Le 25 février 2013, les ministres européens de l'agriculture réunis en Conseil ont franchi "une étape très utile" dans les négociations sur la réforme de la PAC, selon les termes de la présidence irlandaise.
En effet, les ministres ont largement soutenu l'orientation générale des propositions présentées par la présidence irlandaise concernant la répartition des paiements directs entre les États membres et à l’intérieur des Etats membres, appelées respectivement convergence externe et convergence interne. La présidence souligne toutefois que "ce soutien était conditionné à des progrès à réaliser dans d'autres domaines ou à l’amélioration du texte".
Mais, le ministre irlandais de l'agriculture, de l'alimentation et du milieu marin, Simon Coverney se dit convaincu que les questions en suspens pourront être réglées dans le cadre des préparatifs pour la prochaine réunion du Conseil Agriculture en mars 2013. Il restera d’ici là à évacuer les questions, soulevées par certains Etats membres, concernant les paiements couplés et le système de paiements par zone mis en place dans les nouveaux États membres. Début mars, les experts de l'UE travailleront sur la réforme au sein du Comité spécial agriculture (CSA). Si un accord est trouvé durant le Conseil Agriculture des 18 et 19 mars 2013, les négociations avec le Parlement européen seraient ensuite entamées pour s'achever d'ici à la fin juin.
La "convergence interne" consiste à instaurer dans chacun des États membres un paiement forfaitaire unique en faveur des agriculteurs. La Commission européenne souhaitait que ce système soit complètement appliqué en 2019. Le ministre irlandais a toutefois déclaré avoir voulu "prendre en compte les différentes structures et entreprises" et propose de nouvelles flexibilités.
La présidence irlandaise propose ainsi que la progression de la convergence interne s’aligne sur la convergence externe. Cette dernière vise à réduire les écarts d’allocations d’aide entre Etats. La proposition de la Commission prévoit qu’un tiers de la différence soit comblé d’ici 2020 entre le niveau actuel et 90 % de la moyenne des aides par hectare. La présidence irlandaise a néanmoins baissé ce dernier taux à 75 %. Concernant l’application de la convergence interne, elle propose d’abord la baisse du plafond disponible pour une telle distribution uniforme, la première année, de 40 % à 10 % par rapport à la proposition initiale de la Commission européenne.
De nombreux "anciens" Etats membres craignent un bouleversement structurel trop rapide. Ils ont conservé un modèle dit historique, à l’issue de la réforme de 2003, qui indexe l’aide sur le montant moyen de l’aide, dit "montant de référence historique", perçu pendant la période de référence de trois ans (2000, 2001, 2002) et sur le nombre moyen d’hectares exploités durant cette même période dans le cadre de l’un des anciens régimes de soutien dit couplé. Le soutien couplé a aussi la particularité de prendre en compte le niveau de production tandis que le régime de paiement unique, vers lequel tend la convergence interne, implique le découplage, introduit dans la réforme de la PAC de 2003, et donc l’abandon du critère de production. Ainsi, un exploitant peut être considéré exerçant une activité agricole, sans produire, s’il maintient ses terres dans de bonnes conditions agricoles et environnementales. Le découplage est réputé garantir davantage de souplesse dans le choix de ce que produit l'exploitation et permet aux agriculteurs de prendre leurs décisions de production en fonction de la rentabilité et des besoins du marché. Un règlement de 2003 avait prévu la possibilité pour les États membres d'exclure en tout ou en partie certains paiements du régime de paiement unique.
Le texte de la Présidence irlandaise prévoit le maintien des droits spéciaux existants. Dans sa forme actuelle, il pourrait même conduire à une augmentation du soutien couplé en pourcentage du soutien total.
Toutefois, ces soutiens couplés font l’objet de réserves de la part des pays dits " libéraux" (Royaume-Uni, Pays-Bas, Danemark, Suède). Ces derniers estiment en effet que les dispositions proposées par l'Irlande maintiennent un niveau trop élevé de paiements couplés, qui limite la convergence des aides.
Les nouveaux États membres (Pologne en tête), sont pour leur part mécontents du texte irlandais et ont demandé le maintien, parfois jusque 2020, du régime de paiement unique à la surface (RPUS), instauré par un règlement de 2009 et qu’ils sont censés abandonner, à l’issue de l’année 2013. Les nouveaux États membres ont par ailleurs soutenu l'amendement du Parlement permettant aux pays bénéficiant du RPUS de conserver 15% d'aides couplées (la Commission propose jusqu'à 10%).
La Présidence propose l’introduction d’un paiement de redistribution facultatif qui permettrait aux États membres d'accorder un complément en plus du paiement de base pour les premiers hectares de chaque exploitation et, ce faisant, de tenir compte de la plus forte intensité de main-d'œuvre qui caractérise les petites exploitations ainsi que des économies d'échelle réalisées par les grandes exploitations.
La présidence prévoit des dispositions relatives à l'exclusion des vignobles, saluées notamment par la France et l’Italie. Les vignobles sont éligibles à recevoir des aides directes découplées à la surface dans le cadre du régime de paiement unique. Le Commissaire à l’agriculture, Dacian Ciolos, a estimé que si ces terres doivent faire l'objet d'un traitement différencié, cela ne peut se faire que via une disposition compatible avec l'OMC. "Permettre aux États membres d'exclure en 2015 les superficies cultivées en vigne en 2011 de l'allocation de droits au paiement comme le propose la Présidence semble répondre aux critères de la 'boîte verte'. Mais soyons clairs: une flexibilité de la Commission ne peut s'imaginer que si ceci n'ouvre pas la porte à d'autres demandes d'exclusion", -t-il dit.
Enfin, la présidence irlandaise propose aussi la modification de l’aide au verdissement. Les Etats membres pourraient considérer cette aide comme un pourcentage de l'aide de base perçue par l'agriculteur. Ainsi, les 30 % consacrées au verdissement ne s’appliqueraient non pas aux enveloppes nationales des pays mais aux paiements directs aux exploitants. Cette mesure est notamment contestée par l'Allemagne, la République tchèque et la Grèce.
Enfin, l’Autriche a demandé la prise en compte des protéagineux, sous forme de légumineuses et de cultures intermédiaires, parmi les exigences sur le verdissement des aides. Non seulement ces protéagineux ont des effets positifs sur l'environnement et le climat, mais une telle décision permettrait aussi de réagir à la pénurie d'aliments riches en protéines de haute qualité en Europe. Elles devraient faire partie des zones d'intérêt écologique, a dit l’Autriche, soutenue par plusieurs pays (France, Allemagne, Espagne, Roumanie, Pologne), tandis que le Royaume-Uni fut seul à se montrer plus prudent en évoquant l'importance de respecter les règles de l'OMC.
Le texte de la Présidence est "un pas important" vers une "solution acceptable sur la question centrale de l'attribution des droits", a dit Dacian Ciolos, le commissaire européen à l'Agriculture. Il a souligné qu'un nombre important de points "vont dans le bon sens mais quelques points sont très en-deçà de l'ambition minimale envisageable" et rendent impossible un soutien de la Commission.
"De fait, la conjonction de la baisse de la 1ère étape à 10 % et du verdissement variable marque un manque d'ambition réel", a-t-il souligné. Le message envoyé n'est "ni adéquat ni pragmatique". "Si je peux comprendre l'intérêt de prévoir un 'greening' variable, et notamment pour que les agriculteurs touchant le plus soient réellement incités à faire les efforts potentiellement nécessaires demandés par le 'greening', alors il faudra revoir le pourcentage de la première étape à un niveau plus crédible", juge le commissaire.
La proposition sur la convergence interne, notamment soutenue par la France, l’Allemagne, "n'est clairement pas suffisamment ambitieuse et n'assure pas un objectif minimal de convergence pour 2019", a dit Dacian Ciolos.
Pour sa part, le ministre luxembourgeois de l’agriculture compte également parmi les ministres satisfaits. Avec cinq autres pays, l’Irlande, le Danemark, l’Espagne, l’Italie, le Luxembourg et le Portugal, il avait soutenu, une proposition alternative pour la convergence des aides entre les agriculteurs lors de la réunion du Conseil du 22 octobre.
Le Conseil semble être aussi en passe de trouver un accord sur la publication des bénéficiaires des aides agricoles. Cette proposition tient compte du jugement de la Cour de justice de l’Union européenne datant de 2010. Les juges avaient notamment critiqué le fait qu'aucune distinction ne soit opérée, dans les critères de publication, "en fonction de la durée, de la fréquence ou du type et de l'importance des aides perçues". Toutes les aides agricoles et leurs bénéficiaires seront publiés, à l’exception, par souci de proportionnalité, des petits agriculteurs, définis comme ceux qui reçoivent un faible montant d’aide (de 500 à 1 000 euros). Les ministres de l'Agriculture de seize États membres se sont déclarés globalement favorables à cette proposition de la Commission. Le ministre luxembourgeois de l’Agriculture, Romain Schneider n’est pas de ceux-là.
Lors du tour de table, il s’est rangé aux côtés de la Hongrie, la Finlande, l'Autriche, Malte et l'Irlande pour s’opposer à cette divulgation des noms de personnes physiques."Il n'est pas nécessaire d'ajouter au contrôle public celui de la société, voire des voisins", a-t-il dit. Ce dernier a des "doutes juridique vu de la Charte des droits fondamentaux. Il mentionne aussi que la transparence est déjà aussi assurée par le recours à des experts qualifiés pour la distribution des aides. Le contrôle public ne doit être "en aucun cas vu comme une sorte de contrôle sur place supplémentaire", comme un contrôle "de voisinage", a-t-il dit comme le rapporte le Tageblatt. Ce dispositif est "un élément de crédibilité pour une politique que le Sommet européen a proposé de doter de près de 38% du budget communautaire sur la période 2014-2020", pense toutefois le commissaire à l’Agriculture.
Le Conseil Agriculture a de nouveau abordé le scandale de la viande de cheval retrouvée dans des plats surgelés présentés comme contenant du bœuf. "J'ai de nouveau eu le sentiment que le Conseil a eu un échange de vues très productif. Tous mes collègues ont convenu que la réponse à apporter à la controverse doit se faire à l'échelle de l'Union européenne, et que le Conseil devrait continuer à suivre cette question de près", a déclaré le ministre irlandais.
Le 15 février, l'UE avait lancé un plan destiné à lutter contre la crise de la viande de cheval, consistant en une série de tests ADN sur des plats préparés censés contenir du boeuf, et des dépistages dans la viande de cheval du phénylbutazone, un anti-inflammatoire nocif pour la santé.
Le Commissaire à la Santé, Tonio Borg, a souligné qu’il ne s’agissait pas de sécurité alimentaire mais d’une fraude qui fait l’objet d’une enquête par Europol. Sous la pression de plusieurs Etats membres, il a néanmoins dû s’engager à accélérer les travaux, sur l'étiquetage de l'origine de la viande utilisée dans les plats préparés. La France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Autriche, l'Irlande et le Portugal notamment ont demandé qu'un rapport de la Commission prévu pour la fin de l'année soit livré avant l'été. Tonio Borg a dit qu’il ne serait possible de le livrer qu’à l’automne, soulignant que la mention de l'origine de la viande sur les plats cuisinés était une question "complexe". Le ministre luxembourgeois, Romain Schneider, a notamment estimé qu’"aucun système obligatoire d’indication de l’origine, ne pourra empêcher une escroquerie préméditée".
L’Allemagne et la France se sont positionnées en faveur de l'indication d'origine sur les plats cuisinés et travaillent à la rédaction d’un texte en ce sens.