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Traités et Affaires institutionnelles
Alex Bodry publie dans Forum une liste de propositions visant à réformer le travail législatif qui prend clairement en compte la dimension européenne du mandat des députés luxembourgeois
02-11-2012


Pour son numéro de novembre 2012, la revue Forum a choisi pour titre "Mehr Demokratie wagen" (Oser plus de démocratie). Le président du LSAP, qui est aussi député, s’y interroge dans un article sur la nécessité de réinventer le parlement.

Sa question arrive à un moment où le projet de budget 2013 va être amendé, et ce y compris par les partis de la coalition gouvernementale, une première qui marque "un effort d’émancipation de la branche parlementaire de la majorité gouvernementale". Voilà pour le contexte national.La couverture du magazine Forum de novembre 2012

Mais elle s’inscrit aussi dans un contexte plus large. "Dans toutes les démocraties européennes, le centre du pouvoir politique s'est déplacé au fil du temps du Parlement élu vers le gouvernement, puis dans beaucoup d'États, du gouvernement vers le chef du gouvernement", constate Alex Bodry pour souligner la nécessité pour le parlement de savoir "s'adapter aux besoins d'une démocratie moderne".

"Le Luxembourg ne fait pas exception à cette règle", analyse le président du LSAP qui évoque un double phénomène. D’une part un renforcement des partis politiques qui constituent l'ossature du gouvernement et du Parlement qui a conduit à "un régime de concentration de pouvoirs au profit d'un parti ou d'une coalition de partis". Une réalité qui met à l’épreuve selon lui la théorie de la séparation des pouvoirs. D’autre part, Alex Bodry observe un recul des procédures parlementaires traditionnelles. "L'antagonisme majorité-opposition a pris la relève de l'antagonisme Parlement-gouvernement", note le président du LSAP, ce qui se traduit par le fait que les concertations et les crises politiques se manifestent le plus souvent dans la sphère extraparlementaire, à l'intérieur des partis ou entre partis composant la majorité.

Alex Bodry ne perd pour autant pas de vue que "la Chambre des députés détient beaucoup de pouvoirs qui, s'ils étaient pleinement exercés, lui assureraient une position de force face au gouvernement". Il donne pour exemple le fait que la Chambre des députés est à 100 % maître de son ordre du jour, que le parlement siège en continu ou encore que les députés disposent concurremment avec le gouvernement du droit d'initiative législative. Sans oublier les progrès récents que la Chambre a faits en termes de transparence et d’internationalisation. Le président du LSAP évoque aussi la "panoplie d'instruments" qui permettent à la Chambre d'exercer son pouvoir de contrôle sur le gouvernement et l'Administration.

Malgré l'étendue des moyens à sa disposition, Alex Bodry constate que "la Chambre des députés n'a pas réussi à faire valoir sa prééminence, son rang de premier pouvoir constitutionnel par rapport au pouvoir exécutif représenté par le gouvernement". Et il ajoute que "dans le domaine strictement législatif, la marge de manœuvre de la Chambre des députés se trouve largement restreinte par l'origine internationale de la plupart des textes de loi soumis au Parlement". "L'introduction d'un semestre européen en matière budgétaire combinée aux règles incisives du traité fiscal européen vont peser lourdement sur le contenu du budget de l'État et elle risque de restreindre les pouvoirs des Parlements nationaux", poursuit le président du LSAP.

Six pistes pour réformer les méthodes de travail dans le domaine législatif

Alex Bodry en appelle à modifier d’urgence les méthodes de travail dans le domaine législatif. Et il propose plusieurs pistes. Trois d’entre elles sont intrinsèquement liées à la dimension européenne du travail législatif.

1. Le président du LSAP suggère une rationalisation du travail en commission, en réduisant leur nombre en les regroupant selon des axes de compétences. "Tandis que les réunions en commissions pourraient être partiellement rendues publiques, les séances plénières publiques devraient être réservées prioritairement aux débats politiques", imagine-t-il en conséquence.

2. "L'intervention de la Chambre doit se situer davantage en amont de la procédure législative", plaide Alex Bodry qui pense là surtout aux textes normatifs d'origine communautaire. Le président du LSAP souhaiterait que le gouvernement soit obligé de consulter le Parlement avant une décision définitive au niveau du Conseil des ministres de l'Union européenne. De son point de vue en effet, le contrôle actuel de proportionnalité et de subsidiarité des projets d'actes européens peut être utile, mais il reste largement insuffisant car il est appliqué de façon inégale selon les commissions parlementaires et n'est pas soumis à une procédure de suivi. "L'obligation faite au gouvernement d'informer, voire de consulter le Parlement sur les questions européennes importantes, devrait être inscrite dans notre Constitution", estime le député socialiste qui escompte de cette transformation qu’elle  permettrait un débat public sur des sujets actuellement soumis à une procédure de décision assez opaque en cours à l'Union européenne.

3. Alex Bodry propose que la Chambre organise, "à l'instar du référendum sur les traités européens", des réunions d'information et de débat citoyennes, au niveau national et régional sur certains grands thèmes politiques impactant l'avenir du pays.

4. "Il est indispensable que la procédure budgétaire nationale soit agencée en fonction des règles du semestre budgétaire européen et du traité budgétaire européen en voie de ratification", juge Alex Bodry qui souhaite que le Parlement puisse intervenir, à travers un débat public, à un stade précoce de la procédure. "Comme seront fixées les grandes orientations pour la prochaine loi des finances, c'est au moment de l'actualisation du programme national de stabilité et de croissance fin mars/début avril qu'une discussion s'impose", estime le député qui appelle à débattre ouvertement et, non à huis clos, de la configuration future de la zone euro et de la gouvernance européenne avant que le Conseil européen se soit prononcé sur ces questions. "Sinon, c'est tout notre système démocratique qui est mis à mal", craint l’eurodéputé.

5. À l'heure actuelle, plus de 95 % des initiatives de loi sont d'origine gouvernementale, constate Alex Bodry qui appelle les députés de tous bords à faire un usage plus fréquent de leur droit d'initiative législative.

6. Le président du LSAP appelle enfin de ses vœux "une concertation systématique entre la Chambre des députés et les membres luxembourgeois du Parlement européen". Un échange de vue régulier qui, selon lui, ne devrait pas se limiter aux dossiers traités par la commission parlementaire des Affaires étrangères et européennes, mais englober une information réciproque sur d'autres actes législatifs européens et nationaux en élaboration ou en discussion. "Il importe de rassembler toutes les compétences et expériences pour les mettre au service des intérêts du Luxembourg et de ses citoyens en Europe", affirme Alex Bodry.

"Jusqu'à présent, le parlementarisme à la luxembourgeoise a conduit à une remarquable stabilité gouvernementale", constate Alex Bodry en conclusion. A ses yeux, "cette maturité peut constituer un atout dans une Europe sujette à de fortes turbulences, à condition qu'elle ne se fasse pas au détriment du débat démocratique public et de la confrontation des idées non seulement entre majorité et opposition, mais aussi entre partis d'une même coalition". Il conclut par un appel aux députés à "faire preuve d'assez de détermination et d'assurance pour faire valoir leur point de vue en tant que représentant de la nation et au-delà du clivage majorité-opposition".