiment par conséquent qu’il serait dans l’intérêt du Grand-Duché de voir naître une telle supervision bancaire européenne, quand bien même elle réduirait un peu les bénéfices escomptés par les grandes banques.
"Le Luxembourg va devoir jouer cartes sur table" lors de ce sommet européen, concluent François Bausch et Claude Turmes qui estiment que le pays va devoir se positionner politiquement en Europe. "Le Luxembourg veut-il compter parmi les Etats membres qui veulent des marchés financiers internationaux faibles et des règles plutôt nationales, ou bien se sent-il tenu aux principes d’une UE de la régulation et de la redistribution ? Voulons-nous appartenir à l’axe classique des pays fondateurs qui veulent continuer à construire une Europe qui a pour objectif le développement durable et la justice sociale, ou bien le Luxembourg doit-il compter, comme la Grande-Bretagne et l’Irlande, Chypre et Malte, parmi les pays qui pratiquent le démantèlement de l’UE et la placent face au risque d’un nouvel effondrement financier ?" C’est ainsi que les écologistes formulent l’équation.