Le Luxembourg a ratifié le 27 février 2013 le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) ou pacte budgétaire qui introduit la "règle d'or" et des sanctions automatiques en cas de dérapage des finances publiques. Le projet de loi a été adopté à la Chambre des députés par 46 voix contre dix, le CSV, le LSAP, le DP et les députés indépendants Jacques-Yves Henckes et Jean Colombera ayant voté pour, les Verts, les deux députés ADR et l’unique député de Déi Lénk ayant voté contre. Avec le Luxembourg, 18 Etats membres l'ont ratifié, dont 14 Etats de la zone euro. Le traité est déjà entré en vigueur le 1er janvier 2013.
En vertu du TSCG, les pays qui en font partie s'engagent à avoir des "budgets équilibrés" ou "en excédent" sur un cycle économique, soit un déficit structurel d'un niveau maximal de 0,5 % du produit intérieur brut. Les Etats qui affichent une dette globale modérée, c'est-à-dire "nettement en-dessous de 60 % du PIB", auront droit à un déficit structurel toléré de 1%.
Le rapporteur sur le projet de loi de ratification, le député et président du CSV Michel Wolter, a parlé d’un "texte important" qui avait été rendu nécessaire par le comportement de certains pays de la zone euro qui s’étaient surendettés. Le pacte budgétaire est une des nombreuses mesures de stabilisation et de régulation prises depuis le début de la crise en 2008, dont font partie l’EFSF, le Mécanisme européen de sécurité (MES), le six-pack, le two-pack ou le paquet euro-plus. Les règles du pacte budgétaire ne seront pas neutres pour le Luxembourg qui accuse un déficit structurel, a mis en garde Michel Wolter, qui a parlé d’une dette publique qui pourrait atteindre les 60 %. Par ailleurs, et contrairement à ce que d’aucuns ont dit, le TSCG ne menace pas l’autonomie budgétaire du Luxembourg, et il ne conduira pas non plus au démantèlement des politiques sociales. Néanmoins, le frein budgétaire qu’il implique pourrait conduire à des restrictions.
S’il y a eu des divergences entre l’avis du Conseil d’Etat, qui demandait à ce que le texte soit voté par une majorité de type constitutionnel dans la mesure où il impliquerait un transfert de compétences souveraines, et celui de la commission des finances de la Chambre, qui était d’avis qu’il ne s’agit que d’un texte qui confirme des transferts de souveraineté qui ont déjà eu lieu, la Chambre a malgré tout préféré accepter de voter sur base de cette majorité, pour ne pas retarder la ratification du TSCG. Le Luxembourg a trop besoin de l’UE et de l’euro pour ne pas contribuer positivement au fonctionnement de l’UE.
Marc Spautz a appelé au nom du CSV à voter pour le texte, qui est "une pierre à l’édifice de la croissance et de l’emploi". Il contribue à ce que la crise soit traitée à ses racines qui sont, selon lui, le déficit et la dette publique. Ce que le MES est en termes de solidarité dans le cadre de la crise, le TSCG l’est en termes de solidité.
Claude Meisch, du DP a réitéré ses propos tenus la veille au cours d’une conférence de presse, lorsqu’il avait expliqué pourquoi son parti, qui est dans l’opposition, soutiendrait sans enthousiasme, mais par solidarité européenne, le pacte budgétaire. Il a réitéré ses questions au gouvernement qui devrait expliquer comment il s’y prendra pour mettre en œuvre d’ici un an les mesures prônées par le pacte budgétaire.
Alex Bodry a eu une approche très critique du TSCG, qui n’est pas pour lui le résultat d’une politique longuement réfléchie, de sorte que le texte se ressent, dans son inachèvement et ses lacunes, de la rapidité dans laquelle il a été conçu. Alex Bodry ne croit pas beaucoup à ce que le TSCG sera d’ici cinq ans intégré dans les traités européens, comme cela est prévu, et il ne croit pas non plus que cela soit souhaitable au vu de la pléthore de règles budgétaires qui ont trouvé leur chemin dans les textes anticrise adoptés depuis trois ans. Le fait que le pacte budgétaire a été négocié à huis clos puis soumis aux parlements des Etats signataires n’est pas non plus la meilleure méthode. Mais le Luxembourg ne peut pas ne pas signer comme le Royaume-Uni et la République tchèque, qui ne veulent pas d’une coordination des politiques économiques.
Alex Bodry n’est pas opposé à l’idée d’un frein budgétaire, même si la chose est plus nuancée que la manière dont elle est présentée à l’opinion politique allemande. Il est également d’accord avec l’idée du solde structurel et du déficit structurel qui doivent être calculés de manière flexible en tenant compte du moyen terme et de la conjoncture, même si le texte ne dit rien d’une méthodologie commune. La Commission devrait livrer des indications à cet égard.
Quand le traité sera transposé dans le droit national d’ici un an, il faudra également décider quelle sera l’institution en charge de la surveillance budgétaire. Le LSAP penche en faveur de la Cour des Comptes, même si la BCL est aussi en lice.
Une autre chose qu’Alex Bodry salue est l’article 13 du TSCG, qui dit que "le Parlement européen et les parlements nationaux des parties contractantes définissent ensemble l'organisation et la promotion d'une conférence réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et les représentants des commissions concernées des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires et d'autres questions régies par le présent traité", au sujet duquel les présidents des parlements nationaux des pays fondateurs de l’UE se sont déjà rencontrés à Luxembourg début janvier.
Reste que, pour le président du parti socialiste, le TSCG est l’expression d’une "politique unilatérale de l’UE fixée sur les budgets et la réduction des dettes publiques" et qui laisse sur leur faim ceux qui attendent des impulsions pour la croissance et la lutte contre la pauvreté. Or, pour Alex Bodry, l’UE a besoin d’un pacte social, d’un salaire minimum européen, de normes sociales. Il faudrait une politique qui allie les principes du pacte de stabilité avec les objectifs de la stratégie Europe 2020. Son souhait : que le gouvernement associe la Chambre très rapidement à ses travaux pour la transposition du TSCG dans la législation nationale et que la Chambre se donne de nouvelles règles sur la procédure budgétaire afin de mieux pouvoir influencer les décisions politiques dans ce domaine.
L’ancien député ADR Jacques-Yves Henckes a lui aussi apporté son soutien au TSCG. Il approuve la manière dont il veut limiter l’endettement des Etats membres. En même temps, il a regretté que le pays doive attendre jusqu’au lendemain des élections de 2014 pour connaître la manière dont la maîtrise du budget sera organisée au plan national.
François Bausch a ensuite, au nom des Verts, réitéré les sept raisons, déjà exposées lors d’une conférence de presse, pour lesquelles son groupe politique n’allait pas voter pour le pacte budgétaire. Le TSCG contient des règles trop rigides, il faut d’abord miser sur la croissance avant de s’attaquer aux dettes publiques, il faut se concentrer sur les recettes de l’Etat et non seulement ses dépenses, le TSCG réduit la capacité d’investissement des Etats membres, il risque de conduire au démantèlement de l’Etat social, il s’agit d’un traité élaboré de manière antidémocratique et il ne s’attaque pas aux causes, mais aux symptômes de la crise. Leur « non » au pacte budgétaire, un texte qui "risque de tuer le modèle européen" et dont l’UE pourrait se passer, n’hypothèque en rien le "oui" massif des Verts au projet européen, a néanmoins souligné François Bausch.
Gaston Gibéryen a, au nom de l’ADR, critiqué la "nouvelle perte de souveraineté" que le pacte budgétaire impliquerait et attaqué la politique financière du gouvernement, qui, avec ou sans pacte budgétaire, mène le pays vers « un fiasco financier ». Il a reproché au gouvernement de pratiquer une politique de l’autruche face aux obligations des systèmes de pensions auxquelles il sera difficile de faire face à partir de 2020 et face à la diminution prévisible de ses recettes dans le domaine de l’e-commerce, laquelle risque de faire perdre au pays sa souveraineté économique et sociale placé sous la tutelle des technocrates de l’UE, comme c’est le cas pour les pays sous programme que sont la Grèce, le Portugal et l’Irlande. Pour lui, l’UE perdra l’adhésion des citoyens si elle continue sa politique antidémocratique et antisociale, que l’avis de la Chambre des salariés a dénoncée.
Serge Urbany, qui avait déjà à trois reprises depuis un an exprimé l’opposition de son parti Déi Lénk au TSCG, a expliqué que les dernières prévisions économiques de la Commission avaient bien montré que la production de richesses diminuait en Europe, et que c’était là une conséquence de la politique d’austérité actuelle. Il a aussi mis en exergue le fait que 16 % des Luxembourgeois sont exposés au risque de pauvreté et d’exclusion, mais cela après les transferts sociaux, et que 45 % vivraient sous ce risque sans transferts sociaux. Or c’est ce volet des dépenses budgétaires qui est pour lui le plus visé par les politiques qui pourraient découler du pacte budgétaire. Il a aussi récusé l’idée que la politique budgétaire de la Chambre puisse être contrôlée par la banque centrale, ce qui montre de nouveau que le pacte budgétaire soulève d’abord la question sociale. Bref, son vote négatif doit être entendu comme un vote contre l’austérité.
Le dernier à prendre la parole fut le ministre des Finances, Luc Frieden. Il a défendu le TSCG comme un texte qui renforce les règles de base de toute politique budgétaire. Il a donc rejeté l’idée qu’il s‘agit d’un texte antisocial et antidémocratique. Il a été négocié entre Etats membres, le débat a reçu une large couverture médiatique, 25 Etats l’ont signé et il a été ensuite soumis aux parlements nationaux "libres de le rejeter". Il ne s’agit donc pas d’un diktat franco-allemand, mais d’un moyen de rassembler les parties à un moment où la zone euro risquait l’éclatement.
Lui-même aurait préféré que le TSCG relève d’emblée du droit communautaire et eût été discuté avec le Parlement européen, mais cela était politiquement impossible, le Royaume-Uni et la République tchèque refusant de participer. Le pacte budgétaire a l’avantage d’être ouvert à tous les Etats membres de l’UE, et pas seulement ceux de la zone euro. Il n’est pas parfait, mais il existe et relève du bon sens de ce qui doit être le cadre des politiques budgétaires des Etats européens. Il n’est pas un traité de l’austérité, et il permettra au Luxembourg de continuer une politique qui ménage les économies budgétaires comme la croissance, sans passer par une forte hausse des impôts.
Les propositions pour transposer le TSCG dans le droit national seront présentées dès l’automne 2013. Pour Luc Frieden, deux institutions peuvent prétendre à devenir l’autorité de surveillance budgétaire, la Banque centrale et la Cour des comptes.