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Economie, finances et monnaie - Traités et Affaires institutionnelles
Conseil européen – L’avenir de l’UEM à nouveau discuté par les chefs d’Etat et de gouvernement, non sans une certaine déception de Jean-Claude Juncker
14-12-2012


Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE se sont retrouvés les 13 et 14 décembre 2012 pour un Conseil européen au cours duquel ils devaient notamment discuter du rapport du président du Conseil européen Herman Van Rompuy intitulé "Vers une véritable Union économique et monétaire" qui a été élaboré en étroite collaboration avec le président de l’Eurogroupe Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso et le président de la Banque centrale européenne Mario Draghi. Il s’agissait avant tout de définir la méthode de travail et le calendrier pour les futurs travaux en vue du renforcement de la gouvernance de la zone euro, indiquait déjà la lettre d’invitation d’Herman Van Rompuy aux participants.Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE réunis en Conseil européen le 13 décembre 2012 (c) Conseil de l'UE

A l’issue de la première journée du Conseil, les chefs d’Etat et de gouvernement ont pu présenter leur "feuille de route pour l’achèvement de l’UEM".

"Le processus d'achèvement de l'UEM s'appuiera sur le cadre institutionnel et juridique de l'UE", rappellent les conclusions, qui soulignent qu’il sera "ouvert et transparent à l'égard des États membres qui n'ont pas adopté la monnaie unique", que "l'intégrité du marché unique sera pleinement respectée" et que devra être assurée "l'égalité de traitement entre les États membres qui participent au mécanisme de surveillance unique (MSU) et ceux qui n'y participent pas".

La feuille de route fixe pour priorité immédiate de mettre en œuvre et de compléter le renforcement de la gouvernance économique via le six-pack, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et le two-pack.

Les chefs d’Etat et de gouvernement fixent des échéances précises en ce qui concerne un cadre financier plus intégré

Les chefs d’Etat et de gouvernement reviennent ensuite sur l’accord politique trouvé dans la nuit du 12 au 13 décembre par les ministres des Finances sur le mécanisme de surveillance unique (MSU), qui constitue à leurs yeux "une avancée qualitative majeure sur la voie d'un cadre financier plus intégré".

Les chefs d’Etat et de gouvernement appellent à ce que soit approuvé "dès que possible dans le courant du premier semestre 2013" un cadre opérationnel pour que l’ESM puisse recapitaliser directement des banques suite à une décision ordinaire dès que le MSU aura été établi.

Les chefs d’Etat et de gouvernement insistent par la même occasion sur l’importance des nouvelles règles relatives aux exigences en matière de fonds propres pour les banques (CRD IV), qui sont aussi présentées comme "une priorité absolue", tout comme les propositions de directives relatives au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances, ainsi qu'aux systèmes de garantie des dépôts, qu’ils aimeraient voir adoptées avant juin 2013.

Les conclusions indiquent ainsi que, "dans un contexte où la surveillance bancaire est effectivement transférée à un mécanisme de surveillance unique, un mécanisme de résolution unique sera nécessaire, qui soit doté des compétences requises pour faire en sorte que toute banque des États membres participants puisse être soumise à une procédure de résolution, au moyen des instruments appropriés". Un élément sur lequel le ministre luxembourgeois des Finances, Luc Frieden, avait longuement insisté à plusieurs étapes des négociations ayant abouti sur l’accord sur le MSU du 13 décembre. "Dans ces domaines, il est important d'établir un juste équilibre entre pays d'origine et pays d'accueil", rappellent les conclusions, comme les chefs d’Etat et de gouvernement l’avaient déjà précisé en octobre 2012, à la grande satisfaction du Luxembourg.

Les conclusions annoncent ainsi que la Commission présentera courant 2013 une proposition relative à un mécanisme de résolution unique pour les États membres participant au MSU, que les colégislateurs examineront en priorité dans l'intention de l'adopter dans le courant du cycle parlementaire en cours. "Ce mécanisme de résolution unique devrait permettre de préserver la stabilité financière et d'assurer un cadre effectif pour la résolution des défaillances des établissements financiers, tout en protégeant les contribuables lors de crises bancaires", indiquent les conclusions. Elles ajoutent que ce mécanisme "devrait s'appuyer sur les contributions du secteur financier lui-même et comporter des dispositifs de soutien appropriés et effectifs". Ce dispositif de soutien devrait être budgétairement neutre à moyen terme, en garantissant que l'aide publique soit compensée par des prélèvements ex post sur le secteur financier, est-il encore précisé.

Coordination des politiques économiques : Herman Van Rompuy est invité à présenter une feuille de route pour juin 2013

Pour le reste des orientations à suivre dans le cadre du renforcement de l’UEM, les chefs d’Etat et de gouvernement laissent ouvertes les discussions : "un certain nombre d'autres questions importantes liées à la coordination des politiques économiques et aux orientations des politiques économiques de la zone euro devront être examinées plus avant, y compris des mesures visant à préserver l'intégrité du marché unique".

Herman Van Rompuy est invité à présenter au Conseil européen de juin 2013 une feuille de route qu’il doit élaborer "en étroite coopération avec le président de la Commission européenne et au terme d'un processus de consultation avec les États membres". La constellation de ce groupe de travail diffère donc de celle choisie jusqu’à présent, puisque le rapport sur l’avenir de l’UEM qui a servi de base aux discussions avait été rédigé avec l’appui supplémentaire de Jean-Claude Juncker et Mario Draghi.

Les questions qui devront être abordées dans cette feuille de route sont au nombre de quatre.

1. La coordination des réformes nationales : les États membres participants seront invités à faire en sorte que, conformément à l'article 11 du TSCG, toutes les grandes réformes d  politique économique qu'ils envisagent d'entreprendre soient débattues au préalable et, au besoin, coordonnées entre elles. Cette coordination fait intervenir les institutions de l'UE dès lors que le droit de l'UE le requiert à cette fin. La Commission a fait part de son intention de présenter une proposition relative à un cadre pour la coordination préalable des grandes réformes de politique économique dans le contexte du semestre européen.

2. La dimension sociale de l'UEM, y compris le dialogue social. Les conclusions ne donnent pas une indication de plus sur la façon dont ce sujet devra être traité. Plusieurs voix s’étaient élevées, notamment au sein du gouvernement luxembourgeois comme l’ont montré les déclarations des ministres Schmit et Asselborn en amont du Conseil européen, mais aussi dans les milieux syndicaux, pour déplorer à quel point la dimension sociale était le parent pauvre de ces discussions.

3. La faisabilité et les modalités de contrats pour la compétitivité et la croissance arrêtés d'un commun accord : des arrangements individuels de nature contractuelle avec les institutions de l'UE seraient de nature à renforcer l'adhésion et l'efficacité, indiquent en effet les conclusions qui précisent que ces arrangements devraient être différenciés selon la situation propre à chaque État membre. Cela engagerait tous les États membres de la zone euro, mais les États membres ne faisant pas partie de la zone euro pourraient également choisir de conclure des arrangements similaires.

4. Des mécanismes de solidarité qui soient de nature à renforcer les efforts déployés par les États membres qui concluent de tels arrangements contractuels pour la compétitivité et la croissance seront enfin précisés dans cette feuille de route.

La discussion a été difficile sur ces deux derniers points, ainsi que Jean-Claude Juncker l’a confié au micro de Diane Klein, journaliste de RTL Radio Lëtzebuerg. L’enjeu est en effet de savoir quel cadre donner à la solidarité en cas de difficultés d’un pays membre de la zone euro, et il y a des divergences de vues sur la question, les uns préférant des instruments de solidarité communs quand d’autres privilégient des solutions nationales. Le journaliste Jean-Claude Franck a expliqué sur les ondes de 100,7 que le Luxembourg s’était opposé à ce que ces contrats pour la compétitivité et la croissance aient un caractère obligatoire.

Les conclusions restent donc très ouvertes sur le contenu, et plusieurs des sujets abordés dans les différentes versions du rapport des quatre présidents ne sont plus évoqués, comme l’idée d’une capacité budgétaire pour la zone euro.

Jean-Claude Juncker fait part de sa déception du fait que les ambitions de ce sommet ont été revues à la baisse

 Le Premier ministre luxembourgeois a exprimé son mécontentement à ce sujet à l’issue du sommet, le 14 décembre 2012. L’agence de presse dpa rapporte la grogne d’un Jean-Claude Juncker visiblement déçu du fait que les Jean-Claude Juncker à son arrivée au Conseil européen le 13 décembre 2012 (c) Conseil de l'UEambitions ont été revues à la baisse par rapport au document qui servait de base aux discussions. "Les principales propositions du rapport des quatre présidents allaient explicitement trop loin pour certains Etats membres", a-t-il déploré. "Nous n’avons pas été à la hauteur de notre tâche", estime le président de l’Eurogroupe, conscient que le monde entier observe les réflexions de l’UE sur l’orientation que va suivre l’UEM.

Parmi ses regrets, il a notamment pointé le fait que les chefs d’Etat et de gouvernement ne se sont pas prononcé pour doter la zone euro d’une capacité budgétaire. Un échec qu’il explique du fait d’un manque de préparation quant au contenu de la proposition. "Mais l’idée n’est pas morte", a-t-il lancé. Car si certains gouvernements pensent que du simple fait que l’ESM existe, point n’est besoin de nouveaux instruments, Jean-Claude Juncker est loin de partager leur point de vue.

Pour ce qui est du volet démocratique de la réforme, le Parlement européen et les parlements nationaux définiront ensemble l'organisation et la promotion d'une conférence réunissant leurs représentants afin de débattre de questions relatives à l'Union économique et monétaire

Pour ce qui est du volet démocratique du processus de renforcement de l’UEM, les conclusions rappellent que "l'objectif général reste de faire en sorte que la légitimité démocratique et l'obligation de rendre des comptes s'exercent au niveau auquel les décisions sont prises et mises en œuvre". Ainsi, les chefs de gouvernement assurent que "toute nouvelle mesure sur la voie du renforcement de la gouvernance économique devra s'accompagner de nouvelles mesures sur la voie du renforcement de la légitimité et de l'obligation de rendre des comptes".

Au niveau national, les mesures allant dans le sens d'une intégration plus poussée des cadres de la politique budgétaire et économique exigeraient que les États membres garantissent la participation appropriée de leur parlement, est-il indiqué, de même qu’une "participation correspondante du Parlement européen" devrait accompagner une intégration plus poussée de l'élaboration des politiques et une mise en commun plus importante des compétences. Comme dans les conclusions d’octobre, il est précisé que de nouveaux mécanismes visant à accroître le niveau de coopération entre les parlements nationaux et le Parlement européen, conformément à l'article 13 du TSCG et au protocole (n° 1) des traités, sont de nature à contribuer à ce processus.

Enfin, les chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé que "le Parlement européen et les parlements nationaux définiront ensemble l'organisation et la promotion d'une conférence réunissant leurs représentants afin de débattre de questions relatives à l'Union économique et monétaire".