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Economie, finances et monnaie - Fiscalité
Coopération administrative dans le domaine fiscal : la Chambre des députés transpose une partie de la directive qui doit mener en 2015 à l’échange automatique d’informations
27-02-2013


02.28.friedenLe 27 février 2013, la Chambre des députés a adopté à l’unanimité le projet de loi portant transposition de la directive du Conseil du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal. Née dans le contexte des décisions prises lors du G20 de Londres d’avril 2009 et de la publication de la liste grise de l’OCDE sur laquelle apparaissait le Luxembourg, la directive avait fait l’objet de longues tractations au sein du conseil ECOFIN. Un accord avait été trouvé le 7 décembre 2010. Le ministre luxembourgeois des Finances, Luc Frieden, avait alors estimé que l’accord trouvé permettait de respecter l’équilibre entre la lutte contre la fraude fiscale et la confidentialité des données bancaires, deux objectifs chers au Luxembourg. Le Luxembourg avait notamment réussi à exclure du champ de la directive les demandes générales, dites "fishing expeditions".

La loi adoptée par la Chambre des députés introduit ainsi "l’échange d’informations sur demande". Elle étend le champ d’application de la coopération administrative. Ne sont plus seulement concernés les impôts directs mais tous types de taxes et d’impôt sont désormais couverts. Toutefois, la TVA, les accises et les cotisations sociales, régies par d’autres textes, en sont exclues.

La directive inclut désormais également les informations bancaires dans le champ des informations à échanger sur demande. Ainsi, l’administration fiscale, pour satisfaire une demande d’information, ne pourra plus invoquer le secret bancaire. Il ne lui sera en effet pas possible d’invoquer le fait que les informations requises ne sont pas en sa possession et sera tenue d’aller la demander à l’établissement bancaire.

L’administration fiscale aura six mois pour donner une réponse à une demande.

La directive permet également aux fonctionnaires de l’administration fiscale d’un Etat membre d’être présents sur le  territoire d’un autre Etat membre moyennant accord entre les autorités de ces Etats membres, pour faire des contrôles simultanés des assujettis à l’impôt par plusieurs Etats membres. Comme l’a expliqué le ministre des Finances, Luc Frieden, devant les députés, une telle possibilité existe déjà entre le Luxembourg et l’Allemagne. 

Afin d’éviter la pêche aux informations, la loi introduit le concept de "demande d’informations vraisemblablement pertinentes", comme l’a expliqué le rapporteur du projet de loi, le député CSV, Gilles Roth, face aux députés. "Cela veut dire que la demande doit être fondée et justifiée." La demande doit ainsi avoir une "finalité fiscale", lit-on dans la loi.

La loi introduit aussi l’"échange spontané d’informations" entre Etats membres. L’administration fiscale d’un Etat a un mois pour transmettre spontanément l’information qu’elle détient, et ce dans cinq cas de figure par lesquels un autre Etat membre risque de subir une perte d’impôt.

L’imminence de l’échange automatique d’informations

L’échange automatique d’informations, c’est-à-dire sans demande préalable et à intervalles  réguliers,  fera l’objet d’un autre projet de loi. La directive prévoit en effet que son application devra se faire au plus tard à compter de 2015. Il concerne cinq types de revenus : les salaires des non-résidents, les pensions des non-résidents, les tantièmes perçus par les administrateurs, les assurances vies et les revenus immobiliers.

Toutefois, comme l’a rappelé le rapporteur, la loi adoptée par la Chambre des députés, comporte une clause de la nation la plus favorisée. Ainsi, si le Luxembourg conclut un accord avec un pays non membre de l’UE, qui propose une coopération administrative plus profonde que cette loi, ces dispositions conclues avec le pays tiers valent également dans les relations avec les Etats membres de l’UE. Or, le Luxembourg est en train de négocier avec les Etats-Unis un accord concernant le FATCA qui vise, par l’échange automatique d’informations, à s’assurer que citoyens et investisseurs américains s'acquittent de l'impôt dont ils sont redevables à leur pays. Le FATCA est censé être en application en juillet 2013, de telle sorte que l’échange automatique d’informations pourrait être une réalité au Luxembourg, dans ses relations avec toutes les administrations de l’UE, bien avant le délai de 2015.

Les débats à la Chambre

Les députés ont réagi de manière tout à fait fataliste vis-à-vis de l’imminence de l’échange automatique d’informations. Comme l’a rappelé le ministre des Finances, Luc Frieden, ce dernier était déjà inclus dans une directive de 2003, pour laquelle le Luxembourg et l’Autriche avaient obtenu une dérogation.

Le rapporteur, Gilles Roth, a rappelé la légitimité de la lutte contre l’évasion fiscale. "Dans une période de crise et d’endettement des Etats, la dette fiscale doit être traquée dans tous les coins. Les comptes étrangers ne peuvent faire exception", a-t-il dit.

Le député vert, François Bausch, a fait le lien entre cette discussion et les exigences du TSCG que la Chambre des députés venait d’adopter. "L’euro qui manque dans un pays en raison de l’évasion fiscale, manque aussi pour la construction d’écoles, le financement du secteur social ». Pour François Bausch, croire que l’on puisse éviter l’échange automatique à long terme est une illusion.

A travers la transposition de cette directive, c’est l’avenir de la place financière qui se joue. "Il y a aura un impact sur différents clients de la place financière, particulièrement dans le private banking", a dit Gilles Roth. "Mais ce projet de loi ne signifie pas la fin de notre place financière ni la fin de l‘activité bancaire privée. (…) Le secret bancaire joue toujours un rôle, dans la protection de la sphère privée. Mais la place financière ne dépend plus exclusivement du secret bancaire."

Le député libéral, Claude Meisch, a semblé regretter cette évolution, considérant que le Luxembourg a "une grande culture de la confidentialité dans la finance (…) que nous devons conserver car elle est une partie de l’identité de ce pays, une partie de l’image de marque de la place financière". Toutefois, Claude Meisch a fait remarquer que la place financière est déjà en cours de reconversion de puis longtemps, "afin de s’éloigner d’une place financière fortement dépendante du secret bancaire vers une place qui est internationalement réputée pour la qualité de ses services". Il s’agit d’un processus que le gouvernement doit continuer à soutenir, "au cas où il devrait le moment venu accepter l’échange automatique d’informations".

Le ministre de la Finance, Luc Frieden, s’est attaché à remettre cette directive dans ce contexte et à rassurer. Il considère cette évolution "normale dans un monde interdépendant". Concernant la conclusion d’un accord avec les Etats-Unis sur le FATCA, qui impliquerait l’échange automatique d’informations, Luc Frieden a estimé que "le pays doit se demander si nous voulons des relations économiques ou pas avec la plus grande économie du monde". "Nous avons notamment besoin d’une industrie des fonds, dont beaucoup d’avoirs viennent d’Amérique et qui sont aussi investis en Amérique. C’est une question de volonté économique." Le gouvernement, a-t-il dit, a en tout cas tranché en faveur de ces échanges. Luc Frieden a néanmoins évoqué le modèle des accords RUBIK entre la Suisse et l’Allemagne, actuellement bloquée par l’opposition allemande au Bundestag. "Il faut voir comment le dossier évolue dans le contexte européen et dans celui avec les Etats-Unis", a-t-il dit.

Pour Luc Frieden, la place financière doit poursuivre son adaptation, tout en veillant à garder un tempo adapté, au regard notamment de la question sociale et des risques de destruction d’emplois. Son développement passe par l’offre de "produits plus sophistiqués et plus orientés vers l’international". Il a rappelé qu’il allait déposer une loi sur les fondations patrimoniales. "Nous devons avoir beaucoup d’instruments pour attirer des gens au Luxembourg, afin qu’ils mènent  leur activité financière ici dans un environnement fiscal légal et honnête."

Le secteur bancaire a lui-même adopté une charte pour "agir éthiquement et de manière fiscalement honnête". "Le client qui vient aujourd’hui au Luxembourg vient pour une autre raison que celle pour laquelle il venait il y a trente ans. (…) Il s’agit de clients qui viennent de plus loin que nos trois pays voisins", a-t-il déclaré, mentionnant l’Asie et le Moyen Orient.