Le 8 mars 2013, Déi Gréng tenaient une conférence de presse afin d’aborder deux dossiers d’actualité européenne : la réforme de la Politique agricole commune (PAC) et le scandale de la viande de cheval.
L’eurodéputé vert, Claude Turmes, estime que le Parlement européen est face à " une chance historique " d’orienter, pour les sept années à venir, la Politique agricole commune dans une direction plus durable, plus écologique et plus juste.Le traité de Lisbonne a conféré pour la première fois au Parlement européen la codécision dans le domaine de la politique agricole. Néanmoins, la prise de position adoptée par la commission agriculture du Parlement européen les 23 et 24 janvier 2013 n’emprunte pas cette voie aux yeux de Claude Turmes. La faute en reviendrait à une majorité libérale – conservatrice, aidée par quelques eurodéputés socialistes, qui aurait " dilué " la proposition de la Commission européenne. Cette dernière, pourtant, " posait les bons accents sur la durabilité, la protection du climat et la protection des animaux ", considère-t-il.
Campagne de pression sur les eurodéputés à l’appui, les Verts européens entendent peser sur le vote du Parlement européen, prévu le 13 mars 2013, au sujet de la position de la commission agriculture. La décision sur la pêche a montré que "les représentants du peuples peuvent adopter des réformes fondamentales". "Le Parlement européen s’est opposé aux intérêts des grandes entreprises de pêches et de certains Etats membres comme l’Espagne", rappelle Claude Turmes. L’eurodéputé espère qu’il fera de même dans le domaine de l’agriculture et mettra "le consommateur, l’être humain, la qualité et la dignité de la vie des animaux" au centre de la Politique agricole commune, plutôt que de soutenir "un système, injuste, alimenté de milliards d’euros qui échappent à 80 % des agriculteurs".
La commission agriculture tiendra d’ailleurs une réunion exceptionnelle le 11 mars 2013 afin de délibérer sur la cinquantaine d’amendements déposés par les eurodéputés. Parmi ces derniers figurent ceux déposés par les Verts européens, seuls ou en compagnie des libéraux ou des sociaux-démocrates.
Claude Turmes estime que le texte doit faire l’objet d’une amélioration dans quatre domaines : la promotion d’une agriculture proche de la nature, le plafonnement des subsides aux grandes exploitations agricoles, l’égard accordé aux pays en voie de développement, la pleine transparence dans la politique de subventionnement.
Au lieu de favoriser les pratiques proches de la nature, la proposition de la commission Agriculture, sous la pression des lobbys, contiendrait "de graves contradictions avec d’autres législations européennes", notamment celles sur les pesticides, sur la protection de l’eau et sur la biodiversité. Claude Turmes rappelle que l’UE s’est donné pour objectif de stopper la " perte dramatique " de biodiversité d’ici à 2020, date de l’échéance du prochain Cadre pluriannuel financier. Il estime que ce choix de la commission, de revenir sur le régime de conditionnalité ou "cross-compliance", "doit être absolument changé". Claude Turmes que les Verts ne sont pas opposés au soutien financier des agriculteurs "mais pas sans contre-partie".
L’eurodéputé conteste ensuite le choix de la commission agriculture de proposer de réduire de 7 %, taux proposé par la Commission européenne, à 3 % la part de terres cultivables laissées en jachère, dès 2014, pour former des zones centrées sur l'écologie. De même, alors que l’enjeu de la réforme de la PAC devrait être d’encourager la diversité des cultures et que la proposition de la Commission était déjà, aux yeux de Claude Turmes, insuffisamment ambitieuse, la proposition de la commission AGRI permet aux agriculteurs d’avoir une même culture sur 80 % de leur exploitation. "Ce serait la porte ouverte aux monocultures, contre la biodiversité", juge l’eurodéputé. Les Verts veulent au contraire l’introduction d’un réel assolement des terres. Il serait guidé par le principe qu’une même culture ne peut disposer au maximum que d’un tiers d’une exploitation. "Ce n’est qu’ainsi que les pesticides, les fertilisants artificiels et les émissions de CO2 peuvent être réduites et la fertilité du sol protégée ", pensent Déi Gréng.
Concernant les subsides aux agriculteurs, la réforme devrait permettre de remettre de la justice dans leur répartition et en même temps de promouvoir une agriculture plus saine, estiment les écologiques. Pour l’heure, 80 % des aides vont à 20 % des exploitations. "On promeut l’industrialisation de l’agriculture", dit Claude Turmes. La proposition de la Commission européenne, introduisant un plafond égal à 300 000 euros par exploitation, ne concernerait que 14 500 des 13 millions d’exploitations (soit 0,12 %). Si la Commission AGRI n’a rien trouvé à redire, les Verts proposent au contraire de toucher 3,5 % des entreprises en fixant le plafonnement à 100 000 euros par exploitation. Cela permettrait de dégager 5 milliards d’euros à redistribuer nationalement aux plus petits agriculteurs afin de promouvoir une agriculture proche de la nature, d’améliorer le développement régional et d’aider l’agriculture paysanne dans l’accès aux énergies renouvelables. Les plus grands, auquel le système actuel donne le plus de subsides, n’auraient pas de mal à survivre à ce plafonnement, bénéficiant par leur grande taille des " économies d’échelles ".
Evoquant les chiffres au Luxembourg, Claude Turmes explique que seule une entreprise y reçoit annuellement plus de 300 000 euros et serait concernée par la proposition de la Commission européenne. Le projet des Verts toucherait près de 800 exploitations, permettrait de récupérer 1,33 million d’euros auprès des grandes entreprises et de redistribuer cette somme aux exploitations moins grandes. Représentant 70 % de l’ensemble des exploitations, ces dernières" sont souvent encore exploitées par des familles" et "travaillent davantage au contact de la nature et en cohérence avec le développement régional", soulignent les Verts. Selon les chiffres établis à Bruxelles. 200 à 250 exploitations luxembourgeoises reçoivent entre 200 000 et 300 000 euros, 500 – 550 perçoivent entre 100 000 et 200 000 euros, tandis que 2000 bénéficient d’une somme inférieure à 100 000 euros.
Claude Turmes estime que la nouvelle Politique agricole commune doit stopper les subventions à l’exportation de denrées alimentaires qui "détruisent les structures d’approvisionnement dans les pays en voie de développement". "Ces aides ne servent qu’à des grandes entreprises", font-ils de surcroît remarquer. Les amendements en la matière sont d’ailleurs aussi signés par l’ancien ministre luxembourgeois du Développement, l’eurodéputé libéral Charles Goerens, et son groupe parlementaire ALDE.
Enfin, Claude Turmes rappelle que le soutien aux agriculteurs passe aussi par le combat du Parlement européen pour que le Cadre financier pluriannuel affiche un montant plus élevé que celui sur lequel se sont entendus les gouvernements. Toutefois, "les citoyens sont des consommateurs mais aussi des contribuables". Pour garantir "l’acceptation dans la population" de cet effort financier, ce dernier doit "être couplé à des critères clairs et à la transparence". Claude Turmes considère ainsi qu’en termes de critères, la population est sensible à un système d’élevage respectueux des animaux, une utilisation des sols respectueuse du climat et à l’agriculture biologique. De la même manière, l’eurodéputé estime que les noms des bénéficiaires de subventions agricoles devraient être publiés. Il ne faudrait pas que le contribuable perde deux fois, "avec un plus grand risque de scandale ainsi qu’une destruction de l’environnement d’une part et une absence de transparence d’autre part", -t-il déclaré, appelant les cinq autres eurodéputés luxembourgeois à faire preuve de "courage politique" en modifiant la position finale de la commission AGRI.
Comme l’a rappelé le député Déi Gréng, Henri Kox, le scandale de la viande de cheval a mis le Luxembourg sous les feux des projecteurs, puisqu’il hébergeait la société dans laquelle étaient préparés les plats cuisinés censés contenir de la viande de bœuf. Claude Turmes se demande à ce sujet comment 500 tonnes de cheval ont pu circuler sur le territoire luxembourgeois sans que jamais n’ait été entrepris un seul contrôle qui aurait permis de mettre au jour la fraude.
Henri Kox estime que la sous-traitance et les constructions technico-financières complexes ont rendu les contrôles plus difficiles. En ce sens, un vote du Parlement européen le 13 mars 2013 en faveur d’une agriculture qui mise davantage sur la qualité que sur la quantité, aurait des vertus en la matière. Toutefois, citant les rapports de l’agence sanitaire européenne, il constate les nombreux manquements des contrôles au Grand-Duché. Henri Kox revendique ainsi la révision de la loi sur le contrôle des denrées alimentaires de 1953 et l’élaboration d’une loi visant la restructuration des inspections.