Le 16 janvier 2013, le Parlement européen a confirmé par un vote en plénière qui a fait l’objet d’une large majorité l’accord qui avait été trouvé fin novembre 2012 entre Parlement, Conseil et Commission au sujet des nouvelles règles visant à réguler les agences de notation de crédit. Les six eurodéputés luxembourgeois ont voté pour.
"Nous progressons avec cette nouvelle réglementation, qui est totalement dans l'esprit de base, à savoir permettre aux entreprises d'effectuer leurs propres notations internes", s’est félicité l’eurodéputé qui a suivi le dossier au Parlement européen, Leonardo Domenici (S&D).
La Commission avait soumis ses propositions au mois de novembre 2011, et le commissaire Michel Barnier n’a pas manqué de saluer le vote du Parlement européen dans la mesure où il permet "de franchir une étape importante dans notre agenda exigeant de régulation financière et dans notre réponse à la crise financière". La veille, lors du débat qui s’était tenu en plénière à Strasbourg, Michel Barnier avait inscrit cette modification des règles dans un "grand mouvement qui vise à mettre chaque acteur financier au service de l'économie réelle".
Le commissaire avait rappelé les six grands axes structurant cette réforme de la réglementation.
Dans un souci de mettre un terme aux risques de désorganisation et à l’instabilité des marchés en réglementant les publications intempestives de notations souveraines, le compromis trouvé prévoit que les agences de notations devront dorénavant établir un calendrier annuel des notations qui comportera un maximum de trois notations (non sollicitées) de la dette souveraine. Ces notations seront publiées le vendredi après la clôture des marchés et au moins une heure avant leur ouverture.
La notation de la dette souveraine se fera dans un cadre de transparence : les Etats comme les investisseurs auront accès aux éléments sur lesquels se base la notation.
Le nouveau cadre réglementaire vise aussi à réduire et, à terme, à éliminer la dépendance au recours excessif aux notations de crédit. En pratique, les établissements financiers ne pourront plus se fier exclusivement et parfois aveuglément aux notations de crédit pour leurs investissements. Ils seront amenés à réviser leurs règles internes pour éliminer les références aux notations lorsque celles-ci risquent d’avoir des effets mécaniques.
La Commission va évaluer la situation sur le marché fin 2015, particulièrement l’existence des alternatives pour les notations de crédit.
Le compromis introduit un régime de responsabilité civile. Ainsi, dorénavant, les agences de notations pourront être tenues responsables de leurs erreurs, ce qui est la moindre des choses lorsqu’il s’agit de négligence grave ou de violation intentionnelle de la législation. Ceci constitue une avancée majeure pour la protection des investisseurs et des émetteurs; cela rendra également les agences de notation plus responsables de ce qu’elles font.
Face au risque de conflits d’intérêts qui peuvent naître de la composition de l'actionnariat des agences de notations, les nouvelles règles établissent des obligations de transparence, mais également des limitations formelles sur la composition de l’actionnariat. Ainsi, pour assurer l’indépendance des agences et une bonne évaluation des risques, une obligation de transparence est instituée. Elle s'applique dans plusieurs situations : lorsque l’agence a des intérêts dans l’entité notée ou ses produits, ou lorsque l’entité notée est actionnaire de l’agence ou enfin dans les cas où les actionnaires de l’agence ont des intérêts dans l’entité notée ou ses produits. Une telle obligation de transparence s'imposera aux actionnaires dépassant 5 % du capital d’une agence. Au-delà du seuil de 10 %, il y aura l’interdiction de noter. En outre, la participation d’un même investisseur dans plusieurs agences est limitée à un seuil de 5 % par agence.
Pour introduire davantage de concurrence sur le marché, en cas de notations multiples, les émetteurs sont encouragés à recourir à au moins une "petite" agence de notation, selon le principe "appliquer ou expliquer".
Une obligation de rotation après une période de quatre ans est également introduite pour une certaine forme de produits structurés, à savoir la re-titrisation. Cette mesure fera l’objet d’une évaluation par la Commission qui sera soumise au Parlement européen, et qui pourra éventuellement conduire à un élargissement du champ d’application du principe de rotation.
Les notations seront publiées sur une plate-forme européenne de notation. Cette mesure va renforcer la visibilité et la comparabilité des notations des instruments financiers et aidera les investisseurs à effectuer leur propre évaluation de solvabilité.
En outre, en raison de la complexité des instruments financiers structurés et du rôle qu’ils ont eu dans la crise financière, le projet de règlement oblige également les émetteurs de produits structurés à publier davantage de données sur la performance des actifs sous-jacents.
Pour répondre à la demande du Parlement européen, la Commission présentera, fin 2016, sur la base de l'évolution du marché, un rapport au Parlement européen et au Conseil sur le bien-fondé d’une éventuelle Agence Européenne de notation de crédit dédiée à l'évaluation de la solvabilité des États membres et de leurs dettes souveraines. La Commission étudiera également l'idée alternative d'une Fondation européenne de notation du crédit pour les notations d'entreprise et de produits financiers structurés.
Les groupes des Verts et des libéraux ont salué l’accord trouvé, mais leurs représentants respectifs ont tous deux pointé une lacune importante dans la réglementation des agences de notation, à savoir le fonctionnement actuellement quasi oligopolistique des trois principales agences qui dominent les marchés. Wolf Klinz (ALDE) ne cache pas sa crainte qu’à l’avenir "nous payions pour ce manque de concurrence". Dans la mesure où les agences de notation demeurent presqu'intégralement payées par les entreprises dont elles notent les produits financiers, le risque de conflit d’intérêts reste important, soulève par ailleurs Philippe Lamberts pour les Verts, qui appelle à envisager l’alternative d’une fondation indépendante d’intérêt public.
L’eurodéputé luxembourgeois Robert Goebbels (S&D) a pointé le fait que "certains Etats ont empêché une règlementation plus stricte de ces agences, qui ont eu une responsabilité énorme dans la genèse de la crise financière internationale de 2008, en conférant à la chaîne des "triple A" aux produits financiers les plus farfelus". De son point de vue, "la domination des principales agences de notation sur les marchés financiers pourrait être brisée facilement, si les Etats se décidaient à ne plus demander à leurs banques, assurances et autres acteurs financiers de détenir dans leurs réserves des produits estampillés triple A". "En les invitant à faire leurs propres analyses de risques, les acteurs financiers seraient d'autant plus responsabilisés", estime Robert Goebbels.