Le 12 septembre, la Commission avait présenté ses deux propositions de règlement pour la mise en place d'un mécanisme de surveillance unique des 6 000 banques de l'Union européenne. "Notre objectif ultime est de ne plus utiliser l'argent des contribuables pour renflouer les banques", avait déclaré ce jour-là, Michel Barnier, commissaire européen chargé du marché intérieur.
A une surveillance unique confiée à la BCE, en lien avec l'Autorité bancaire européenne, s'ajouterait un mécanisme unique de résolution des défaillances bancaires, de telle sorte qu'un Etat n'aurait plus à accroître son endettement pour venir en aide à une banque, qui est certes située sur son territoire mais dont les activités franchissent les frontières.
Le lendemain de cette présentation par la Commission européenne, le 13 septembre 2012, le Parlement européen avait adopté à main levée une résolution présentée par l'eurodéputée Sharon Bowles (ADL) au nom de la commission des affaires économiques et monétaires.
Le texte soulignait notamment la nécessité de mettre en place un contrôle démocratique sur l'organisme de supervision. Les députés y ont également demandé que les fonctions de supervision de la BCE soient accompagnées d'une plus grande transparence.
Surtout, les eurodéputés y ont dénoncé le choix fait par le Conseil européen, à contre-courant de ces aspirations à un contrôle démocratique, de soumettre le texte de "règlement confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit" à la seule consultation du Parlement, et non à la codécision comme cela est prévu pour le deuxième texte de la Commission.
En effet, les eurodéputés s'inquiètent que le Conseil européen ait "demandé à la Commission de faire cette législation en retenant pour base juridique le seul article 127, paragraphe 6, du traité FUE, procédure qui empêcherait le Parlement européen d'exercer son pouvoir législatif sur des questions en rapport avec le marché unique qui sont normalement traitées en codécision". Les eurodéputés le prennent d'autant plus mal qu'ils estiment incontournable "de renforcer la légitimité démocratique à l'égard de l'Union bancaire et du mécanisme de surveillance unique proposés en associant pleinement le Parlement européen aux travaux en qualité de colégislateur". Dans ce contexte, le Parlement s'était dit "prêt à appliquer des tactiques de négociation pour contrer ce principe", comme on le lisait dans un communiqué de presse publié à cette occasion.
Dans sa résolution, le Parlement européen a rappelé qu'il pousse depuis 2010 en faveur de la création d'une telle surveillance à l'échelle de l'Union européenne et que ce sont la Commission européenne et le Conseil européen qui en agissant suite au Conseil Conseil des 28 et 29 juin 2012, l'ont rejoint dans ses revendications. En juillet 2010, il avait apporté, "dans sa résolution sur la gestion des crises transfrontalières dans le secteur bancaire et son rapport sur une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Autorité bancaire européenne, des solutions aux problèmes que soulève la gestion des crises financières transfrontalières, à savoir un mécanisme intégré de surveillance, la réforme du fonctionnement des systèmes de garantie des dépôts et la création d'un fonds européen de stabilité".
Le Parlement européen a déjà fait dans sa résolution des propositions quant au fonctionnement de la future surveillance. Il y évoque la possibilité de recapitaliser les banques par le mécanisme européen de stabilité (ESM) et y considère qu'il y aurait lieu de concevoir un système qui permette "de s'attaquer à toute répercussion due à la création d'une union bancaire dans la zone euro sur les pays situés en dehors de la zone euro".
Les débats parlementaires se sont poursuivis le 26 septembre 2012 au sein de la commission parlementaire ECON. Les eurodéputés se savent pressés par le temps depuis que la Commission a signalé qu'elle espérait que cette première phase du mécanisme de surveillance unique sera mise en place pour le 1er janvier 2013.
Le timing est serré même si plusieurs Etats membres, dont l'Allemagne, ont jugé illusoire de pouvoir tenir ce délai, lors du Conseil ECOFIN informel du 15 septembre (2012/09/ecofin-informel). "Nous devons accepter le fait que nous ne travaillons pas en l'absence de repères mais en période de crise. C'est pourquoi nous devrons travailler avec ce que nous avons à notre disposition", a déclaré Marianne Thyssen (PPE), nommée rapporteur pour les deux textes le 11 septembre 2012.
Les eurodéputés se sont principalement penchés sur "la forte responsabilité du superviseur, la division claire des tâches entre le niveau européen et le niveau national, notamment pour les pays en dehors de la zone euro, et les différents dispositifs de surveillance pour les diverses banques".
Comme cela était déjà notifié dans la résolution qu'ils avaient adoptée le 13 septembre 2012, les députés ont tous "souligné le besoin de responsabilité, en vue d'équilibrer le transfert de pouvoirs de surveillance vers l'UE". Les députés se verraient bien jouer un rôle nouveau en contrepartie des pouvoirs de surveillance nouveaux donnés à l'organe de surveillance, en l'occurrence la Banque centrale européenne. Plusieurs pistes ont déjà été évoquées : "Habiliter le Parlement à mener des enquêtes, l'autoriser à fixer le budget du superviseur, à nommer son directeur et à poser des questions font partie des possibilités proposées", lit-on dans le communiqué de presse publié (LIEN) à cette occasion.
Les eurodéputés ont également évoqué le risque que la surveillance de la zone euro entraîne une division du marché unique. Marianne Thyssen considère qu'il faut veiller à la mise en place d'un comité de surveillance qui soit "bien conçu, en particulier concernant sa composition et ses structures de prise de décision", selon le communiqué de presse publié par le Parlement. L'eurodéputé vert allemand Sven Giegold a souligné la nécessité de "maintenir une Autorité bancaire européenne forte", gage qu'il n'existe qu'un seul ensemble de règles pour les banques européennes.
De nombreux députés défendent une démarcation claire entre les responsabilités de surveillance de la BCE et celles des superviseurs nationaux. Ils envisagent entre autres que les superviseurs nationaux se chargeraient de la surveillance des banques de petite taille tandis que la BCE garderait un rôle de contrôle. "Il est clair que toutes les banques ne devraient pas être soumises à la même surveillance directe de la BCE. Toutefois, un système de surveillance unique reste nécessaire", a déclaré Marianne Thyssen
Une audition publique est prévue le 10 octobre 2012. L'examen du projet de rapport aura lieu le 22 octobre 2012 au sein de la Commission parlementaire. Le vote en commission est pour l'heure prévu pour le 28 novembre 2012, tandis que le Parlement réuni en plénière s'exprimerait le 11 décembre 2012.