Le ministre luxembourgeois des Finances, Luc Frieden, a tenu le 18 septembre 2012 le discours d’ouverture de la conférence d’automne de l’association luxembourgeoise des fonds d’investissement (ALFI). L’occasion de présenter ses vues devant des centaines d’experts venus du monde entier pour deux journées consacrées notamment à l’évolution de la réglementation des fonds UCITS ainsi que des fonds alternatifs. Mais aussi d’afficher sa satisfaction à l’idée d’accueillir au Luxembourg le siège de l’ESM. En attirant une nouvelle institution internationale, le Luxembourg affiche encore plus clairement son statut de "véritable capitale financière de la zone euro", se félicite ainsi Luc Frieden.
Lorsqu’il a abordé la proposition avancée par la Commission le 12 septembre dernier, et discutée pour la première fois par les ministres des Finances le 15 septembre, Luc Frieden s’est montré circonspect, faisant état de ses "sentiments partagés" à l’égard d’une surveillance nécessaire, mais aussi d’un projet laissant ouvertes nombre de questions. "S’agit-il d’une réponse spécifique aux problèmes de la zone euro, ou bien l’objet de cette surveillance est-il de réglementer l’ensemble du marché intérieur ?" Le ministre luxembourgeois a confié qu’il penche plus pour la seconde approche, car il n’est pas question pour lui de mettre en danger le marché intérieur.
Par ailleurs, Luc Frieden a pointé l’incertitude qui demeure sur le rôle qu’auront les autorités nationales de surveillance, ou encore sur la répartition des responsabilités. En bref, le ministre a invité "le commissaire Barnier à soumettre un texte plus complet au Conseil et au Parlement européen". "Soyez sûrs que le gouvernement fera son possible pour obtenir une régulation pragmatique, qui soutiendra la croissance de l’industrie", a-t-il toutefois assuré aux professionnels du secteur.
Pour ce qui est de la situation de la zone euro, Luc Frieden, en admettant que "nous sommes loin de sortir des difficultés", a affiché un certain optimisme, jugeant que l’UE était sur la bonne voie. De son point de vue, les dernières mesures prises ont stabilisé la zone euro. Mais il prévient qu’il faudra du temps pour en voir les effets escomptés. Dans ce contexte, le ministre luxembourgeois a salué notamment les réformes lancées en Irlande et au Portugal, des réformes douloureuses, qui vont parfois à l’encontre des désirs des citoyens, mais qui, à long terme, vont aider l’économie, promet-il. L’Espagne et l’Italie ont, elles aussi, entamé d’importantes réformes, mais nécessitent d’être encore sous surveillance. Quant à la Grèce, le ministre luxembourgeois reconnaît que la situation est difficile et que les prochains mois montreront comment évoluera le dossier. "Nous sommes dans une meilleure situation qu’il y a un an", estime toutefois le ministre en faisant référence aux mécanismes censés éviter tout risque de contagion. En résumé, "aujourd’hui, nous pouvons avoir confiance dans la zone euro, même si le chemin sera difficile".
Dans ce contexte de crise encore prégnant, la place financière luxembourgeoise affiche une certaine résilience, le patrimoine global net des organismes de placement collectif et des fonds d’investissements spécialisés ayant frôlé les 2300 milliards d’euros pendant l’été, un nouveau record. Cette résilience, Luc Frieden l’explique par la collaboration permanente qui existe entre le gouvernement et les professionnels du secteur financier, qui ont évoqué avant que le ministre ne prenne la parole "un tsunami réglementaire" déferlant sur l’industrie des fonds.
"Je suis contre toute sur-régulation, mais les règles ne doivent pas être trop simples", car les produits eux-mêmes sont compliqués, a expliqué le ministre des Finances luxembourgeois, glissant facétieusement que ces subtilités faisaient d’ailleurs le bonheur des avocats de la place. Et il est aussi conscient qu’il y a là une opportunité pour l’industrie des fonds luxembourgeoise. Le ministre pense notamment à la directive AIFM, dont le processus de transposition en droit luxembourgeois vient d’être lancé, ce qui donne un coup d’avance au Luxembourg par rapport à ses concurrents.
Pour ce qui est de l’évolution des OPCVM, le ministre a invité son auditoire à suivre les nouveaux développements en cours dans le cadre des projets de directives UCITS V et VI qui ont pour objectif de renforcer la sécurité des investisseurs. "Le Luxembourg se réjouit de la clarification du rôle de la banque dépositaire", a indiqué dans ce contexte Luc Frieden qui appelle toutefois à "trouver un équilibre acceptable pour toutes les parties prenantes de la chaîne de valeur", de façon à garantir à la fois la protection des investisseurs et la rentabilité du service. Une remarque qui fait largement écho aux commentaires diffusés par l'ALFI en juillet dernier.
Le ministre a d’ailleurs assuré les professionnels du secteur qu’il entendait bien continuer à veiller aux intérêts de la place financière et de les soutenir dans leur développement à l’international. "Nous ne dépendons pas que de la zone euro", juge en effet le ministre qui espère que la place saura profiter de la croissance plus forte que connaissent d’autres régions du monde. Luc Frieden est d’ailleurs convaincu que cette "dimension internationale" de la place luxembourgeoise explique aussi sa résilience dans ce contexte de crise.